Sur le CV de Frédéric Desmesure, il y a une ligne qui s’étale sur quelques années, celle de photographe de spectacles vivants (Opéra de Bordeaux, Tnba, Oara…). Le photographe bordelais a quitté la scène pour saisir la ville et « transformer l’espace public en espace scénique ».
Vide, le milieu urbain est vu comme un décor où Frédéric Desmesure enregistre « la situation telle qu’elle est, sans intervenir, comme un constat ». Avec une présence humaine, « l’instant devient un spectacle de rue », le photographe immortalise les gestes, comme celui d’un agent de la circulation à Londres, et les mouvements – d’une veste dans le vent à Paris, par exemple. De ces incursions urbaines, il expose une sélection à L’Artichaut jusqu’au 26 août : « Urbains Ordinaires ».
Séries citadines
Budapest, Dublin, New York, Londres… de 2009 jusqu’en 2019, Frédéric Desmesure a sillonné les villes occidentales. Il a posé son appareil à la sortie d’une bouche de métro ou à l’angle d’un passage piéton et capté le ballet des citadins. Il s’agissait de répertorier en quelque sorte l’activité de l’homme dans son milieu urbain.
A Madrid, Narbonne, Bègles, Toulouse… il a arpenté les centres commerciaux et leurs parkings en dehors des heures de fréquentation pour capter la solitude des enseignes aguicheuses et le silence des gigantesques parkings déserts. Ces prises de vue contrastent avec celles « habitées » et révèlent un décor débarrassé de ses acteurs.
Ainsi, sur les murs de L’Artichaut, l’accrochage propose des ensembles thématiques de deux ou plusieurs photographies, ainsi que des similitudes et des analogies tantôt graphiques tantôt chromatiques. Deux séries sont également projetées, « London Calling » et « Sidération ». La première documente le camps de Calais, la seconde des scènes urbaines. Les deux sont accompagnées de bandes son de la formation musicale dans laquelle évolue Frédéric Desmesure : PFUI.
Singularité
L’exposition « Urbains Ordinaires » s’apparente à un inventaire en cours duquel le photographe entend extraire l’essence de l’urbanité :
« Je me considère comme photographe documentaire, explique Frédéric Desmesure. J’ai commencé mon activité de photographe en 1988 pour le journal Sud Ouest. Je suis passé de la réalité d’une presse quotidienne à une aventure personnelle où la photo est vécue d’une manière artistique. Je continue en quelque sorte le travail documentaire mais sur la vie de la ville. J’ai commencé par le noir et blanc que j’ai arrêté parce que ça modifie la réalité par le grain et par le contraste. La couleur est une information et j’estime qu’on ne peut pas s’en passer. »
Après ses débuts en autodidacte en tant que photographe de presse, Frédéric Desmesure suit, entre 1989 et 1991, l’enseignement de l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles.
« Je me suis senti enfermé dans la photographie de presse d’abord et ensuite à l’école d’Arles, ajoute-t-il. Un enseignement t’empêche d’être toi-même et il faut du temps ensuite pour désapprendre. Être autodidacte permet en réalité d’aller plus vite vers sa propre singularité. »
C’est cette propre singularité qui a rapproché Frédéric Desmesure de Lina Singer, paysagiste et fondatrice de L’Artichaut. « Il m’offre son œil » dit-elle d’une collaboration professionnelle initiée parallèlement à cette exposition. Comme auparavant avec les frères Lahontâa, Vincent Monthiers, et d’autres passés également par la galerie, « intégrer un artiste dans nos travaux permet de témoigner du désordre du paysage et d’obtenir une vision de la ville moins stérile ».
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