« C’est une addiction dangereuse », affirme Sylvie Justome, adjointe de Pierre Hurmic chargée de la sécurité sanitaire. A l’heure où les enfants âgés entre 1 et 6 ans passent en moyenne 4h37 sur internet par semaine, la Ville de Bordeaux a organisé l’opération « 10 jours sans écran » pour sensibiliser les familles et les plus jeunes aux risques d’une trop importante exposition aux écrans.
Selon une enquête Ipsos, en partenariat avec l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique, et l’Union nationale des associations familiales (Unaf), les activités préférées des enfants sur internet seraient le visionnage de vidéos sur les plateformes ainsi que des clips, l’écoute de la musique, et les jeux vidéo.
« Les écrans isolent »
Le défi, qui s’est déroulé du 29 mars au 7 avril, a consisté a proposer de nombreuses activités culturelles, sportives et de loisirs dans 21 écoles maternelles et élémentaires bordelaises. En tout, près de 3000 parents et élèves ont été concernés par cette opération.
« L’idée est de sensibiliser les familles aux risques de la surexposition », affirme Sylvie Justome. L’élue rappelle qu’un accès excessif aux téléphones, ordinateurs, tablettes, ou consoles de jeux peut développer des troubles visuels, cognitifs et affectifs. Selon les chiffres de l’étude Esteban, un enfant à l’école maternelle passe plus de temps devant les écrans qu’en classe.
« Les écrans isolent, souligne l’adjointe. C’est du temps perdu pour faire autre chose. »
Au programme de cette opération : rencontres et débats avec les parents, spectacles et activités proposées par les élèves de toutes les écoles participantes de Bordeaux. De nombreux partenaires se sont joints au défi : centres d’animations, bibliothèques municipales, ou encore associations de quartiers.
Une vraie problématique
Le directeur de l’école élémentaire Montaud dans le quartier de la Bastide, également professeur d’une classe de CE1 qu’il a supervisée durant cette opération, confirme « une vraie problématique ». Il a mené de nombreux ateliers pour fabriquer notamment des boules anti-stress, des herbiers ou encore des bocaux à souvenir. Les élèves tenaient un carnet de bord où était rapporté chaque jour un bilan de leur consommation laquelle, si elle est en baisse, faisait gagner des points.
« On ne voulait pas faire quelque chose de trop manichéen. Il faut reconnaitre qu’il y a des choses bien à la télévision, comme des émissions éducatives par exemple », nuance-t-il.
Côté élèves, les retours sont variés.
« J’ai bien vécu le défi, affirme Lisa, 7 ans. Je trouve que c’est une bonne chose. Si on regarde trop les écrans, on peut avoir des lunettes. »
« Pendant le défi, j’ai commencé à lire plein de livres. Maintenant, je continue, dit fièrement Lucie, 7 ans également. J’ai compris que j’étais tout le temps scotchée aux écrans. J’avais mal aux yeux et je ne m’endormais qu’à 23 heures ou minuit. »
« J’ai appris que lire, c’était bien », ajoute Théo, fan de Play Station, alors que Bastien, accro à sa Nintendo Switch trouve « la vie était trop dure » sans son joujou. C’est cette addiction que vise Sylvie Justome qui invite « à savoir se servir des écrans sans s’en asservir ».
Contexte familial
Certaines familles ont totalement joué le jeu jusqu’à éteindre les écrans pour tous. Pour d’autres, il a fallu que les enfants s’en mêlent, comme Marie, 7 ans, qui a caché la télécommande de la télévision pour obliger ses parents à y participer. Alors que Bastien, lui, s’agace contre ses parent qui « trouvent toujours un moyen pour regarder les écrans quand même ».
Ce qui prouve que le contexte familial y est pour beaucoup. Ce qui a poussé Louise, par exemple, à ne pas « participer parce que [son] petit frère allait regarder des dessins animés » quand même.
« Ma sœur regarde beaucoup les écrans, et elle du coup elle ne veut plus jouer avec moi », raconte Léa.
De même pour Lucie : « Mes cousins sont tout le temps sur leur portable. En vacances, je leur propose de jouer à des jeux, par exemple au Monopoly. Et ils veulent bien y jouer, mais sur leur portable ».
Si la plupart des enfants s’accordent à dire que « le défi a été difficile », celui-ci risque d’être de retour l’année prochaine. Sylvie Justome espère que les écoles participantes seront plus nombreuses (21 pour cette édition). Bordeaux rejoint ainsi les communes girondines de Gradignan, Artigues-de-Lussac, Saint-Quentin-de-Baron, Targon, Le Teich, Salles, et Fargues où des écoles avaient déjà participé à cette initiative née en 2003 au Québec.
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