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Pourquoi les femmes gagnent moins que les hommes dans la fonction publique en Nouvelle-Aquitaine

À la veille de la journée internationale des droits des femmes, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a publié un rapport sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction publique. Si les femmes sont majoritaires à y travailler, elles gagnent, en moyenne, 16% de moins que les hommes, qui occupent davantage de postes à responsabilités. Les différences salariales se creusent à Bordeaux Métropole, révèle le dernier rapport sur l’égalité femmes-hommes de la collectivité.

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Pourquoi les femmes gagnent moins que les hommes dans la fonction publique en Nouvelle-Aquitaine

Deux fois plus souvent à temps partiel, et occupant des postes moins qualifiés : face à ces déterminants, les femmes gagnent en moyenne 16% de moins que les hommes dans la fonction publique, en Nouvelle-Aquitaine, selon un rapport de l’INSEE présenté ce lundi 7 mars à la préfecture de la Gironde.

L’étude se fonde sur des données de 2019, issues du système d’informations sur les agents des services publics, et ne prend pas en compte dans le rapport certains statuts (élus, apprentis, services civiques, assistants maternels, contrats aidés).

1 641 euros/net pour les femmes

Premier constat : la fonction publique est le premier employeur des femmes dans la région. Fin 2019, 310 800 femmes travaillaient dans la fonction publique, soit les deux tiers des effectifs. Un taux de féminisation plus élevé que dans le secteur privé, où les femmes représentent 48% des effectifs. Les femmes se concentrent principalement sur trois familles de métiers de la fonction publique : administratifs, éducation/formation/recherche et les métiers du soin.

Sur l’année 2019, en Nouvelle-Aquitaine, les femmes dans la fonction publique gagnent un salaire mensuel net de 1 641 euros contre 1 946 euros net pour les hommes. Un écart de 16% qui varie selon la nature du métier exercée, comme l’a expliqué Nadia Wojciechowski, co-auteure de l’étude :

« Dans les services à la personne, les femmes gagnent 25% de plus que les hommes. Cet écart de salaire positif en faveur des femmes est le fait du volume de travail qui est en moyenne supérieur aux hommes dans cette branche. »

Seulement, d’après une récente étude de l’INSEE, l’écart de rémunération est plus élevé dans le secteur privé et public, où les femmes sont, en moyenne, moins rémunérées de 22% par rapport aux hommes.

Plus de temps partiel que les hommes

Selon le rapport de l’INSEE, dans la fonction publique, « un cinquième des écarts de salaire résulte des différences de volume de travail ». Ainsi, dans la région, près de deux tiers des femmes de la fonction publique travaillent à temps partiel. Le rapport observe que le temps partiel chez les femmes est « plutôt choisi », car les postes à temps partiels sont majoritairement occupés par des titulaires. En revanche, chez les hommes, le temps partiel serait « plutôt contraint », la majorité de ces potes étant occupés par des contractuels.

À temps de travail équivalent, l’écart salarial persiste. En équivalent temps plein, les femmes gagnent 13% de moins que les hommes avec 2 109 euros net par mois, contre 2 414 euros pour les hommes. Selon l’INSEE, cette différence, à temps de travail équivalent, est liée à des « positions professionnelles moins avantageuses » pour les femmes.

Postes intermédiaires

Les femmes occupent majoritairement des postes intermédiaires par rapport à leurs collègues masculins. Le rapport cite en exemple le secteur du soin, où les femmes sont plus souvent aide-soignantes ou infirmières plutôt que médecins. Dans l’éducation, les femmes sont plus souvent professeures des écoles que professeures agrégées.

À l’instar des autres secteurs du monde du travail, plus le niveau de responsabilité augmente, moins il y a de femmes. En Nouvelle-Aquitaine, elles sont 40% dans les emplois de direction. En revanche, parmi les attachés ou les inspecteurs, les femmes sont 77%. Un « plafond de verre » observé par les auteurs du rapport, qui constatent que les « 10% des femmes les mieux rémunérées ont un salaire supérieur à 2 978 euros contre 3 610 euros pour les hommes ».

