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Clowns Sans Frontières pointent leurs nez rouges à Bordeaux pour le droit à l’enfance

Clowns Sans Frontières a entamé une marche à travers toute la France pour défendre le Droit à l’enfance. Après une halte à La Réole le 6 mai, l’association est présente toute la journée de mardi 16 mai à Bordeaux, avec un programme nourri de rencontres mêlant le rire à la réflexion sur le rôle de l’imaginaire et du merveilleux pour panser les plaies des crises humanitaires.

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Clowns Sans Frontières pointent leurs nez rouges à Bordeaux pour le droit à l’enfance

Une joyeuse bande de nez rouges a traversé le superbe pont du Rouergue, samedi 6 mai pour débouler sur le marché de La Réole. Là, ils rejoignaient le stand de Clowns sans Frontières pour la signature par Bruno Marty, maire de la cité, du « Manifeste pour le Droit à l’enfance » promu par cette organisation. Ce mardi 16 mai, Bordeaux sera à son tour de la fête avec l’arrivée de l’association pour une série d’événements et la présentation de son manifeste.

Depuis trente ans, Clowns sans Frontières intervient sur de multiples zones de crises humanitaires afin d’offrir aux enfants comme aux adultes une bulle de joie grâce au rire et à l’imaginaire. Depuis le 18 mars 2023, elle organise une « Marche des nez » sur tout le territoire national, pour interpeller élus et citoyens sur le droit à cet émerveillement et son importance dans l’action humanitaire après des enfants.

Une occasion à ne pas rater pour la Réole

La ville de la Réole s’est greffée sur cette marche par une heureuse coïncidence. Olivier Ouadah, photographe, documente depuis 21 ans l’action de Clowns sans frontières. Différentes missions l’ont conduit notamment en Bosnie et dans les camps Karens de Thaïlande, où les réfugiés birmans vivent depuis des années.

Ce Réolais d’origine, récemment revenu en Sud-Gironde, a été associé à l’étape bordelaise de la Marche des Nez. Le hasard d’un trajet en train l’a mis en présence de Cécile Aubague, clown et comédienne installée à la Réole, elle aussi bénévole pour Clowns sans Frontières : elle a notamment œuvré  à Madagascar où les enfants jumeaux font l’objet d’une méfiance et discrimination ancestrales.

Pour les deux Réolais, l’occasion était trop belle pour faire passer la « Marche des nez » par leur ville, avec la complicité du café associatif La Petite populaire, et celle, indispensable, des clowns du territoire.

Le Sud Gironde est un biotope favorable à ces artistes. On croise à La Réole Madame Hollywood, comédienne, clown et DJ, ainsi que Cartouche, clown et comédienne, parmi d’autres habitants et habitantes au double métier : une patronne de crêperie, un chef de projet à la mairie… clowns sous les noms de Pola et Bougie !

À Bagas, tout près de La Réole, un couple, Poï et Mag, accueille régulièrement des spectacles stages à domicile et prépare une « Clownsinade » pour le premier week-end de juin.

Le maire de La Réole participe lui aussi à la Marche des Nez de Clowns sans Frontières (Photo : Olivier Ouadah)

Un écosystème de clowns en Sud-Gironde

La plupart des clowns de la cité du Sud-Gironde sont professionnels, et pour beaucoup d’entre eux, formés à l’intervention en pédiatrie et gériatrie. Rascasse et Velours – Cécile Aubague et Nicolas Birot – interviennent en milieu hospitalier avec les Clowns stéthoscopes, association basée à Bègles, pour améliorer la qualité des enfants hospitalisés comme celle des résidents d’EHPAD.

Nicolas Birot a également cofondé avec sept autres clowns du territoire Clown ta chambre, jeune association basée en Sud-Gironde et spécialisée dans les actions artistiques dans le secteur gériatrique.

La dimension engagée de la démarche de Clowns Sans Frontières trouvait sur ce terreau une résonance évidente. Ils partirent donc huit lors des préparations, et se retrouvèrent à une douzaine de clowns pour l’étape réolaise.

Pour plusieurs des clowns réolais, Clowns Sans Frontières n’était connu que de réputation.

Clowns sans frontières : une fédération de solidarité internationale

C’est précisément l’un des enjeux de cette marche : mieux faire connaître en région l’action de cette initiative internationale, née de la rencontre du clown catalan Tortell Poltrona et du clown français Antonin Maurel en février 1993, en plein conflit dans l’ex-Yougoslavie. Invité à jouer dans les écoles des camps de réfugiés en Croatie, le premier a fondé Payasos sin Fronteras à Barcelone, et invité son collègue à créer Clowns sans Frontières-France.

