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« Une traversée », le périple pyrénéen solitaire de Jean Eimer sur le GR 10

Cette nouvelle édition de « La Traversée des Pyrénées », revue et augmentée de nombreuses notes restées inexploitées, offre la perception unique qu’un randonneur solitaire peut se faire d’une montagne.

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« Une traversée », le périple pyrénéen solitaire de Jean Eimer sur le GR 10

Il fut un temps où les journalistes mettaient la main à la pâte et le pied dans des chaussures pas forcément confortables pour se lancer à l’aventure pour le plus grand bonheur de leurs lecteurs. C’était dans les années 80 et Jean Eimer travaillait au journal Sud-Ouest. L’idée lui était venue de traverser les Pyrénées d’ouest en est, en suivant le sentier de grande randonnée dit GR10. Départ le 12 juin 1986, arrivée 39 jours plus tard.

Obstination

Il fallait une bonne dose d’inconscience pour se lancer, seul, dans un tel périple. A une époque où les téléphones portables n’existaient pas ! Près de 900 kilomètres d’un bout à l’autre – mais ce serait trop simple, puisque ça monte quand même pas mal : 55 kilomètres de dénivelé ! Soit l’équivalent de 183 Tour Eiffel, calcule Jean Eimer sans se décourager pour autant.

Ceci dit, il a bien failli rebrousser chemin dès le premier jour, chemin qui grimpait sec et où très vite le cœur s’emballe, le souffle se précipite, les muscles peinent à se dérouiller et ce n’est pas le brouillard et la pluie (spécialités basques) qui vont arranger les choses. Et pourtant, il s’obstine – jour après jour, en dépit de tous les risques, des plaques de glace, des fragiles ponts de neige, des chutes de pierre ou des chutes dans les pierriers, des charges de chevaux et de taureaux, des vipères, du froid, de la chaleur, du poids insupportable de son sac à dos.

Et l’on souffre avec lui. On se réjouit quand il parvient enfin au terme de son lot quotidien de kilomètres – mais c’est souvent pour trouver un refuge inconfortable et crasseux où les randonneurs ont abandonné sans aucun scrupule tous leurs déchets.

Se dépasser

Qu’est-ce qui pousse Jean Eimer à continuer ? La joie de contempler ces paysages que les amoureux des Pyrénées connaissent, même s’ils ne les admirent qu’à hauteur de vaches ? Certes. De découvrir la richesse de la flore et de la faune ? Il y a des passages superbes sur les mille senteurs des prairies. De croiser d’autres randonneurs ou des bergers qui mènent leur troupeau sur les estives ? La satisfaction de ne pas faire partie des troupeaux de touristes qui s’agglutinent dès qu’une route goudronnée leur permet de garer leur auto au plus près des points de vue qu’il faut absolument ajouter à leur liste ? Il y a de ça, sûrement. Le désir de se dépasser ? Peut-être. De trouver cet accord entre la marche et la pensée que Michel Serres a souvent célébré ? Oui.

Le Col de la Cirère sur le GR 10 des Pyrénées-Orientales Photo : cc/Wikipedia/Martin van Dalen

Car l’œil de Jean Eimer est toujours curieux, il veut comprendre les raisons pour lesquelles tant de villages d’Ariège ont été abandonnés, pourquoi cette lente désindustrialisation de trop nombreuses régions. Il écoute les histoires que lui racontent les bergers rencontrés, les tenanciers de bistros, les marcheurs expérimentés ou amateurs :

« Au fil du sentier, éloignement, anonymat et fatigue aidant, les histoires s’enlacent sur elles-mêmes et déroulent leurs fleurs fragiles, souvent rêvées, parfois vénéneuses, mais aux parfums toujours si personnels. Le sentier, confessionnal ambulant. »

Quand Jean Eimer, des années plus tard, se lancera un nouveau défi, il ne sera plus seul mais en compagnie d’une ânesse dont le caractère mettra beaucoup de fantaisie dans son itinérance – Voyage dans les Pyrénées avec un âne – (Cairn, 2015). Les Pyrénées sont toujours là et l’on commence à soupçonner qu’Eimer y a des attaches profondes. Et il sait donner à ses lecteurs le désir de les découvrir.

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