Les Portes de l’Enfer, d’Alain-Julien Rudefoucauld, est un livre d’histoire qu’il faut lire pour « comprendre les racines profondes de cette haine de l’étranger qui continue de se développer de nos jours ».
Les Portes de l’Enfer, d’Alain-Julien Rudefoucauld (éditions l’Esprit du temps), le sous-titre explicite ce que le titre a de mystérieux : la répression légale des minorités sous Vichy… prémices de la chute démocratique en France.
Répression, on savait ; « légale », c’est autre chose et qui a été bien moins explorée par les historiens ; autre chose qui explique le silence qui entoure la parution de ce travail. Rudefoucauld a eu entre les mains les Journaux Officiels de 1936 à 1946. Et ce qu’il y a découvert dérange : les mesures répressives prises par Vichy se logent dans tout un corpus de lois préexistantes ; elles en élargissent le champ d’application pour répondre aux exigences d’Hitler et aux obsessions propres à l’extrême droite française dont Pétain est l’émanation.
La législation concernant les nomades trahit la peur des propriétaires sédentaires pour ces « voleurs de poules » qui échappent à la police. D’où, depuis longtemps, des lois leur imposant des restrictions de circulation, l’interdiction de s’installer hors des lieux prévus à cet effet, l’obligation d’un carnet anthropométrique.
Haine de l’étranger
Lorsque les républicains espagnols se réfugient en France pour échapper à la répression franquiste, on les parque dans ce qu’il faut bien appeler des camps de concentration. Le pacte germano-soviétique ouvre la porte à l’interdiction du Parti communiste qui était demandée depuis un bout de temps par la droite et à la spoliation de ses biens. Tout cela fonctionne avant la capitulation et il n’y a plus qu’à l’appliquer aux francs-maçons, aux juifs et à tous ceux qui résistent à l’ordre nouveau.
Les listes des citoyens privés de la nationalité française, celles des francs-maçons censés gangrener l’administration française, celles des biens juifs « aryanisés » sont publiés au JO de même que les appels à la délation. Le cadre juridique existe qui sera étendu à la démesure du système collaborationniste qui se calque sur l’idéologie nazie. L’opposition entre Juifs étrangers et Juifs nationaux ne tient pas longtemps. Les convois pour l’Allemagne via Drancy contiennent les uns et les autres. Ceux qui peuvent être sauvés, le sont par de simples citoyens.
Le livre d’Alain-Julien Rudefoucauld est à lire absolument pour lutter contre les inepties négationnistes qui se répandent sur nos ondes. Il permet de comprendre, dans la froideur même des chiffres, les racines profondes de cette haine de l’étranger qui continue de se développer de nos jours.
(En une : Stolpersteine de l’artiste berlinois Gunter Demnig – photo Chrissie Sternschnuppe, wikipedia, cc)
