Conçue pour le Capc, l’installation « Mon corps n’est pas une île » est aussi vaste que la nef, et les injustices du monde. Eva Kotátková y déploie toutes les expressions de son travail artistique pour impliquer le spectateur dans son questionnement écologique et social. Au fil du parcours et des déplacements dans l’espace du dispositif, elle invite à percevoir un ensemble de récits imaginés et écrits par l’artiste en résonance avec la cruauté humaine.
« Mon corps n’est pas une île » offre ici une constellation de réflexions, à travers la métaphore d’une baleine échouée qui ouvre son corps à la libre déambulation, mais aussi à la concentration. Il faut parfois s’assoir, regarder, écouter, et se laisser guider par ses choix pour finir par s’interroger sur la norme, l’éducation, le travail, l’enfance, la migration… Le résultat est complexe et engage le spectateur à se plonger dans une œuvre difficile à appréhender d’un seul regard.
Toutes cruautés
Sculptures, objets, collages, textes, mais aussi démesure des dimensions, distorsion des perspectives, ou encore débauche de couleurs, jalonnent ce voyage onirique dans le ventre d’une baleine de Jonas contemporaine. Le corps humain est redimensionné selon les contraintes de lecture : une gigantesque chemise pliée ou des énormes pilules, des squelettes-corsets ou des combinaisons mi-humaines mi-animales, des caisses de transports d’animaux ou de produits manufacturés.
Les caisses en bois se répètent jusqu’à devenir motif. Celui-ci évoque, à différentes échelles, les périodes historiques de l’Entrepôt Lainé, dont l’artiste a compulsé les archives, de sa fonction initiale d’abri des denrées coloniales, à son utilisation dans les années 50-60 comme lieu de stockage. Des caisses de toutes tailles dont certaines font figure de refuges quand d’autres affichent l’hostilité d’une cage ou provoquent l’effroi d’un cercueil.
Tantôt poétiques, tantôt propices à l’aventure, tantôt secrètes, les constructions suscitent la curiosité d’une Alice au pays des merveilles, ou l’enchantement d’un Pinocchio sur une île aux plaisirs. Mais la réalité des thèmes abordés rattrape le spectateur et le mène vers des références à des actualités difficiles, passées ou présentes, tel que la surexploitation, la colonisation, le harcèlement, le travail forcé…
Education autoritaire
Née en 1982, Eva Kotátková a étudié à l’Académie des Beaux-Arts et à l’Académie des arts appliqués de Prague. Ses premières œuvres datent de 2005 et abordent rapidement la question de l’éducation autoritaire. Elle partage ainsi une vision proche de celle de son compatriote Franz Kafka dans ses écrits théoriques sur l’idée de rendre l’initiative à l’individu. En 2011, elle est exposée à la 11e édition de la Biennale de Lyon, et en 2013 à la 55e Biennale d’art contemporain de Venise.
Première installation de l’artiste à Bordeaux, également la première du commissariat de la directrice Sandra Patron, « Mon corps n’est pas une île » sera animée par des performeurs qui viendront chaque dimanche après-midi partager les différentes histoires avec le public, celle de l’enfant harcelé à l’école, celle du serpent qui fait sa mue, ou encore celle du buisson qu’on arrache à son environnement pour le planter dans le jardin d’une zone pavillonnaire. L’installation sera également le lieu d’un ensemble de rendez-vous avec des spécialistes – biologie sous-marine, éthologie ou philosophie – ou avec différentes associations de lutte pour la dignité des êtres.
Eva Kotátková, « Mon corps n’est pas une île », de 11 février au 29 mai
Vernissage : 10 février à 19h
Sur le site du CAPC
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