Ceux présents travaillent de nuit ou sont venus sur leurs jours de congés. A l’hôpital, on n’arrête pas de travailler, même en grève. Mardi 11 mai en fin de matinée, ils étaient une centaine de soignants réunis devant le siège de l’ARS à Bordeaux, dans le cadre d’un mouvement national.
Ces soignants en services de réanimation ont fait entendre leur voix. Ils réclament, notamment, une revalorisation salariale, la création d’une prime liée à leurs compétences, une augmentation de la formation de personnel soignants et l’augmentation de lits en réanimation.
« C’est la galère »
Dans la foule, deux jeunes soignantes de l’hôpital Saint-André. Elles sont venues avec des collègues du service de réanimation. Diplômées l’année dernière, elles débutent une carrière dans un milieu hospitalier en manque de moyens :
« C’est la galère au niveau personnel et matériel. Les renforts qu’on a obtenus pour gérer le service avec les patients Covid ne sont pas formés. La réanimation n’est pas une spécificité enseignée à l’école. On l’apprend en pratiquant. Les machines utilisées pour traiter les problèmes respiratoires ou rénaux sont assez techniques. »
Une de leurs collègues, soignante depuis 10 ans, a dû former du personnel venu en renfort :
« Normalement, il faut un mois de formation et deux ans de pratique pour être autonome. Dernièrement, j’ai passé un samedi à former un collègue aux soins de réanimation. Le lendemain, il devait savoir faire tout seul. Mais ce n’est pas toujours le cas. On a aussi eu des étudiants anesthésistes, qui eux, sont formés à la réa. »
Creux de la vague
Entre la première et la deuxième vague, les soignants ne comptent plus les jours où ils ont été appelés sur leurs temps de repos :
« Même si les heures supplémentaires sont payées, c’est plus une question de vie personnelle qu’il est difficile de gérer à côté du travail. L’autre jour, un remplacement a été annulé. On a bossé en effectif réduit. »
Le personnel soignant bordelais s’estime « chanceux » par rapport à leurs collègues du Grand-Est ou d’Ile-de-France, où le taux d’incidence est plus élevé – il était au 6 mai de 135 cas pour 100 000 habitants en Nouvelle-Aquitaine, en baisse depuis deux semaines, contre 191 en région parisienne. Le nombre de personnes hospitalisées en services de soins critiques (dont la réanimation) est lui aussi incomparable – 283 contre 1632. II n’en demeure pas moins un sentiment de délaissement, dont témoigne une soignante de Saint-André :
« Lors de la première vague, nous étions applaudis, reconnus. Mais ça n’a pas duré. La crise sanitaire a mis en lumière des déficits qui existaient déjà avant. »
Démissions
Au dos des blouses bleues, on pouvait lire des slogans tels que « Reconnaissance en attente » ou encore « Soignants fatigués, patients en danger ». Des conditions de travail qui se sont aggravées avec la crise sanitaire, comme l’explique une aide-soignante au service de réanimation à l’hôpital Pellegrin. Elle travaille sur 12 heures :
« La charge de travail a augmenté, mais il n’y a pas plus de personnel. Le renfort lors de la première vague est arrivé deux ou trois mois après le début. Nous étions déjà épuisés. Le service prend également en charge les problèmes rénaux, cardiologiques, neurologiques… En réanimation chirurgicale, on s’occupe aussi d’autres prise en charge, comme les accidentés de la route. Pour la deuxième vague, la moitié des lits était occupée par les patients Covid, le reste par les autres patients. On travaille sur nos temps de repas et de pause. Il y a eu des démissions. »
Selon les soignants présents, « la réa, tu y vas par choix ». Malgré la vocation, le manque de reconnaissance persiste :
« On ne touche pas de prime de spécialité. C’est aussi un service où il y a beaucoup de stress avec, souvent, des patients dont le pronostic vital est engagé. Il faut savoir parler à des familles qui sont dans l’angoisse. Heureusement, nous sommes une équipe soudée, on parle souvent entre collègues. Il faut être dedans pour comprendre. »
Soutien psychologique
Depuis un an, des cellules de soutien psychologique ont été créées dans les hôpitaux, à destination du corps médical qui fait face à une situation difficile. Une aide-soignante de Pellegrin a pu en bénéficier :
« Avant le Covid, il n’y avait pas de réelles prises en charge psychologique. On pouvait avoir recours à la médecine du travail. Les psychologues, ça peut aider, mais on se soutient surtout moralement entre nous. Et puis, ça ne règle pas le problème de fond qui est celui d’un déficit de moyens, de personnels et un manque de formation. »
Mardi 18 mai, une nouvelle mobilisation est prévue. Les syndicats appellent à un rassemblement contre l’externalisation du bionettoyage, réalisé par des agents du service hospitalier (ASH). A 11h, une délégation sera reçue à l’ARS.
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