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Front républicain à géométrie variable contre l’extrême droite, tout près de gagner des députés en Gironde

La gauche a appelé à voter ce dimanche 19 juin, lors du second tour des législatives, pour les candidats opposés au Rassemblement national dans quatre circonscriptions de la Gironde. Trois duels opposeront l’extrême droite à la majorité présidentielle, qui est elle plus ambivalente envers la Nupes dans le Médoc. Troisième du premier tour, Karine Nouette-Gaulain (Ensemble !) annonce ainsi qu’elle votera blanc, alors qu’Olivier Maneiro doit rattraper un retard de 1500 voix sur le RN Grégoire de Fournas. La République en marche en Gironde a invité de son côté « à ne pas donner une voix à l’extrême droite », sans non plus appeler à voter pour son adversaire insoumis.

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Front républicain à géométrie variable contre l’extrême droite, tout près de gagner des députés en Gironde

Candidate de la majorité présidentielle défaite au premier tour dans la 5e circonscription de la Gironde, Karine Nouette-Gaulain a décliné les demandes d’entretien de Rue89 Bordeaux, et de la presse en général. Arrivée dans un mouchoir de poche (25,47% contre 25,92% au Nupes Olivier Maneiro et 28,55% au Rassemblement national Grégoire de Fournas), la maire du Temple s’est d’abord contentée d’un tweet pour remercier les médocaines et médocaines qui ont voté pour elle, et indiqué qu’elle resterait « fidèle à [ses] valeurs ».

Lesquelles ? Le mystère reste entier puisque, malgré les interpellations de plusieurs twittos, la maire du Temple s’est refusée à donner une consigne de vote pour le second tour, un duel gauche-extrême droite dimanche prochain, 19 juin Grégoire de Fournas.

« Je regrette cette absence de décision, a donc répondu un des followers de Karine Nouette Gaulain. Je voterai la mort dans l’âme et avec sens des responsabilités républicaines pour faire barrage à tout prix aux idées du FN ».

Jeudi 16 juin, la maire du Temple a finalement annoncé qu’elle voterait blanc.

« A côté de la plaque »

Conseiller départemental et propriétaire viticole, Grégoire de Fournas – qui refuse de parler à Rue89 Bordeaux en raison de nos articles « souvent malhonnêtes et systématiquement à charge contre le RN » -, s’illustre pourtant régulièrement pour ses dérapages, notamment contre l’accueil des jeunes mineurs non accompagnés, et pour des accointances avec les franges les plus racistes et antisémites de son audience sur sa page Facebook.

« Il faut être sacrément à côté de la plaque pour ne pas donner de consigne de vote, a donc surenchéri un autre internaute sur le compte Twitter de Karine Nouette Gaulain. Au 2nd tour de la présidentielle les choses étaient claires, faire barrage à l’extrême droite. (…) Votre silence sert le RN, d’une part c’est sacrément moche, de l’autre cela vous dessert pour l’avenir ».

Grégoire de Fournas Photo : DR

L’élue médocaine, fraîchement débarquée en politique, ne s’est donc pas rangée au « pas une voix pour l’extrême droite ». Ce slogan martelé par Jean-Luc Mélenchon à l’issue du premier tour de la présidentielle a été repris lundi dernier par la Première ministre Elisabeth Borne pour les 61 circonscriptions qui verront un duel Nupes-RN, dont la 5e de Gironde. Puis relayé localement par Aziz Skalli, référent en Gironde de la République en marche :

« Nous appelons sans aucune ambiguïté à faire barrage partout aux candidats du Rassemblement National dans les quatre circonscriptions où ils sont qualifiés, pas une seule circonscription ne doit être laissé au camp de la haine », écrit il dans un communiqué diffusé lundi.

La peste et le choléra

Mais ce communiqué d’Aziz Skalli évoquait aussi l’opposition entre « les candidats du progrès, profondément républicains et européens », ceux de la majorité présidentielle, et les « candidats des extrêmes, ceux du désordre, de la démagogie et de l’isolement ». Des propos renvoyant dos à dos candidats de gauche et d’extrême droite, reflétant l’ambivalence d’Elisabeth Borne, soucieuse de ne délivrer le soutien tacite d’Ensemble ! qu’au « cas par cas » aux candidats Nupes.

« Si on a affaire à un candidat qui ne respecte pas les valeurs républicaines, qui insulte nos policiers, qui demande de ne plus soutenir l’Ukraine, qui veut sortir de l’Europe, alors nous n’allons pas voter pour lui. »

Dans quelle catégorie se range Olivier Maneiro ? On ne connait toujours pas l’avis de Karine Nouette Gaulain, chef du service d’anesthésie réanimation femme-mère-enfant du CHU de Bordeaux, sur l’ambulancier de la Nupes. Délégué en Gironde du parti Horizon lancé par Edouard Philippe, et dont la maire du Temple est adhérente, Guillaume Chaban-Delmas affirme qu’elle n’a pour l’instant « pas fait le choix entre la peste et le choléra ».

