Gilets pare-balles, robes rouges et noires ont manifesté, ensemble, ce lundi 17 octobre contre la réforme de la police judiciaire. Une centaine d’agents de la Police judiciaire (PJ), d’avocats et de magistrats se sont rassemblés à la mi-journée devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, dans le cadre d’une mobilisation nationale.
Portée par le ministère de l’Intérieur, cette réforme prévoit de placer l’ensemble des services de police sous les ordres d’un seul Directeur départemental de la police national (DDPN), dépendant du préfet. Les agents de PJ doivent être intégrés à une filière investigation, aux côtés de policiers en charge de la délinquance au quotidien. Le gouvernement, qui souhaite une mise en œuvre de la réforme en 2023, espère ainsi une plus grande efficacité dans la résolution des délits du quotidien.
Fronde
Créée fin août, l’Association Nationale de la Police Judiciaire est vent debout contre cette réforme. Les agents de la PJ craignent de perdre leurs moyens actuels alloués aux investigations et aux enquêtes au profit de la sécurité publique, comme témoigne une adhérente de l’association à Bordeaux :
« Le projet de réforme de la police nationale n’améliorera pas le sort de concitoyens victimes de la délinquance du quotidien, et altérera les capacités des policiers à faire face à la criminalité organisée et complexe. La date du rassemblement n’a pas été choisie par hasard. Le DGPN [Frédéric Veaux, directeur générale de la police nationale, NDLR] devait se rendre aujourd’hui à Versailles, siège de notre association et de la première brigade mobile. Il a préféré annuler ce déplacement ainsi que ceux de Lyon et Rennes. »
Il y a dix jours, Éric Arella, directeur de la police judiciaire à Marseille a été démis de ses fonctions. Ce limogeage est intervenu au lendemain d’une « haie de déshonneur » organisée par les enquêteurs de la PJ de Marseille, lors de la venue de Frédéric Veaux. Depuis, la fronde n’est que plus importante et des dizaines de rassemblements ont été organisés en France. À Bordeaux, une cinquantaine de policiers se sont ainsi réunis devant le commissariat central, en soutien à Éric Arella.
Solidarité des avocats et des magistrats
En soutien aux agents de la PJ, Christine Maze, bâtonnière du barreau de Bordeaux a dénoncé un « État de droit menacé » :
« Nous souhaitons une police judiciaire libre de ses faits. Nous ne souhaitons pas d’un pouvoir exécutif qui va ordonner les mesures judiciaires. Il faut que les procureurs de la République et les juges d’instruction soient en capacité de faire leur travail avec cette PJ qu’ils connaissent. »
Le Conseil National des Barreaux (CNB) a voté, lors de son Assemblée générale du 9 septembre 2022, une motion, qui exige le retrait de la réforme. Marie-Noëlle Courtiau-Duterrier, représentante de l’Union syndicale des magistrats (USM) a, elle, détaillé les « risques » de cette réforme dans le travail de la justice :
« Contrairement à ce que l’on peut entendre, ce rassemblement démontre qu’il n’y pas de division entre la police et les magistrats. La PJ a aujourd’hui la possibilité d’investiguer à l’échelle régionale, la réforme risque de nous empêcher de pouvoir choisir nos services d’enquêtes. Il y a un risque de nivellement par le bas des spécialisations. »
Denis Roucou, représentant du syndicat de la magistrature (SM), a rappelé la nécessité pour la PJ de « travailler de façon indépendante » :
« La PJ, qui travaille dans le cadre d’instructions qui sont données par un magistrat, ne doit pas être sous l’autorité d’un préfet. Les magistrats du siège et du parquet s’unissent aux policiers et dénoncent cette réforme. »
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