« Depuis qu’on est ici les enfants sont sous ventoline », explique Céline Avcu. Cette dernière vit dans 7 m2 avec son mari et ses trois enfants, âgés respectivement de 17 ans, 8 ans et 4 ans. Depuis octobre 2021, la famille loge dans un « appartement » de la rue Reynart, dans le quartier Saint-Michel.
Elle a signé un bail de meublé pour 450 euros par mois. Les enfants dorment dans la cave du logement, sur un lit double. Il n’y ni chauffage, ni ventilation. L’association Droit au logement (DAL) a tenu une conférence de presse, jeudi 21 avril, après avoir alerté les services de la mairie en mars dernier.
Illégalité
Daniel Roy est militant au sein du DAL 33, il résume la situation actuelle de la famille Acvu :
« Les services d’hygiène de la mairie sont venus. Ils ont établi un rapport dans lequel il est noté que le logement est indécent et insalubre. La surface habitable n’est pas non plus aux normes, puisque le logement fait moins de 9 m2. Nous avons aussi déposé un dossier auprès du Département pour le relogement. On a dit à la famille de constituer un dossier pour le Dalo [Droit au logement opposable, NDLR]. Seulement, ce genre de dossier prend beaucoup de temps à être étudié. »
En attendant, Céline Avcu et ses trois enfants continuent de vivre dans ce lieu. Venue d’Istanbul, Céline Avcu a rejoint son mari en décembre 2021 avec leurs enfants. Elle ne s’attendait pas à se retrouver dans une telle situation :
« Mon mari a signé un contrat de travail en CDI dans le bâtiment, en même temps que le contrat de bail de ce logement. La femme de son chef d’entreprise a des logements sur Bordeaux, c’est comme ça que nous nous sommes retrouvés ici. Mais ça devait être provisoire, les propriétaires nous avait promis un T2. »
Disjoncteur coupée et cave inondée
À son arrivée, Céline Avcu décrit un logement insalubre :
« C’était l’horreur, c’était très sale. J’ai tout nettoyé à la javel. Quand vous cuisinez il y a de la vapeur partout, il n’y a pas de ventilation. La moisissure revient au bout de deux jours, psychologiquement c’est épuisant. Même une caravane, c’est mieux. »
Quelque temps après leur arrivée, le mari de Céline Avcu est « viré » de son travail. Une procédure aux prud’hommes est en cours selon Céline Avcu, qui décrit un licenciement sans raisons et sans preuves, sur la base d’un « faux contrat de travail ». De là, la situation économique de la famille se complique. L’électricité est coupée, les charges s’accumulent :
« La propriétaire fait tout pour nous faire partir. Du jour au lendemain, nous avons vu que les fils du disjoncteur étaient coupés. Elle me fait payer l’internet, alors que c’est moi qui ait installé une box. La pompe qui refoulait les eaux usées en bas ne fonctionne plus. Dans quelques jours la cave où dorment les enfants sera inondée. »
Procédure en cours
Conseillée par le Dal, la famille Avcu a pris un avocat. Elle espère obtenir des indemnités et un relogement d’urgence de la part de la propriétaire.
Du côté de la mairie, qui s’est saisie du dossier, le temps est à la procédure, explique Stéphane Pfeiffer, adjoint au maire chargé du service public du logement et de l’habitat :
« La Ville intervient pour le compte de la préfecture. Nos services ont réalisé une visite du logement, suite à laquelle ils ont rendu un rapport. Un courrier a aussi été envoyé à la propriétaire. Cette dernière a une période contradictoire [un mois NDLR] pour répondre à nos sollicitations. Si au bout de cette période les retours ne sont pas satisfaisants, un arrêté d’impropre à l’habitation peut être pris via la préfecture. »
Cet arrêt préfectoral oblige le propriétaire à reloger les locataires concernés et à des dédommagements. Ce qui, dans les faits, est plutôt relatif, selon Stéphane Pfeiffer :
« Nous allons bien sûr étudier la situation de la famille avec le CCAS notamment, mais nous allons d’abord laisser la propriétaire exposer ses réponses de relogement. C’est une obligation légale. La Ville ne peut pas se substituer aux propriétaires à chaque fois, sinon ces derniers restent dans l’impunité. »
Permis de louer : un « outil » contre l’habitat indigne
Pour prévenir ces situations d’habitat indigne, Bordeaux applique depuis janvier 2022 le permis de louer dans les zones suivantes : Victoire, une partie des cours de la Marne, de la Somme, de l’Yser, Belcier et certaines rues de Saint-Michel, dont la rue Le Reynard. Mais il n’aurait pas pu concerner l’appartement des Avcu, le bail ayant été signé avant l’entrée en vigueur dispositif.
Le permis de louer est une autorisation préalable à la location d’un nouveau logement mis sur le marché. Tous les propriétaires concernés doivent déposer un dossier auprès de la Métropole pour proposer un bien à la location.
Pour Stéphane Pfeiffer, le permis de louer est un « outil » dans l’arsenal pour lutter contre l’habitat indigne. Sur la problématique des marchands de sommeil, l’élu assure que les « services sont mobilisés », rappelant que les locataires concernés, très souvent dans la précarité, n’osent pas alerter.
« Nous avons besoin que les habitants et les associations nous fassent part de ces situations pour monter des dossiers et saisir le procureur », souligne l’élu.
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