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Les habitats coopératifs se heurtent à un mur législatif et bancaire

Trois projets d’habitats coopératifs et participatifs sont au point mort, dont deux lancés depuis plus de quinze ans. Les initiateurs de H’Nord à Bordeaux, Boboyaka à Bègles, et La Traverse à Créon, interpellent les futurs députés pour faciliter leur mise en place en améliorant la loi Alur et pour imposer aux banques un système de prêts adapté aux coopératives d’habitants.

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Les habitats coopératifs se heurtent à un mur législatif et bancaire
Réunion autour du projet H’Nord (DR)

Depuis 2004, le projet H’Nord est dans les tuyaux à Bordeaux, sans jamais aboutir. Dans le même esprit, Boboyaka bataille depuis 2007 pour voir le jour à Bègles, sans plus de succès. A Créon, La Traverse, un projet à une échelle plus modeste lancé il y a un an, s’inquiète pour son avenir alors que ses initiateurs sont sur le point de signer l’achat du terrain.

La réduction des durées des prêts et la hausse des taux, conjuguées à l’envolée des prix des matériaux de construction depuis la crise sanitaire suivi de la guerre en Ukraine, mettent à mal la concrétisation de ces habitats coopératifs et participatifs. Sans compter les embûches administratives que les porteurs des projets ont voulu dénoncer lors d’une conférence de presse pour interpeller les candidats aux législatives :

« Nous demandons urgemment aux futurs députés de tout mettre en œuvre pour appliquer la loi Alur dans son intégralité, et d’imposer aux banques un système de prêts adapté aux coopératives d’habitants. »

Troisième voie pour le logement

« Chaque projet a ses spécificités et chaque projet a ses problèmes », résume Alia El Gaied, accompagnatrice de ses projets au nom de Habicoop, la Fédération française des coopératives d’habitants. Elle poursuit :

« Ils se retrouvent aujourd’hui dans des contextes politiques et financiers très tendus alors que l’objectif de ces initiatives est de se dégager du marché spéculatif de l’immobilier. »

« Et c’est surtout une réponse à la crise climatique pour laquelle nous n’avons que trois ans pour trouver des solutions », surenchérit Claire Le Lann, membre de La Traverse. Nicole Marty de Boboyaka insiste sur « les solutions que proposent ces projets », notamment « une alternative pour les populations vieillissantes ». Laurence Messager de H’Nord vante la dimension « logement augmenté » qui consacre dans son projet « 12% d’espaces collectifs et associatifs ».

« Nos coopératives d’habitants ont pour objectif de vivre de façon inter-générationnelle, inclusive et écologique. Elles dessinent une troisième voie pour le logement : les habitants ne sont ni locataires, ni propriétaires mais un peu des deux à la fois. La coopérative est la maîtresse d’ouvrage et la propriétaire du lieu de vie, c’est elle qui contracte l’emprunt bancaire. »

Boboyaka et H’Nord sont accompagnés de deux bailleurs sociaux : Le Col (Comité ouvrier du logement) pour la première et CDC Habitat social (groupe Caisse des Dépôts) pour la deuxième, qui sont les apporteurs de fonds pour les acquisitions des terrains.

Le retard français

Les porteurs de ces projets dénoncent un manque juridique dans la loi Alur. Ce texte de loi adopté en mars 2014 pour faciliter l’accès au logement et promouvoir un urbanisme rénové, introduit la notion de coopérative d’habitants mais empêcherait son application par « l’absence de reconnaissance du travail fourni pour une construction comme parts dans la coopérative et l’obligation d’une garantie financière des travaux qu’aucun assureur ne veut prendre en charge ».

Les membres des projets H’Nord, Boboyaka et La Traverse Photo : WS/Rue89 Bordeaux

Outre la réticence des banques – qui reviennent sur les durées d’emprunt de 40 ans pour proposer des durées maximum de 25 ans – et l’augmentation des taux actuels dus à l’inflation, ils regrettent « le manque de mécanismes financiers adaptés pour produire du logement accessible à des personnes sous plafond de ressources » et réclament « la mise en place d’un prêt locatif social adapté aux coopératives ». Ils demandent également de « revenir à une TVA à 5,5% au lieu des 10 % actuels », leurs statuts ne permettant pas de récupérer la TVA.

« Ce système d’habitat connait beaucoup de problèmes et de retard en France alors qu’à Zurich, en Suisse, il est devenu une référence pour le logement jusqu’à représenter 25% de la ville », souligne Alia El Gaied.

Effectivement, après une politique menée depuis plus de vingt ans par la municipalité, 40 000 logements étaient recensés en 2019, représentant plus d’un quart du parc locatif de la capitale économique helvète.

Inter-générationnel et modèle

Dans son programme, H’Nord annonce 55 appartements du T2 au T5 dont 20 appartements réalisés par le CDC Habitat Social et 35 par la coopérative, plus des équipements collectifs et mutualisés. Répartis dans trois immeubles de cinq niveaux, il est prévu sur trois terrains en friche sur le site Dupaty (Chartrons) appartenant à la mairie de Bordeaux et la Métropole.

« L’ouverture d’une voie, qui relève de la Métropole, pour acheminer les matériaux a ralenti le projet pendant des années. Si on se résout à faire les travaux dans la configuration actuelle d’impasse, ça représente un surcoût important. Nous avons pourtant le soutien des élus, mais ça n’avance pas vite, notamment pour l’installation des réseaux électricité et eau… », affirme Laurence Messager.

Elle espère tout de même un démarrage des travaux à la fin de l’année 2022 après l’obtention du permis en 2017.

Boboyaka a connu « beaucoup de difficultés », allant du changement d’architecte à des invalidité de permis de construire. Le projet qui se veut inter-générationnel, présenté en janvier 2021, est situé route de Toulouse et rue Jules-Vernes à Bègles. Il prévoit 18 logements « séniors » avec des espaces communs (notamment des chambres pour les invités), ainsi que deux studios pour les étudiants (pas d’appartements pour le bailleur) et une micro-crèche gérée par l’association Sage.

Quant au dernier né, La Traverse, il se situe rue Montuard à Créon et comprend 8 logements allant du T2 au T4 pour 8 familles « d’âges de 7 à 77 ans », avec une partie commune représentant 15%. Lancé en décembre 2020, il vise l’autonomie alimentaire et entend « s’exporter comme modèle ».

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