Le cabinet, point noir de la Région

Ce phénomène s’observe dans la répartition des plus importantes rémunérations dans les collectivités, dont la parution est désormais obligatoire : à Bordeaux Métropole comme à la Région Nouvelle-Aquitaine, 7 des 10 plus gros salaires reviennent à des hommes (sans que la répartition exacte ni les noms ne soient communiqués…). Si les postes d’encadrement se sont féminisés à la Région Nouvelle-Aquitaine (ils sont à plus de 60% occupés par des femmes), « le point noir reste le Cabinet du Président, où il y a seulement 2 femmes sur 14 parmi les collaborateurs de cabinet », relevait la FSU. Quant aux écarts de rémunérations à la Région, ils sont de 12,7% au détriment des femmes en catégorie A.

A contrario, les femmes sont davantage représentées parmi les salariés les moins rémunérés. L’INSEE note que « parmi les 25% des salariés les moins rémunérés, sept sur dix sont des femmes ». Les femmes sont aussi plus nombreuses que les hommes parmi les contractuels.

Dans la région, sur 153 000 agents contractuels, deux sur trois sont des femmes. Des « disparités entre départements » sont aussi constatées. « À temps de travail équivalent, les écarts de salaires entre les femmes et les hommes varient d’un département à l’autre, de 7% en Creuse à 15% en Gironde », peut-on lire dans le rapport. Cet écart s’expliquerait par « la nature des emplois occupés ». En Gironde, les femmes accèderaient « trois fois moins à des postes de direction et d’encadrement, mais beaucoup plus à des postes moins qualifiés et moins rémunérés ».

L’écart se creuse à Bordeaux Métropole

Dans son dernier rapport sur l’égalité femmes-hommes, Bordeaux Métropole relève que les écarts de rémunérations, s’ils sont moindre que ce observé à l’échelle régionale, se sont creusés parmi ses 5000 agents, et ce dans toutes les catégories : en 2020 chez les agents de catégorie A+, le salaire moyen brut est de 6 513€ pour les hommes et de 6 279€ pour les femmes, soit un écart en leur défaveur de 233€, contre 173€ en 2019). Dans la catégorie C, les hommes gagnent 2 490€, les femmes 2 329€, soit un écart en leur défaveur passé de 127€ en 2019 à 161€ l’an dernier.

La collectivité l’explique par le fait que « les hommes sont très majoritaires dans les métiers techniques de catégorie C, générateurs d’éléments variables de paye (heures supplémentaires, indemnités techniques diverses) » ; c’est le cas par exemple des quelques 900 agents de collecte des ordures ménagères. Dans la catégorie A, le régime indemnitaire est aussi plus favorable dans la filière technique que dans la filière administrative (qui a une forte représentation féminine).

Autre raison avancée par la collectivité, le fait que les femmes se forment donc moins que les hommes. En 2020, sur 2 415 agents de Bordeaux Métropole ayant suivi une formation classique, 1 536 étaient des hommes (63%) et 879 des femmes (37%). Les proportions sont similaires pour les 2 156 agents ayant suivi une formation payante.

Cela « peut avoir une incidence sur leur évolution professionnelle et leur déroulement de carrière », de fait plus favorables pour les hommes à Bordeaux Métropole. En 2020, 59 agents ont bénéficié d’une promotion interne, dont 18 femmes et 41 hommes ; sur 220 ayant bénéficié d’avancements de grade, 85 étaient des femmes (39%), 135 des hommes (61%) et sur 2 116 d’avancement d’échelons, 670 des femmes (32%), 1 446 des hommes (68%).

« Comme c’est trop souvent le cas, les femmes s’autocensurent et n’osent pas candidater sur des postes à haute responsabilité, relevait l’élue écologiste Harmonie Lecerf lors de la présentation du rapport au conseil de Bordeaux Métropole de janvier 2022. Cela nécessite de renforcer la sensibilisation pour éviter de se retrouver avec des postes de direction exclusivement masculins. »

Conseillère métropolitaine Métropole Commune(s), Fatiha Bozdag avait également relevé que certains problèmes empêchaient les agentes d’être plus nombreuses dans les services techniques, comme l’absence de douches femmes dans les bâtiments.

A la Métropole comme à la Région, des plans d’actions sont en cours pour tâcher de remédier à ces problèmes.

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#8 mars

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