Le petit-fils du résistant Jacques Chaban-Delmas, met ainsi sans sourciller dans le même sac la gauche et l’extrême droite. « La règle est plutôt de faire barrage à l’extrême droite mais il y a un peu de tout dans la Nupes, et Karine Nouette Gaulain connait mieux les deux candidats que nous. »

Confusion

Le responsable d’Horizon lui prête à la candidate d’autres circonstances atténuantes :

« Les lendemains de défaite sont parfois cruels et celle-ci n’a pas été évidente à digérer avec la dissidence de Benoît Simian ».

Le député sortant, qui a obtenu 2150 voix en se présentant comme un représentant d’Ensemble ! sur ses affiches, a peut-être empêché Karine Nouette Gaulain d’accéder au second tour, puisqu’elle avait seulement 258 voix de retard sur Olivier Maneiro. Karine Nouette Gaulain devait avant de faire toute déclaration prendra « aussi en compte le déroulé de la campagne et les actions/déclarations d’autres candidats qui peuvent avoir entaché la sincérité du scrutin. »

Olivier Maneiro, candidat de la Nupes Photo : DR

Mais à quelques jours d’un second tour très indécis, Olivier Maneiro jugeait « important qu’elle prenne position » :

« Même si dans mon idée les voix n’appartiennent à personne, et les électeurs sont assez grands, on ne peut pas avoir d’un côté un discours de rassemblement, parler de bien vivre en Médoc, et de l’autre ne pas s’engager contre l’extrême droite. Pense-t-elle qu’on va bien vivre en Médoc avec un député RN ? »

Le Médoc, « squat géant »

Quant au soutien au cas par cas des Nupes, le conseiller municipal insoumis de Saint-Estèphe répond « ne pas savoir comment sont classés les gens ». Il affirme :

« Je ne suis pas islamo-gauchiste ni anti-républicain, je suis un athéiste laïc convaincu, qui ne veut entendre parler d’aucune religion ! Depuis le début de la campagne je n’ai vu que des attaques personnelles, pas de propositions, et les gens en ont marre de cette politique. »

Grégoire de Fournas l’accuse ainsi d’être « anti-flics, antifa, pro-zad, pro-éoliennes, pro-migrants… » et de vouloir transformer le Médoc « en squat géant ». Le site d’extrême droite Infos-Bordeaux affirme même que l’ambulancier est un « marginal qui partage depuis de nombreuses années des publications anti-police sur son profil Facebook ». Nous n’en avons toutefois pas trouvé trace, pas plus que de sa déclaration selon laquelle « les chasseurs ont tué plus que les islamistes » en France (factuellement exacte sur le fond).

« Depuis le début de la campagne je n’ai vu que de attaques pas de proposition, or les gens en ont marre de cette politique. Nous on veut leur parler du SMIC à 1500 euros qui concerne tout le monde, et du fait que si on est élu, on reviendra à la retraite à 60 ans et qu’aucune retraite ne sera en dessous du seuil de pauvreté. Cela parle dans le Médoc, où beaucoup de salariés viticoles n’ont pas de retraite complète et touchent 700 ou 800 euros de pensions. » 

Aussi, le candidat Nupes pense jouable de refaire son retard de 1500 voix sur Grégoire de Fournas.

« On a été surpris de le voir aussi haut au premier tour, mais vu les scores de la droite et de Reconquête (3,86%), je pense qu’il n’est pas loin de son plafond. De notre côté, on peut avoir des reports de voix et aller chercher des abstentionnistes ».

La Nupes quadrille donc les grandes communes de la circonscription, celles de la métropole bordelaise où se situent son électorat, à Eysines, Parempuyre, Blanquefort… Son candidat a obtenu jeudi le soutien du maire (divers droite) de Pauillac, où est élu Grégoire de Fournas :

« J’ai rencontré Olivier Maneiro à plusieurs occasions. C’est une personne avec qui je ne serai jamais d’accord politiquement, mais j’ai l’intime conviction que pour défendre le territoire et ses habitants, il fera tout ce qu’il peut. Dimanche, sans conviction politique, mais avec conviction pour l’homme, je voterai pour lui ».

Et il tacle sévèrement son opposant au conseil municipal de Pauillac, Grégoire de Fournas :

« Il se prétend défenseur du Médoc contre l’immigration, dit préférer l’emploi local et être vent debout contre les prestataires viticoles, mais lorsque que vous avez le dos tourné, Monsieur de Fournas utilise de la main-d’œuvre étrangère à bas prix, qu’elle soit roumaine ou portugaise. Quand il est pris la main dans le pot de confiture, sa seule excuse est que « c’est exceptionnel » ! »

« Pas une voix pour le RN »

Dans la 11e circonscription du Nord Gironde, la tâche s’annonce plus ardue encore pour Véronique Hammerer, qui accuse 7000 voix de retard sur Edwige Diaz. La conseillère régionale du RN a viré largement en tête au premier tour – 39,48% contre 23,72% à la députée macroniste sortante, qui a devancé d’un cheveu Mathieu Caillaud, candidat de la Nupes.