C’était le tout début d’une fédération de solidarité internationale, présente sur tous les continents et qui aligne un bilan impressionnant : 2500 spectacles à travers le monde, 900000 bénéficiaires, 400 artistes mobilisés.

La dimension internationale de Clowns sans Frontières a un peu occulté son intervention croissante sur le territoire national.

« En trente ans, l’organisation a eu à cœur de rendre autonomes les artistes des zones sur lesquelles elle intervient, explique Olivier Ouadah. Mais nous retrouvons de plus en plus les personnes des zones où nous sommes allés en mission parmi les réfugiés et migrants ici, et sommes appelés à intervenir auprès d’eux. »

Une marche, cinq parcours, quarante-cinq étapes

La Marche des nez a donc pour objectif de diffuser les enjeux de leur action dans toute la France. Partie de Paris le 18 mars, elle fait étape dans 45 villes, le long de cinq parcours à l’Est, à l’Ouest, au Nord, au Sud, au Sud Ouest. Chaque étape est organisée avec des structures culturelles implantées sur le territoire et invite les artistes locaux à se joindre à elle, pour interpeller élus et citoyens et leur faire signer le Manifeste pour le Droit à l’enfance.

Car l’enfance est la première victime des guerres et crises humanitaires. L’association cite des chiffres atterrants. Sur 100 millions de personnes déplacées en 2022, 41% sont des enfants.

On connaît la Convention Internationale des Droits de l’enfant. Ce que défend Clowns Sans Frontières  ce sont les droits culturels des enfants et le Droit à l’enfance. Soit « le droit pour chaque individu de vivre ou de se reconnecter à son enfance et de la préserver, grâce à l’accès à l’émerveillement et au spectacle vivant et sa pratique ».

Ambiance festive sur le pont du Rouergue à La Réole (Photo : Olivier Ouadah)

L’émerveillement en action à Bordeaux

L’enchantement né des spectacles et la pratique de l’art ne résolvent évidemment pas les traumatismes engendrés par les guerres, les crises humanitaires. Mais ils créent des bulles de répit, des instants d’émerveillement, offrent à ceux qui les drames ont fait grandir trop vite de renouer avec leur part d’enfance.

Stéphane Daniel peut en témoigner. Responsable de la mission accompagnement et ressources arts du spectacle à la mairie de Bordeaux, Stéphane Daniel est aussi logisticien bénévole pour Clowns sans Frontières depuis 2008, et a lui aussi mené des missions auprès des camps karens en Thaïlande :

« Avec Clowns sans Frontières, on est d’abord dans la rencontre. On achète quelques ustensiles, on vient avec très peu d’instruments, on s’inspire d’une histoire locale, et on crée un spectacle, en trois jours. On a tout préparé en amont, mais pas la réalité du terrain. Par moments on nous dit : “vous ne pouvez pas jouer”. Alors on discute avec les militaires du camp, ils acceptent que l’on joue devant le camp, et la rencontre  devient possible. Dans des situations compliquées, cinq secondes de sourire et d’éveil sur des visages éteints c’est toujours ça de gagné. »

Dire oui à une étape bordelaise de la Marche des nez relevait de l’évidence pour la mairie de Pierre Hurmic.

Déambulation et échange au Grand Parc

Dans une ville où nombre d’artistes ont eux aussi participé à des missions de Clowns Sans frontières, Stéphane Daniel a œuvré à convaincre des artistes et partenaires de se greffer sur l’événement.

La veille, le 15 mai, les passants bordelais risquent de trouver une curieuse physionomie à certaines statues. Les choses sérieuses, comme les choses loufoques, démarrent le lendemain matin, dès 9h30, sur le parvis de la Gare Saint-Jean, avec l’accueil du Manifeste pour le Droit à l’Enfance et une déambulation clownesque jusqu’à la mairie, où Marie-Claude Noël, conseillère municipale déléguée art vivant et arts visuels, signera le manifeste.

La marche se déplace ensuite au Grand parc, où les clowns vont prouver leur sérieux sans se prendre au sérieux. Ils ont en effet fait appel à Sylvie Thieblin, psychologue de l’association Ethnotopies, pour un échange autour de la notion « d’émerveillement ». La journée se conclut logiquement par un spectacle à la Salle des fêtes du Grand Parc, offert par l’École de cirque de Bordeaux.

« Cela résonne avec le projet fort sur l’enfance que porte cette ville, notamment avec le projet 100 % EAC. Cette part d’enfance peut se réveiller, rayonner, rentrer en dialogue avec un territoire et des tiers, et notre part d’humanité », conclut Stéphane Daniel.


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