L’abstention n’a certes pas été le premier parti de France, mais a réalisé encore des beaux scores ce dimanche – 24,93% en Gironde (contre 21,49% au premier tour). Quelques pics ont notamment été enregistrés dans les quartiers populaires de Bordeaux, où plus d’un électeur sur trois ne s’est pas déplacé. Sur la place de la Victoire, Anna et Romain, 21 ans, ont préféré profiter des quelques rayons de soleil en terrasse.
Ces étudiants en fac de psychologie ont voté pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle, mais n’iront pas voter ce dimanche, comme l’explique Anna :
« Ça ne sera ni Macron, ni Le Pen. Macron n’a en rien une politique centriste comme il le prétend. J’ai été marquée par la répression policière lors des Gilets jaunes ou lors des manifs contre la loi Sécurité globale. Et puis que ce soit Le Pen ou Macron, aucun des deux n’a des ambitions pour l’écologie. En 2022, et avec le dernier rapport du Giec, je trouve ça grave. J’irai voter pour Les Insoumis aux législatives, j’ai de l’espoir de ce côté-là. Mais pour la présidentielle, je passe mon tour. »
« Le vote blanc est décompté »
D’autres ont préféré se déplacer, mais pour glisser un bulletin blanc dans l’urne – 6,88% des suffrages exprimés au deuxième tour en Gironde, contre 1,36% au premier tour. Un choix murement réfléchi pour Sarah, rencontrée à la sortie de son bureau de vote à l’école Danielle Mitterrand, à Floirac, son petit garçon dans les bras :
« Je ne me vois pas voter contre quelqu’un, mais plutôt pour, justifie cette sage femme de 33 ans, électrice de Mélenchon au premier tour. Car cela revient à mettre en marge ceux qui votent pour Marine Le Pen, au lieu de se poser les vraies questions. En 2017, j’avais voté Macron au deuxième tour. Mais avec son pourcentage élevé, il a pensé que tout le monde votait pour lui et son projet… »
En outre, la jeune femme pense, fataliste, que « si Le Pen doit passer, c’est que ce pays n’est plus à l’image que je me fais de lui, et ne me convient plus. » Un couple de floiracais avec deux jeunes enfants, qui avaient eux voté Jadot il y a 15 jours, sont passés du vert au blanc :
« Même si le vote blanc n’est pas comptabilisé publiquement, il l’est officiellement et le message est passé. C’est aussi un principe démocratique. »
Ni patrie, ni patron
Ainsi, Floirac a dénombré 7,41 % de votes blancs au deuxième tour, contre 1,29 % au premier. A Bordeaux, Marie-Madeleine, sociologue de 65 ans, ne peut se résoudre non plus à troquer son vote pour l’écologie contre une adhésion à Emmanuel Macron, « beaucoup trop donneur de leçons » :
« Il manque d’empathie, et il ne connait pas la vie des Français qui gagnent le SMIC. Il ne veut pas voir les problèmes actuels. »
Son mari, Bernard, ancien ingénieur à la retraite, a lui voté pour Mélenchon au premier tour et ne veut pas départager « le président des riches et la fasciste », une version du « ni patrie ni patron ».
« Le fait que beaucoup votent blanc permet de voir que les gens ne sont pas contents », pense-t-il.
Le blanc à droite aussi
Le « ni ni » séduit à droite aussi. Matthieu et Vanessa, 42 ans tout deux, et électeurs de Valérie Pécresse au premier tour, ont refusé de choisir « entre un enfant roi et une candidate qui reste d’extrême droite ». Cuisinier de métier, Matthieu ne s’inquiète pas d’une possible victoire de Marine Le Pen, du fait du « boycott » qui la vise.
A Bordeaux, Romain, 30 ans, avait aussi voté pour la présidente de la région Ile-de-France, qui lui semblait être « un des derniers vestiges de la droite républicaine ». Et cet entrepreneur dans l’événementiel va également voter blanc, parce qu’il ne se « retrouve dans aucun des deux candidats ».
« Même si j’admets que Macron est brillant, et que sans doute lui qui est le plus à la hauteur, je ne reconnais ni dans son projet ni dans sa manière d’être ».
Aussi, nombre d’électeurs qui ont voté blanc à ce tour sont prêts à se déplacer aux législatives pour offrir une cohabitation au président.
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