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Intégrée à Cenon depuis 16 ans, régularisée, une famille finalement menacée d’expulsion vers la Turquie

Hakan Kaya, d’origine kurde, vit depuis 2005 avec sa famille à Cenon, où sont nés ses quatre enfants. Aussi, en novembre 2020, le Tribunal administratif de Bordeaux a enjoint la préfecture de leur accorder un titre de séjour. La préfecture a contesté cette décision et gagné en appel. Il est de ce fait sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Un recours a été déposé devant le Conseil d’État par l’avocat de la famille.

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Intégrée à Cenon depuis 16 ans, régularisée, une famille finalement menacée d’expulsion vers la Turquie

Ce mercredi en fin d’après-midi, dans l’appartement des Kaya, à Cenon, toute la famille est présente. Hakan Kaya fait les présentations. Il y a Ahmet, 9 ans, Eylem, 4 ans, Evinsu, 6 ans. Necmiye, la mère, porte dans ses bras Ela, âgée de 3 mois. Les enfants sont nés tous en France, et sont scolarisés dans les écoles Louis-Pergaud et René-Cassagne.

En 2005, Hakan Kaya, alors âgé de 18 ans, quittait la Turquie pour s’installer à Cenon, où vivait deux de ses frères. Il a décroché un CDI dans le secteur du bâtiment, a un contrat de location d’un appartement à son nom, et compte passer le permis de conduire prochainement. Et pourtant, depuis le 31 mai dernier, la famille vit dans l’angoisse d’une expulsion.

Incompréhension

En novembre 2020, après des années de demandes de régularisation, le Tribunal administratif de Bordeaux « enjoint à la préfète de Gironde de délivrer à M. et Mme Kaya une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ». Seulement, six mois plus tard, la préfecture, qui juge insuffisante l’intégration de la famille, fait appel. La Cour administrative d’appel va dans son sens, et réforme la décision du Tribunal administratif.

La préfecture ordonne à la famille de rendre les titres de séjours obtenus. Un revers judiciaire qui a suscité l’indignation à Cenon, où des habitants, des élus et des associations, à l’instar de Réseau éducation sans frontières ou du Collectif égalité des droits, se sont mobilisés.

Dans un classeur, Hakan Kaya conserve scrupuleusement toutes les traces de ces démarches administratives, mais aussi les preuves de son intégration :

« J’ai des bulletins de paie. Je paye mes factures, mes enfants sont nés ici. Ils ne connaissent pas la Turquie, nous ne pouvons pas retourner là-bas. Ça fait 15 ans que je suis ici, je n’ai plus aucun lien avec le reste de ma famille. »

La famille Kaya, chez elle, à Cenon Photo : VB/Rue89 Bordeaux

Repartir de zéro

Ses frères ont pu obtenir le statut de réfugiés politiques, mais pas lui. D’origine kurde, et au vu des tensions géopolitiques entre le gouvernement Erdoğan et le Parti démocratique des peuples (issu du mouvement politique kurde), le père de famille redoute un retour en Turquie.

« Je n’ai aucune réponse à ça, je ne sais pas pourquoi le statut m’a été refusé. J’ai fait plusieurs demandes, de regroupement familial et d’étranger malade. Tout a été débouté. Je ne sais plus quoi faire pour prouver que je suis installé ici. Quand j’ai eu le titre de séjour, je me suis tout de suite inscrit pour passer le permis. Quand on a su que la préfecture avait fait appel, c’est comme s’il fallait repartir de zéro. »

Son fils, Ahmet, est le premier de sa classe. Son carnet de correspondance est rempli de bonnes appréciations. Une attestation de réussite scolaire, signée par le directeur de l’école, est venue compléter les nombreux autres justificatifs d’intégration.

« Caractère mécanique de l’exclusion »

Pour les soutiens et l’avocat des Kaya, la décision d’appel de la préfecture est d’autant plus incompréhensible vu la position de la Commission du titre de séjour des étrangers. En mars 2020, cette dernière a émis un avis favorable à la délivrance d’un titre de séjour à titre humanitaire pour Hakan Kaya, mentionnant sa « persévérance à vivre sur le territoire français depuis 15 ans ».

Maître Sylvain Galinat est l’avocat de la famille Kaya :

« La préfecture n’a aucunement tenu compte de l’avis favorable donné par la Commission. Le député de la circonscription, Alain David, a écrit une lettre à la préfète. Elle est passée outre aussi. Des associations et des élus se sont mobilisés. La directeur de l’école a témoigné de la réussite scolaire des enfants. C’est un dossier qui représente le caractère mécanique de l’exclusion, où la justesse des situations personnelles n’est pas considérée par l’autorité administrative. »

Depuis la décision de la Cour administrative d’appel de Bordeaux, Hakan Kaya et sa femme vivent sous la menace d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Un recours a été déposé devant le Conseil d’État par l’avocat de la famille, ce qui ne suspend pas la décision d’expulser Hakan Kaya en Turquie.


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