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Un millier de vignerons dans les rues de Bordeaux pour arracher des vignes et « sauver des vies »
Economie 

Un millier de vignerons dans les rues de Bordeaux pour arracher des vignes et « sauver des vies »

par Victoria Berthet.
Publié le 6 décembre 2022.
Imprimé le 06 juin 2023 à 23:54
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Confrontés à une crise de la surproduction, plus de 1000 viticulteurs girondins ont manifesté ce mardi 6 décembre à Bordeaux. Ils demandent une prime à l’arrachage. Une cellule de crise réunissant les collectivités, les services de l’État et les acteurs de la filière sera mise en place à compter de la semaine prochaine.

À l’appel du Collectif Viti 33, les viticulteurs girondins se sont rassemblés dans la capitale mondiale du vin, ce mardi 6 décembre, pour réclamer aux pouvoirs publics des primes à l’arrachage de parcelles de vignes.

Le collectif de vignerons souhaite arracher au moins 15 000 hectares en Gironde pour stopper la surproduction au regard d’un marché en berne et demande 10 000 euros de prime par hectare. La manifestation, partie des Quinconces jusqu’à la préfecture puis l’Hôtel de Région, s’est déroulée sans heurts.

Rassemblement des viticulteurs girondins mardi 6 décembre 2022 (VB/Rue89 Bordeaux)

« On fonce dans le mur »

Gaëlle Jean, viticultrice, est venue de Langon. La jeune femme s’apprête à reprendre l’exploitation familiale de 30 hectares :

« Mes parents voulaient garder des vignes pour les mettre en fermage. Sauf que personne n’est intéressé pour louer. Le prix de l’hectare a chuté, beaucoup de petits producteurs sont dans l’impasse. S’ils ne peuvent pas louer des hectares, ils redeviennent exploitants et ils n’ont plus de retraite. »

« Le vin se vend de moins en moins cher, et les charges sont de plus en plus lourdes », souligne un viticulteur des Côtes-de-bourg. Exploitant depuis 1985, ce dernier se retrouve confronté à un « lourd problème de trésorerie » :

« J’ai quatre enfants, aucun ne veut reprendre l’exploitation et je les comprends. Nous sommes beaucoup trop chers par rapport aux vins étrangers. Ce n’est même plus le Bordeaux bashing, c’est le vin français bashing. Il y a deux ans, je vendais une bouteille 3,30 euros chez Leclerc. J’ai demandé une petite augmentation de 10 centimes. On me l’a refusée. Je dois la vendre 2,80 euros. C’est en dessous du coût de production. »

Didier Cousiney, porte-parole du collectif Viti 33, devant le CIVB (VB/Rue89 Bordeaux)

Pour ce viticulteur, il faut « absolument réduire la voilure ». Il n’écarte pas l’hypothèse « d’abandonner » ses vignes d’ici un an, si « aucune solution n’est trouvée ». Symboliquement, devant le siège du Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB), les viticulteurs ont déposé des pieds de vignes. Quelques huées de la foule se sont fait entendre.

« Le CIVB n’a pas su tenir son rôle, gouverner c’est prévoir. Il y a une dizaine d’années, beaucoup trop de vignes ont été plantées », glisse l’un des manifestants.

Cellule de crise

En début d’après-midi, une délégation a été reçue à la préfecture. Une cellule de crise sera active dès la semaine prochaine réunissant les services de l’État, de la Région, du Département, de la Chambre d’agriculture, de la Mutualité sociale agricole, ainsi que des acteurs de la filière, dont le Collectif Viti 33. Didier Cousiney, son porte-parole, souligne un « grand pas en avant » :

« Nous savions que nous n’allions pas obtenir gain de cause tout de suite pour l’arrachage, mais le collectif va être invité à la table des discussions, nous sommes satisfaits. De son côté, Alain Rousset a reconnu qu’il fallait un plan social et un arrachage. »

Les viticulteurs en difficulté ont été appelés à se faire connaître auprès de la Chambre d’agriculture de Gironde. Le Collectif Viti 33, lui, envisage de nouvelles mobilisations dans les semaines à venir.

L'AUTEUR
Victoria Berthet
Journaliste, diplômée de l'IJBA. Du terrain, des faits et de la nuance.

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