Lundi 21 février à 19h, alors que la réunion publique à la salle de France, à Pessac, débute, ils sont encore une trentaine à ne pas pouvoir rentrer. Depuis une semaine, les syndicats de quartier sont vent debout contre le projet de construction d’un Centre de rétention administrative (CRA), près d’une zone pavillonnaire à Pessac, dans le quartier Monteil. Ce lundi soir, lors de la réunion publique, un collectif d’opposition au projet a été créé.
« Pas le bon endroit » pour le maire
D’emblée, Jean-Claude Juzan, président du comité de défense et des fêtes des quartiers du Monteil, donne le ton de la soirée. La construction d’un CRA sur un terrain proche des habitations, emprunté par des vélos et fréquenté par des personnes âgées, « c’est non ». Des « nuisances » que craignent de nombreux habitants, inquiets de voir « se construire un parking sous leurs fenêtres », rappelant qu’en 1979, il y a « déjà eu la construction de la rocade ».
Le maire de Pessac, Franck Raynal, prend le micro sous de nombreuses huées du public présent. Informé depuis plus d’un an de la construction d’un CRA sur la commune, ce dernier s’est défendu sur un sujet qui doit être « pris avec des pincettes » :
« La préfète m’a informé par courtoisie, an avril 2020. J’ai réagi en disant que ce n’était pas le bon endroit. Mais on n’impose rien à l’Etat. On discute, on négocie. Un projet de CRA sur un terrain appartenant à l’État est un projet qui ne demande aucune espèce d’accord de la part du maire. »
Franck Raynal évoque alors « l’alternative » mise sur la table des discussions avec la préfecture : le terrain du Bioparc, non loin de l’aéroport de Mérignac, propriété de la Métropole. Or, selon le maire de Pessac, une étude du Conservatoire d’espaces naturels (CEN) a invalidé toute construction sur ce terrain où se trouvent des « espèces protégées ».
Pour autant, Franck Raynal a dit ne pas « être opposé au principe de CRA », objet selon lui de « beaucoup de fantasmes » et qui n’est en rien une « prison ». Mais il est contre son installation « dans une zone proche des habitations », ce qui, selon lui, pourrait « engendrer des nuisances ». Une « demande de réexamen de la situation » auprès de la préfecture a été formulée par le maire de la commune.
Mobilisation et actions à venir
Des associations, comme la Cimade ou encore le Collectif Bienvenue, réunies au sein des États généraux des migrations (EGM), dénoncent quant à elles le principe même du CRA. Ancienne conseillère municipale d’opposition de la ville de Pessac, Isabelle Ufferte (NPA) argue lors de la réunion publique que le problème n’est pas l’emplacement du CRA, mais bien la « vie des gens qui y vivent », confrontés à la promiscuité.
Le CRA de Bordeaux est le plus petit centre de France, disposant de 20 places de rétention dans le sous-sol du commissariat central, et fait l’objet de vives critiques. La Cimade dénonce des conditions de rétention indignes, dégradées lors de la crise sanitaire où le nombre de personnes enfermées a augmenté, les frontières étant fermées. Un rapport publié en juillet 2021 a fait état de 28 000 personnes enfermées dans les centres de rétention en France.
À l’aune du confinement, le caractère « abusif » des durées de détention est aussi critiqué, avec des « conséquences parfois graves sur la santé physique et mentale des personnes enfermées ». Le rapport cite, en outre, la multiplication des tentatives de suicides ou de grèves de la faim, comme cela a été le cas à Bordeaux.
Le collectif d’habitants baptisé « CRA pas là » compte, lui, mener des actions prochainement – lettre envoyée au ministère de l’Intérieur, banderoles déployées sur la rocade, voire blocage de cette dernière. Dans la salle, l’idée d’une ZAD, à l’instar de celle montée contre le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, a même été évoquée.
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