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Troubles psychiques : à Bordeaux, un manège pour « remettre le pied à l’étrier »

Implanté depuis 2017 à Bordeaux, le Clubhouse accompagne des personnes atteintes de troubles psychiques vers l’emploi. L’association est un lieu de vie animé par ses membres, qui permet de rompre l’isolement et facilite le retour vers le monde professionnel. Récemment, en partenariat avec le restaurant solidaire le Jardin Pêcheur, un programme de réinsertion professionnelle inédit en France a vu le jour : le « Manège ré-enchanté », installé aux Bassins à flot.

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Troubles psychiques : à Bordeaux, un manège pour « remettre le pied à l’étrier »

Vincent a 59 ans. Diplômé d’HEC, il a travaillé dans des « grosses boîtes », a dirigé une école de commerce. Aujourd’hui, loin des bureaux, il tient la caisse d’un carroussel, s’occupe d’installer les enfants. Depuis l’été, Vincent est en CDD au Manège ré-enchanté, installé place Alice Girou, au pied du restaurant le Jardin Pêcheur, aux Bassins à Flot. Ce mercredi après-midi, il forme Mike, 30 ans. Ce dernier n’a pas travaillé depuis 5 ans.

À l’été 2021, Vincent fait un burn-out. À Charles Perrens, où il est hospitalisé, les psychiatres lui conseille d’aller au Clubhouse. L’association accompagne vers l’emploi des personnes atteintes de troubles psychiques. Vincent y pousse la porte, devient membre, tout comme Mike.

Ici, au manège, ils apprennent à « se remettre le pied à l’étrier ». Vincent et Mike occupent les premiers « emplois de transition » en France : des emplois de courte durée hebdomadaire, qui permettent de faire un pont, de se réinsérer « doucement » vers le monde du travail.

Projet solidaire

Ouvert le 19 juillet dernier, et inauguré le 24 septembre, le projet du manège est né du partenariat entre Jessika Jouvie, directrice du Clubhouse de Bordeaux, et de Pierre Maly, gérant du Jardin Pêcheur. 80% du personnel de son restaurant est en situation de handicap. Ancien directeur d’un Établissement et service d’aide par le travail (ESAT), il a ouvert le premier Jardin Pêcheur en Dordogne. C’est là-bas qu’il a fait l’acquisition du manège :

« C’est un manège qui date de 1945, qui était dans un garage en Dordogne. En 2019, quand Jessika m’a parlé des emplois de transition, j’ai pensé au manège. Le projet de ré-insertion a tourné autour de lui. Il a été restauré, bénévolement, par des entreprises aux savoirs-faire spécifiques : sellerie, peinture, signalétique… L’électricité a été faite par le CFA de Boulazac. Les membres du Clubhouse se sont occupés de l’acheminer et, aujourd’hui, ils l’exploitent. »

Vicent et Mike, devant le manège aux Bassins à flots Photo : VB/Rue89 Bordeaux

Les postes sont financés à hauteur de 80% par l’État, le reste est à la charge de l’employeur. Si la place Alice-Girou est encore en chantier, Pierre Maly espère que le manège deviendra un lieu de rencontre et d’échanges dans le quartier. Sybille, elle, habite dans une résidence juste à côté. Le mercredi, elle y emmène souvent sa fille de 4 ans :

« Il n’y a pas beaucoup d’animations pour les enfants dans le quartier, qui est souvent en travaux. Le manège est une bonne idée et il véhicule des valeurs fortes. »

Renouer avec une vie sociale

Le premier Clubhouse français est crée à Paris en 2011, à l’initiative de Philippe Charrier (actuel PDG du groupe Orpea), qui s’est appuyé sur un modèle crée à New-York, en 1948. À Bordeaux, l’antenne existe depuis 2017. Située rue Fondaudège pour encore quelques semaines, avant un déménagement vers la rue de Tivoli, l’association compte 240 membres. À l’intérieur, des calendriers et des plannings recouvrent les murs. Dans un joyeux brouhaha, entre café et discussions, chacun choisit d’aller dans un atelier.

Jessika Jouvie, la directrice, évoque un « terrain de jeu sans enjeux » :

« Le premier objectif est de rompre l’isolement. Quand on vit avec une maladie psychique sévère, on a souvent été hospitalisé longtemps, parfois sous contrainte. À la sortie, les traitements sont lourds, l’état de conscience peut être altéré. On se referme, le vide se fait autour. Ici, on recrée les codes de la vie en société. Tout le monde se croise et travaillent ensemble. Il y a autant d’hommes que de femmes, de tous les âges, certains avec des doctorats, d’autres avec un BTS, d’autres sans qualification. Le but c’est que chacun prenne conscience de ses compétences et talents, en les partageant aux autres. »

Le Clubhouse de Bordeaux compte 240 membres et emploie 6 salariés Photo : Ulrich Lebeuf/MYOP

Au Clubhouse, pas de professionnels de santé. Les personnes qui y viennent ne sont ni des patients, ni des bénéficiaires, mais des « membres ». Une terminologie qui a son importance :

« Quand on est membre, on est acteur, on peut agir, on fait partie de quelque chose. Souvent, après une hospitalisation, il y a des prescriptions, des orientations vers des structures diverse. Ici, on vient volontairement. Une fois membre, on décide de venir ou de ne pas venir. »

Tremplin vers le monde professionnel

Une réappropriation de soi et de son quotidien. « Parfois, juste aller prendre un café en terrasse, c’était une chose impensable pour certains », témoigne Jessika Jouvie. À l’instar d’une vie en entreprise, le Clubhouse est ouvert du lundi au vendredi :

« Il y a un poste à la comptabilité, à la communication, à l’accueil… Tous les jours, nous avons deux réunions de 30 minutes où chacun décide l’activité dans laquelle il veut s’impliquer. Il y a des ateliers tournés vers l’insertion professionnelle, avec préparation de CV ou d’entretiens, mais aussi des visites d’entreprises ou l’organisation de projets. »

Alors que 12 millions de personnes en France vivent avec un trouble psychique, le Clubhouse se donne également pour mission de faire connaître les maladies mentales, de lutter contre les stigmatisations, par l’organisation de conférences ou de webinaire auprès d’entreprises ou d’écoles. Schizophrénie, bipolarité, Troubles obsessionnels compulsifs (TOC)… L’association accompagne et oriente toutes les personnes touchées par un trouble psychique, dans un cadre bienveillant. En 2021, 45% des membres du Clubhouse de Bordeaux étaient en réinsertion professionnelle.


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