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Antoine Souchav’, claveciniste baroque’n’roll

Son premier album solo a confirmé les liens forts d’Antoine Souchav’ à l’un des instruments les plus spécifiques de la musique baroque européenne, le clavecin. Sorti en février dernier, « Yellow Magic Harpsichord » est composé de reprises du groupe japonais Yellow Magic Orchestra, pionnier de la pop électronique à la fin des années 70. Le résultat est une variation temporelle et stylistique qui traverse la carrière du musicien bordelais.

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Antoine Souchav’, claveciniste baroque’n’roll

Du baroque à l’électro, de l’électro au baroque, Antoine Souchav’ compose et recompose avec les styles et les époques. À 40 ans, ce claveciniste issu du conservatoire de Poitiers ne cesse de bouger les lignes de son répertoire de formation pour le confronter à son propre temps.

Après plusieurs tournées mondiales avec Scarlatti Goes Electro, duo déjà iconoclaste formé avec Michel Bananes Jr, il a sorti son premier album « Yellow Magic Harpsichord », produit par le label parisien Dokidoki, œuvre au grand écart improbable entre héritage musical occidental et pop expérimentale extrême-orientale.

« C’est vraiment un hasard »

Antoine Souchav’ a grandi à Poitiers, entouré d’une mère mélomane, d’un père écrivain et critique d’art. Un environnement familial et intellectuel propice à la musique :

« Une amie de ma mère était claveciniste, elle m’a proposé d’essayer. C’est vraiment le hasard, ce n’est pas venu de moi. J’ai confirmé ce choix d’instrument par la suite. »

Le clavecin se différencie du piano par des cordes pincées, là où les cordes du piano sont frappées par des marteaux. Au XVIIIe siècle, l’instrumentaliste italien Bartolomeo Cristofori, déplorant le niveau d’ajustement sonore du clavecin, crée le pianoforte (ancêtre du piano moderne). Remplaçant le système de pincement par un mécanisme de marteaux, le pianoforte permet de moduler l’intensité sonore.

Entre Bowie et Rameau

Antoine Souchav’ dit, lui, apprécier la « polyphonie » des instruments à clavier. Dès la primaire, il intègre des Classes à horaires aménagées musique (CHAM) tout en suivant les cycles du conservatoire :

« Je suis issu d’un apprentissage institutionnel très classique. Le conservatoire dispense une méthode organisée. La densité de travail est importante, entre l’apprentissage du solfège et la pratique. »

Des études de musique « classique » qui, pour le claveciniste, ne riment pas nécessairement avec formatage :

« Le conservatoire donne une culture musicale. Le tout est d’apprendre à réutiliser les savoirs par la suite. C’est au libre-arbitre de chacun. J’ai aimé cette période de ma vie. Ce sont des années où l’on écoute beaucoup de musique, où l’on apprend à lire beaucoup de musique aussi. »

Entre les cours de solfège et la pratique du clavecin, Antoine Souchav’ dit « avoir toujours fait autre chose » : il apprend le synthétiseur, joue dans des groupes de rock, fréquente les soirées techno. Ses inspirations vont de David Bowie à Franck Zappa en passant par Maurice Ravel, Sergueï Rachmaninov ou Jean-Philippe Rameau.

D’un duo au solo

À la fin de ses études, Antoine Souchav’ rencontre le groupe Beatness, originaire de Bordeaux. Parmi eux, Michel Bananes Jr, avec qui il va former le duo Scarlatti Goes Electro. À la genèse du groupe, les deux musiciens reprennent les 555 sonates du compositeur baroque Domenico Scarlatti, revues et remixées librement jusqu’à l’insolence.

Depuis, le groupe a sorti trois albums et enchaîné les tournées. En concert au Japon, ils sont repérés par l’agent du réalisateur Mirai Mizue. En 2017, Scarlatti Goes Electro compose ainsi la BO du court-métrage animé, Dreamland. Aujourd’hui, le duo planche sur un quatrième album : « Les sonates de Scarlatti mélangées à des morceaux qui ont pour thèmes les animaux, écrits par des contemporains du compositeur comme Rameau », précise Antoine Souchav’.

Avec son premier album solo, Yellow Magic Harpsichord, Antoine Souchav’ inverse le procédé de reprise. Les musiques techno pop de la fin des années 70 du groupe japonais Yellow Magic Orchestra sont adaptées version baroque, au clavecin :

« C’est un groupe gravé dans la culture inconsciente japonaise. Il pourrait être comparé à Kraftwerk en Europe. Tout l’enjeu est de créer la structure autour du morceau, les accords… C’est une décontextualisation. J’ai commencé à faire les arrangements sans projet de disque. J’ai fait une dizaine de dates avant d’avoir un répertoire. Durant tous les concerts, je posais des micros, puis j’écoutais le rendu. »

Antoine Souchav’ au clavecin Photo : David Gallard

Création sonore

Installé à Bordeaux depuis une quinzaine d’années, Antoine Souchav’ compose dans son studio qui se trouve quartier de la Victoire :

« Je fais beaucoup de compositions et de la création sonore : compagnies de théâtre ou de danse, opéra, cinéma… Ce qui est intéressant, dans ce genre de productions, c’est que la musique n’occupe pas la place la plus importante. Il faut arriver à créer une musique, un propos, sans prendre trop de place. Ce ”dosage” est intéressant dans le travail de création sonore. »

Le musicien évoque ainsi l’opéra IL Re Pastore de Mozart, présenté au théâtre du Châtelet :

« Olivier Fredj, le metteur en scène, m’a demandé de ponctuer certains passages de l’opéra avec des sons électroniques. J’étais dans la fosse de l’orchestre avec mes machines. »

Welcome to the machine

Les « machines », des outils avec lesquelles Antoine Souchav’ crée et compose :

« Mes instruments de base sont des claviers. Instrument le plus intuitif, on a toutes les notes sous la main, c’est couteau-suisse. Pour composer, j’ai souvent avec moi un piano, un ordinateur qui me sert de magnétophone. »

Quant aux clichés sur son instrument, le clavecin, il les comprend :

« C’est un instrument rare du point de vue du grand public. Symbole de la noblesse, la plupart des clavecins ont été brûlés pendant la Révolution française. Mais socialement, aujourd’hui, l’enseignement du clavecin a été démocratisé. »

L’instrument iconique de la culture baroque européenne accompagne les curieuses recherches d’Antoine Souchav’ dans le monde infini de la musique : « Je ne crois pas que j’aurais pu faire un autre métier que celui-ci. »


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