« Malheureusement il nous manque 463 voix pour accéder au second tour et sortir la députée LREM, a réagi ce dernier dans un post Facebook. Malheureusement le RN a fait un gros score. Pas de consigne de vote les voix ne m’appartiennent pas MAIS pas une voix ne doit aller à l’extrême droite et au RN. »

Edwige Diaz y croit fort Photo : DR/Rue89 Bordeaux

Comme dans le Médoc, Véronique Hammerer tente de convaincre les abstentionnistes :

« J’ai 4000 électeurs macronistes qui ne sont pas allés voter – Emmanuel Macron a obtenu 15000 voix dans ma circonscription au premier tour, contre plus de 11000 pour moi dimanche dernier. Je les incite à le faire dimanche prochain ! »

Pour ce faire, l’élue LREM a bénéficié du déplacement dans le Blayais de deux ministres, Rima Abdul-Malak (Culture) et Eric Dupont-Moretti (Justice) en quelques jours, et du soutien de plusieurs élus de gauche locaux. Elle tente de battre en brèche les arguments d’Edwige Diaz, notamment sur la disparition des services publics :

« Il y a une maison France services dans chaque communauté de communes, des espaces numériques qui permettent de monter un dossier CAF pratiquement dans chaque commune mais on en parle jamais. Dire que le service public s’éloigne dans notre territoire, ce n’est pas vrai. Le fonds de commerce d’Edwige Diaz, c’est d’agiter les peurs et de capter les colères. »

Véronique Hammerer Photo : Wikipedia/DR

Seul un regain de participation peut faire barrage au RN dans le Blayais

Mais la victoire semble toute proche pour la candidate du RN, qui devrait bénéficier des reports de voix de Reconquête ou du Mouvement de la riralité, pronostique Célia Monseigne, maire PS de Saint-André-de-Cubzac.

« Les électeurs de la gauche unie iront comme d’habitude voter contre l’extrême droite. La moitié d’entre eux devrait voter Véronique Hammerer, qui sera encore loin du compte. La clé, c’est un regain de participation, si celle-ci est encore à 45% je ne vois pas comment on peut renverser les choses. Il faut s’adresser aux jeunes, aux classes moyennes, aux infimières et enseignants qui n’arrivent plus à se loger et finissent par se tourner vers le RN. »

Pour la maire de Saint-André, Edwige Diaz est parvenue à « imposer sa marque » en participant à tous les scrutins locaux depuis des années, et en expérimentant sur son territoire le rapprochement du FN et de la droite. Elle récolte aussi les fruits du « ripolinage » du RN – même si le parti défend la priorité nationale, qui n’est pas républicaine, rappelle selon Célia Monseigne  » et de la banalisation de l’extrême droite par les médias et les réseaux sociaux.

BB Brune

Pour empêcher une éclatante victoire du RN dans les quatre circonscriptions de Gironde où ses candidats se sont qualifiés, la Fédération du PS de la Gironde, le Parti communiste et Jean-Luc Gleyze, président du Département, ont clairement appelé à voter pour leurs adversaires.

« Les candidat.e.s du Rassemblement national sont aux portes de la députation, et menacent de propager à l’Assemblée nationale la xénophobie, le racisme et le mépris des valeurs républicaines, écrit Jean-Luc Gleyze dans un communiqué. Si nous ne pouvons ignorer les colères, les injustices et les frustrations légitimes, nous ne pouvons pas non plus tolérer qu’elles soient récupérées par un parti qui, sous couvert d’un rassemblement illusoire, essaime les ferments de la haine de tous contre tous. »

Dans ces quatre points chauds, deux candidats de la majorité présidentielle ont des réserves de voix confortables, notamment à gauche : Sophie Panonacle dans la 8e du Bassin d’Arcachon, où la députée LREM est opposée à Laurent Lamara, et Florent Boudié dans la 10e du Libournais, autre sortant de la majorité qui fera face à Sandrine Chardoune.

Cet ancien député PS, qui brigue un troisième mandat, pourrait ainsi bénéficier d’une bonne partie des 23,4% obtenus par l’écologiste de la NUPES Pascal Bourgois au premier tour. Malgré le soutien de nombreux élus de tous bords dans la circonscription, il redoute l’issue d’un scrutin « très incertain ». La tension sera à son comble dans ces territoires girondins, qui pourraient se réveiller lundi matin teintés de brun.


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