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Violences conjugales : « Bordeaux est une des villes de France les plus concernées »

En cette Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, les acteurs publics et associatifs ont présenté leurs analyses sur ce fléau et des moyens d’actions pour y faire face. Certains chiffres sont alarmants et illustrent la demande faite par le département de la Gironde à l’Etat pour expérimenter une justice spécialisée dédiée au suivi des faits signalés.

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Violences conjugales : « Bordeaux est une des villes de France les plus concernées »

Les chiffres sont dans le rouge sur tous les tableaux. Eric Krust, commissaire divisionnaire et chef d’Etat Major de la Direction Départementale de Sécurité Publique de la Gironde (DDSP 33), évoque 120 faits de violences conjugales en moyenne par jour sur les circonscriptions de Bordeaux et Arcachon, avec 6 à 10 interventions quotidiennes de ses services.

Il révèle que, sur le site de signalement de violences conjugale, sexuelle ou sexiste mis en place par l’Etat, « Bordeaux est une des villes de France les plus concernées », ces violences allant jusqu’à représenter 65% de la délinquance traitée.

En Haute Gironde, pas mieux. Vincent Hébras, commandant de la compagnie de gendarmerie de Blaye, a dénombré une victime de violence intrafamiliale par jour en 2020 (364, +44% en 3 ans) et près de deux interventions quotidiennes (668, +88% en 3 ans) pour des faits de violences intrafamiliales, représentant 10% de l’ensemble des interventions.

Les deux officiers participaient ce jeudi matin, dans le cadre de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, à une matinée organisée par le conseil départemental de la Gironde sur la mobilisation des acteurs publics et associatifs.

Bons signes

Dans le département, Sophie Buffeteau, directrice régionale aux droits des femmes et à l’égalité, fait état de 3754 plaintes déposées pour violences conjugales depuis le début de l’année 2021 et 1681 plaintes pour violences sexuelles. Ce qui n’est pas forcément synonyme d’une augmentation absolue de ces statistiques, précise-telle :

« Quand le nombre de plaintes est important, cela montre aussi une diminution de ce qu’on appelle le chiffre noir : le nombre de victimes qui ne se font pas connaître. Il faut comprendre que les femmes se rendent plus qu’avant dans les gendarmeries et commissariats. Tout comme il y a de plus en plus de femmes qui poussent les portes des associations. C’est bon signe : on connaît mieux l’existence de ces assos. »

Marie-Françoise Raybaud abonde. La directrice du Centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) parle de 790 victimes reçues par son association au 15 novembre et de 169 femmes accompagnées.

Elle met en garde cependant sur des formes de violences difficiles à identifier par les victimes elles-mêmes : des violences systémiques car les rapports de domination ont été intégrés, la difficulté à se reconnaître comme victimes, ou les craintes de faire admettre leur vécu. Sophie Buffeteau souligne par ailleurs des violences qui apparaissent dans les lycées, où « les filles ne se reconnaissent pas dans la dénomination ».

Lors du rassemblement en hommage à Chahinez, victime d’un féminicide Photo : VB/Rue89 Bordeaux

Une justice spécialisée en Gironde ?

« Agir et non réagir » tonne Jean-Luc Gleyze venu pour une cérémonie dédiée aux victimes de féminicides de 2021 : 103 femmes ont perdu la vie sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint en France, parmi elles, Sandra Pla à Bordeaux et Chahinez Daoud à Mérignac, où un cèdre de l’Atlas a été planté ce jeudi en sa mémoire par le maire Alain Anziani.

Lors de sa séance plénière lundi, le conseil départemental a adopté à l’unanimité un motion demandant au ministère de la Justice l’expérimentation en Gironde d’un parquet spécialisé sur la lutte contre les violences faites aux femmes, à l’image de ce qui se fait en Espagne.

L’adoption par le gouvernement espagnol en 2004, complété en 2017, d’un « Pacte d’Etat contre la violence conjugale », avec une dotation d’un budget de 1 milliard d’euros réparti sur 5 ans, a permis de faire baisser le nombre de féminicides à 25% depuis 2004 côté espagnol.

Exemple espagnol

L’Espagne est ainsi devenu le 3e pays comptant le moins de féminicides conjugaux proportionnellement à la population féminine totale. La France est 8e malgré le Grenelle des violences conjugales lancé fin 2019. Les femmes espagnoles sont deux fois moins nombreuses à mourir sous les coups de leur compagnon ou ex-compagnon que les Françaises.

Sur le modèle espagnol, la Gironde demande une justice spécialisée contre les violences faites aux femmes qui permettrait un plus grand déploiement des « Téléphones grave danger », des bracelets anti-rapprochement ou encore des ordonnances de protection ; et augmenter les moyens alloués à la lutte contre les violences faites aux femmes, à l’échelle locale comme nationale (en 2020, 16€ par an et personne en Espagne contre 5€ sur l’Hexagone).

A noter que le budget alloué en 2021 par le département pour soutenir les structures qui agissent pour la prévention des violences et soutiennent les victimes, s’élève à 868 000 euros.


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