En réalité, Guy Lenoir n’aime pas qu’on dise qu’il est metteur en scène. « La mise en scène, je ne revendique pas le mot, je préfère le mot réalisateur », tient-il à préciser d’emblée.
Pourquoi ? « Parce que la réalisation réunit une équipe, des artistes, des techniciens, des intervenants… » Et c’est effectivement le cas pour « Le Tiers temps », sur la scène du théâtre des Beaux-Arts à Bordeaux jusqu’au 15 octobre.
Fin de vie
Cette création de Guy Lenoir a vu tout d’abord la contribution de Maylis Besserie, l’auteure du livre qui a inspiré et donné son titre à la pièce, évoquant les derniers jours de Samuel Beckett. La Bordelaise, Goncourt du premier roman en 2020, signe l’adaptation du texte aux « conditions humaines et artistiques » du projet.
Autre contribution, particulièrement remarquable, celle du comédien Bernard Blancan, parfait sosie de l’écrivain irlandais. « J’ai tout de suite pensé à lui », s’enthousiasme Guy Lenoir. Le prix d’interprétation masculine pour Indigènes (avec les autres acteurs du film) porte avec justesse les états d’âme du prix Nobel de littérature, confiné entre quatre murs décrits ainsi dès la première minute :
« Chambre de maison de retraite en rez-de-jardin avec une fenêtre donnant sur une cour intérieure et l’autre donnant sur le couloir. Un lit médicalisé. Des murs recouverts de papier peint à motif de fleurs. Un lustre imposant. Une petite bibliothèque avec des ouvrages de Joyce, Dante, Proust et Oscar Wilde. »
Dans ce décor de fin de vie, une dernière ligne droite partagée entre pessimisme et dérision, Bernard Blancan parvient à faire revivre « le grand échalas » avec une austérité que celui-ci avait tant chérie. A coups de consignes et soins médicaux, monologues désabusés et effluves de whisky, son interprétation permet à l’adaptation de Maylis Besserie de donner une nouvelle fois à ce monument de la littérature mondiale une taille humaine, déchéance comprise.
Retraite
Parmi les contributions, on retrouve également des participations artistiques musicales (Zola Ntondo au piano) et plastiques (Caroline Corbal à la vidéo, Barbara Schroeder pour le clap de fin)… Guy Lenoir revendique « une œuvre collective où chacun, depuis deux ans, a apporté une idée ».
Un tantinet ésotérique, il relève « des choses qui interpellent » :
« Maylis Besserie est né en 1982, l’année où je jouais la dernière de En attendant Godot à Bangui, en République centrafricaine. Et me voici en train de présenter une adaptation de son livre sur Samuel Beckett, 40 ans plus tard, avant ma retraite… »
« Ma retraite du théâtre… » corrige-t-il aussitôt, précisant la poursuite de ses « autres activités culturelles », notamment au sein de l’association Migrations Culturelles aquitaine afriques (MC2a), créée en 1989. L’année de la disparition de Beckett, puisqu’on en est aux coïncidences.
Fini le théâtre ? « Oui, les jeunes arrivent avec de nouvelles formes » insiste, à 76 ans, celui qui a commencé dans le théâtre expérimental des années Sigma à Bordeaux. « Ça me faisait plaisir de terminer comme ça » conclut Guy Lenoir, « accompagner le vieux Sam à la tombe »… avec une satisfaction non dissimulée de tuer le père.
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