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30/04/2024 date de fin
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Au TnBA, Baptiste Amann fait sa fête au village

Né à Avignon et vivant à Bordeaux, Baptiste Amann présente sa dernière création, « Salle des fêtes », au Théâtre national Bordeaux Aquitaine jusqu’au 15 octobre. Cette fresque sur des néo-ruraux, un sujet peu représenté sur les planches, montre une nouvelle fois la dextérité de l’auteur et metteur en scène à se saisir des questions sociales et contemporaines.

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Au TnBA, Baptiste Amann fait sa fête au village

Des titres préviennent parfois qu’il ne faut pas les prendre au mot. « Salle des fêtes » en est un. Un peu comme un film noir où le clown ne va faire rire personne, bien au contraire. Dans cette salle, la fête est triste dès les premières minutes et au fur et à mesure que le sujet se dévoile, le cœur n’y est plus. Il sera serré et tendre face à tant de destins fragiles.

À un tournant de leur vie qu’on n’a pas besoin de connaître, une femme, romancière, et sa compagne, tatoueuse, quittent la ville et décident de racheter une ancienne usine dans un petit village à la campagne pour la rénover et y habiter. Dans sa note d’intention, Baptiste Amann écarte toute référence à « l’exode post-covid vers les campagnes ». Le fait est que le couple est accompagné du frère de la romancière, atteint de troubles psychiatriques, personnage attachant qui viendra semer indifféremment légèreté et inquiétude.

Dès leur arrivée dans cette commune rurale, les trois feront la connaissance d’un groupe d’habitants, ravis pour la plupart de voir une nouvelle dynamique sur leur territoire. Sans aucune « prétention de dresser un quelconque portrait de la ruralité » prévient une nouvelle fois l’auteur.

Habiter

Très vite, les trois néo-ruraux vont connaître le revers caché de leur destination fantasmée et se retrouvent face à la réalité d’une commune confrontée aux ravages d’une crue, aux conséquences de celle-ci sur la récolte d’un maraîcher et sur les enjeux politiques d’un jeune maire aux moyens dérisoires. Les deux femmes jettent ce qui reste de leurs économies dans le pot commun pour marquer une arrivée responsable dans l’avenir du village.

Le spectateur assiste, comme s’il en était, à un conseil consultatif réuni dans la salle des fêtes du village, lieu public « sans prestige apparent » écrit Baptiste Amann et « dont le patrimoine est contenu dans la façon d’être “habité” ». Le metteur en scène, Bordelais depuis une dizaine d’années, va ainsi investir le lieu et réinterpréter ses grands rendez-vous : les réunions publiques, les vœux du maire, les loto et vide-grenier, le bal du 14 juillet.

Chaque événement est l’occasion de faire rebondir ses personnages et donner à leurs rôles des dimensions inattendues : quelle est la place d’une maladie mentale dans une société traditionnelle ? quel est notre rapport à une langue maternelle ? quel est le sens d’un engagement amoureux ou social ? Et bien d’autres questionnements…

Écrire pour

Même loin de la banlieue, décor de sa trilogie « Des territoires », Baptiste Amann parvient à revenir aux questions qui nourrissent son travail et où se pose la question de l’individu avec sa possibilité d’agir sur son entourage, qu’il soit autochtone ou étranger, parent ou enfant, politique ou militant.

Outre la finesse de ses personnages, la délicatesse du récit est assurée par des dialogues ciselés, spontanés et sans fioritures. Qu’il s’agisse de dénoncer les violences policières ou les ventes d’armes – émouvant monologue de Lisa Kramarz sur la Révolution –, de décrire le mal-être psychique ou l’envie suicidaire – l’improbable invitation de Samuel Réhault à Julien Geffroy pour aller marcher… trois jours –, les mots sont forts et graves, même quand ils prêtent à sourire.

Avec « Salle des fêtes », Baptiste Amann fait preuve une nouvelle fois d’une immense délicatesse pour traiter la condition humaine. Grâce également à ses dix comédiens, des fidèles vus dans d’autres pièces et des nouveaux, il affirme sa capacité à porter le théâtre sur des sujets peu traités avec une aisance déconcertante. Preuve d’une indéniable sincérité : « “écrire pour”, parce qu’ ”écrire sur” piétine le sujet. »


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