Les détenus du centre de rétention administrative (CRA) de Bordeaux ont entamé ce jeudi leur troisième journée de jeûne. Albanais, Géorgiens ou encore Algériens, ces personnes aux profils et parcours très différents, s’accordent toutes pour dénoncer une rétention qui s’éternise, alors même que les frontières françaises sont fermées aux pays extérieurs à l’Union européenne, depuis fin janvier.
Cette grève de la faim en rappelle une autre, menée dans ce même centre au début du mois de février dernier.
Des détentions rallongées en raison du Covid-19
Malgré la fermeture des frontières, la France négocie au compte-goutte avec les autorités étrangères l’expulsion des personnes visées par des obligations de quitter le territoire (OQTF).
« Cette situation explique que les expulsions soient ralenties, et que les délais de détention en centre soient rallongés alors qu’ils devraient être les plus courts possibles, déclare La Cimade, association habilitée à se rendre dans les CRA. Certains détenus veulent rester en France et d’autres rentrer dans leur pays, et sont convaincus qu’ils y arriveraient mieux par leurs propres moyens. Mais tous s’accordent sur le fait qu’ils veulent sortir du centre. »
Plusieurs témoignages expriment en effet l’incompréhension des détenus face à une rétention jugée absurde.
« Les frontières avec l’Algérie sont fermées, je ne comprends pas ce que je fais ici. Ils me disent que je vais prendre un avion demain vers 4h du matin. Je ne veux pas rentrer, j’ai ma compagne et ma vie ici », raconte Hasni Gharbi, un algérien de 28 ans joint par Rue89 Bordeaux.
Des problèmes de santé et psychiatriques lourds
« Nous on doit partir en Géorgie, on ne comprend pas pourquoi nous sommes enfermés si longtemps, alors qu’on pourrait partir tous seuls plus facilement », affirme un témoignage recueilli par La Cimade. D’autres expliquent à l’association qui œuvre pour les droits des réfugiés et des migrants, leur volonté de départ par leur manque d’accès aux soins :
« Moi j’ai des problèmes psychiatriques, je veux être libéré et sortir tout seul du territoire. Je veux quitter la France. J’ai traversé la mer avec un zodiac, je ne veux pas retourner dans mon pays. J’ai eu un choc quand j’étais petit, à cause du terrorisme. Ils ont tué mon cousin devant moi. J’ai besoin d’un suivi psychiatrique », affirme un des détenus.
En effet, si le CRA dispose d’une unité médicale composée d’infirmiers et de généralistes, la plupart des détenus ne peuvent poursuivre ou bénéficier d’un traitement psychiatrique, le centre ne disposant pas de spécialistes, et les rendez-vous à l’extérieur étant difficiles à obtenir.
Contactée au sujet de la prise en charge médicale des détenus, la Préfecture explique qu’en l’absence de l’équipe du service du centre de rétention, c’est le SAMU qui est systématiquement contacté en cas de besoin. En ce qui concerne les soins programmés à l’extérieur, comme les soins psychiatriques, le transport des détenus devrait être assuré par les policiers du CRA jusqu’au praticien. Cependant, lorsque nous avons interrogé La Cimade, celle-ci a déploré des annulations de rendez-vous lorsque les policiers sont occupés ailleurs ou envoyés sur d’autres missions, n’assurant ainsi plus les transports.
Les conditions d’incarcération n’arrangent pas les choses. « Ici, tout le monde a des problèmes psychiatriques et des maladies. L’endroit est minuscule », confie un détenu. « C’est le plus petit centre de France métropolitaine, il n’y a quasiment pas de lumière du jour », abonde La Cimade.
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