C’est dans un café-restaurant du vieux Saint-Macaire, lieu de ralliement des bénévoles, que nous retrouvons Blandine Bourlet, 55 ans, une des figures locales les plus actives auprès des mineurs non-accompagnés (MNA) hébergés dans le foyer du village. Sans fausse modestie, elle s’étonne presque d’avoir été sollicitée :
« On est nombreux ici à offrir nos services de bénévoles. Je ne suis que l’une d’entre eux. »
Ancienne secrétaire comptable en préretraite, désormais investie dans le milieu associatif autour des MNA, elle semble cultiver une certaine fraîcheur de vivre. Parmi les premières à s’engager comme bénévole auprès de ces jeunes arrivés en France sans famille, elle est toujours aussi impliquée quatre ans après.
28 jeunes instrumentalisés
Le foyer de MNA a ouvert à Saint-Macaire en 2018, avec l’arrivée de 28 jeunes. Venus du Bangladesh, d’Afrique sub-saharienne, ou encore du Pakistan, ils ont dû fuir la guerre ou la misère très jeunes. Dans le village du Sud Gironde, ils se reconstruisent, apprennent le français, suivent des études, ou apprennent un métier.
L’ouverture du lieu avait provoqué une la réaction d’une partie de la population, et avait été exploitée par l’extrême-droite. Pour les jeunes devenus majeurs depuis, cet épisode stigmatisant reste un souvenir douloureux encore aujourd’hui, selon Blandine :
« C’est vrai qu’il y a eu ces tracts, ils venaient probablement de quelques familles de la commune ayant des préjugés, mais ça ne représentait pas la majorité des Macariens, cela a été monté en épingle. Les jeunes n’aiment pas parler de cette période. »
Un moment citoyen
Le temps a donné raison aux habitants solidaires de ces mineurs isolés, parfaitement intégrés et qui n’ont jamais occasionné le moindre souci avec l’un d’entre eux. Au contraire, ils ont permis de resserrer les liens, estime Blandine :
« On a été nombreux à aller proposer notre aide à la mairie. Cela a été un moment citoyen très fort, l’ouverture du foyer a renforcé la cohésion des gens ici. C’était un peu comme avec l’arrivée des Ukrainiens aujourd’hui. Beaucoup de personnes se sont portées volontaires pour eux. »
5 à 6 bénévoles s’impliquent toujours régulièrement et directement dans le foyer, mais comme le précise Blandine, « ce nombre varie en permanence car tout Macarien est un bénévole potentiel ». Le petit village du Sud Gironde compte en effet pas moins de 60 associations pour 2143 habitants, soit tout un écosystème prompt à créer du lien social.
« Petite je voulais être Joséphine Baker »
Issue d’une famille du nord de la France, Blandine Bourlet est arrivée dans le Sud-Ouest quand elle était encore à l’école primaire. Adolescente, elle passe ses vacances en Dordogne où elle découvre le Château des Milandes, c’est là que Blandine découvre l’incroyable destin de Joséphine Baker. La vie de l’illustre résistante et militante anti-raciste la passionne :
« Je me souviens de ce château tellement beau mais ce qui me plaisait c’était cette idée qu’elle y avait créé une grande famille en y accueillant tous ces enfants. Petite, je voulais être Joséphine Baker. La tribu arc en ciel, ça me faisait rêver.«
La célèbre Américaine entrée au Panthéon avait en effet un rêve : fonder « un Village du Monde, capitale de la Fraternité Universelle », pour montrer que des enfants de différentes origines pouvaient partager leur différence dans la paix.
Ce modèle a nourri l’imaginaire de Blandine, qui vit seule depuis le départ de sa fille. Elle voit un peu ces jeunes migrants comme un cercle familial élargi :
« Je suis très entourée. Dans la rue Carnot à Saint-Macaire, où je vis et où se trouve le foyer, on se connaît tous, c’est un peu comme le couloir d’un appartement, où on se croise et on se parle. Quand les jeunes sont arrivés, j’étais curieuse de leur parler. Je n’avais jamais eu l’occasion d’être en contact comme ça avec des jeunes auparavant. »
Du bénévolat spontané
L’aide pour les jeunes du foyer s’est mise en place de manière assez spontanée. Au début, elle prenait simplement la forme d’une conversation improvisée au hasard de ses rencontres. Désormais Blandine Bourlet aide à l’organisation d’événements, notamment le carnaval, un grand moment de partage.
Elle va parfois chercher certains jeunes pour les amener à la plage ou au cinéma. Elle est aussi là pour proposer de l’aide aux devoirs. Ce sont plusieurs heures par semaine qu’elle leur consacre. Ici comme ailleurs, le confinement a toutefois « un peu coupé la dynamique » :
« Quand il a été possible de reprendre, il a fallu restaurer des liens qui s’étaient un peu distendus, pas sur le plan affectif mais en terme d’accompagnement. »
Depuis 4 ans, Blandine Bourlet a vu passer des jeunes venus de pays très différents. Elle les a aussi vu grandir et se construire. Elle garde contact même avec ceux qui sont devenus majeurs et ont quitté le foyer. Blandine accueille ainsi régulièrement Abdoulaye, un jeune Guinéen, devenu artisan ferronnier chez Arcelor-Mittal. Ensemble ils ont tissé un lien presque filial.
« Blandine c’est une amie maintenant, moi je suis heureux d’avoir quelqu’un à qui je peux rendre visite. Elle est très gentille », raconte Abdoulaye, qui revient régulièrement à Saint-Macaire pour passer du temps avec elle.
Vie chamboulée
Blandine souligne combien son parcours est devenu indissociable de celui de ces jeunes migrants, auprès desquels elle a trouvé toute la chaleur humaine dont elle avait besoin.
« Ma vie a été chamboulée par leur arrivée. Ici j’ai trouvé beaucoup de liens, de résilience. Ils ont, pour beaucoup, eu des parcours difficiles faits de souffrances sur lesquels ils ne s’expriment pas forcément. Ce qui fait plaisir, c’est de voir comment, une fois qu’ils ont réussi à surmonter leurs traumatismes, ils deviennent des jeunes souriants. Cette ambiance fait du bien. »
Toujours humble, Blandine Bourlet voudrait aujourd’hui leur faire découvrir l’art et les métier d’art, domaines dans lesquels certains MNA ont une véritable habileté, comme Abdoulaye.
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