« Cyril, Florian, Arnaud, Alexandra, Angélique… » Pendant une dizaine de minutes, les prénoms des 102 salariés décédés au travail s’enchaînent. Sandra Felten récite la liste interminable sur laquelle les dates et les causes des décès sont également renseignées.
Autour de la représentante SUD à la la direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS), une vingtaine de personnes écoutent en silence le décompte macabre. Ils veulent ainsi dénoncer une hausse des accidents du travail et une réforme des retraites « qui engendrera des morts supplémentaires ».
790 morts en 2019
« Les conditions de travail ne s’améliorent pas. Elles se dégradent même depuis 2013 », affirme Camille Planchenault, représentant Sud Travail, citant le rapport 2022 de la Cour des Comptes. D’après lui, trois secteurs sont particulièrement touchés : le BTP, la construction et l’agriculture, où le nombre de personnes décédées serait passé de 44 en 2019 à 48 en 2021.
Plus généralement, il affirme que la France détenait en 2019 « le record du plus important nombre d’accidents du travail mortels par salariés ». D’après le ministère du travail (chiffres Dares), 790 salariés sont décédés cette année-là.
Selon Nathalie Lopez, représentante CNT travail, le profil des victimes est assez défini. Il s’agit de personnes ou en début de contrat ou en fin de contrat.
« Cela s’explique parce que les jeunes n’ont pas d’expérience en début de carrière. Pour les anciens, c’est l’usure et l’excès de confiance qui jouent contre eux. Ils ont intégré le risque et ne le voient plus, donc ils relâchent la vigilance », détaille-t-elle.
« Salariés kleenex »
Pour Julien Riboulet, représentant de la CGT travail, les accidents du travail sont presque « l’arbre qui cache la forêt ». Inspecteur du travail, il regrette de constater au quotidien « des milliers de personnes fracassées » qui ne peuvent plus travailler.
Parmi les raisons de ces drames, d’après les syndicats, le manque de moyens attribués à la sécurité. Exemple : le nombre d’employés à l’inspection du travail chargés du contrôle des entreprises. En France, ils sont 1700 agents pour plus de 21 millions de salariés, d’après l’intersyndicale DDETS Gironde.
Le recours à des emplois précaires peut également expliquer la hausse du nombre d’accidents sur les lieux de travail. Nathalie Lopez parle de « sous-traitance en cascade ».
« Beaucoup d’entreprises veulent augmenter leurs profits. Pour cela, elles ont régulièrement recours à des emplois précaires avec la sous-traitance ou l’intérim. Le problème c’est que ces employés dits “salariés kleenex”, sont souvent de passage et pas formés, donc plus susceptible d’être victimes. »
La Gironde concernée
Selon les syndicats, la Gironde est particulièrement exposée aux accidents du travail, avec des chiffres plus élevés que la moyenne nationale. En agriculture par exemple, le taux de fréquence des accidents du travail était de 42,3 dans le département contre 31,9 en France, en 2019 (sur 1 million d’heures travaillées).
L’indice de gravité des accidents du travail était également plus élevé, à 87,4 en Gironde contre 38,4 en France la même année, d’après la caisse nationale d’assurance maladie et la sécurité sociale agricole. Camille Planchenault affirme que le secteur du bâtiment est aussi concerné, le nombre de chantiers réalisés sur la façade atlantique étant très élevés ces dernières années.
Cet hommage a également fait écho à la réforme des retraites et au recul de l’âge légal de départ en retraite de 62 à 64 ans. Les syndicats craignent que ce soit « deux ans de trop ».
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