Ce mercredi soir à l’entrée de la Rue de Grassi, l’ambiance est moins calme qu’à l’accoutumée. Dès 18h30, certains commerçants ferment boutique, malgré une fin de journée parfaitement clémente. Car la rue est vidée de ses passants, exfiltrés au compte goutte après l’installation de barrières de part et d’autre de la rue. Les policiers filtrent méticuleusement les quelques personnes qui tentent de passer ; sans motif valable et sans justificatif, impossible de franchir le barrage.
Anticipation
Ce qu’ils redoutent, c’est la mobilisation féministe contre le concert, anticipée depuis plus d’une semaine. Il faut dire que le collectif Collages féministe Bordeaux avait annoncé la couleur mercredi dernier. Sur les portes d’entrée du Femina et sur les murs aux alentours, des slogans tels que « Depardieu l’aigle noir c’est toi » ou « Victimes de Depardieu, on vous croit » laissaient déjà entendre leur colère.
Dans leur communiqué de presse publié mercredi 17 mai, elles interpellent les spectateurs et soutiens de l’acteur et chanteur français :
« Vous, ainsi que toutes les salles de spectacle et tous les médias qui continuent de donner une plateforme au criminel qu’est Depardieu, vous vous rendez complices de son impunité et de la double peine que vous infligez à toutes les victimes de violences sexuelles. La honte ! »
« Spectateurs, vous allez acclamer un agresseur sexuel »
Après l’annulation de la représentation de la veille, le concert d’aujourd’hui a été maintenu, et les féministes étaient donc au rendez-vous pour accueillir les spectateurs à leur façon. Après une dizaine de minutes de mobilisation côté Porte Dijeaux, elles ont contourné la rue de Grassi pour se placer vers le cours de l’Intendance, où les spectateurs commençaient à présenter leurs billets pour rentrer. Pancartes à la main, elles étaient une soixantaine à donner de la voix au rythme des slogans et des chansons, jusqu’à 20h, heure officielle du début du concert.
C’est donc sous les huées et les cris de protestation que le public de Gérard Depardieu est parvenu, petit à petit, à rejoindre le théâtre. Dans la file d’attente, beaucoup n’avaient d’yeux que pour Depardieu et ne voulaient surtout pas rater cette opportunité de le voir, malgré les accusations :
« Je l’ai raté avec Barbara et je me suis dit, là, avant de mourir je veux y aller, confie une spectatrice. Quoi qu’il arrive j’irai voir Depardieu. Mais je suis plutôt convaincue qu’il a violé, j’en suis même persuadée. Après, là, je fais une parenthèse. »
D’autres font valoir la présomption d’innocence, à l’instar de Paul et Adrien :
« Faut qu’il y ait une décision de justice. Pour l’instant il a pas été condamné, on peut pas se positionner d’un côté ou de l’autre. »
Ultime affront
Dans leurs communiqués respectifs, le collectif Collages féministes Bordeaux et l’association Nous Toutes 33, soutenue par l’Assemblée Générale Féministe de Gironde, la Batucada féministe de Bordeaux et le Collectif Bordeaux centre, dénoncent de concert l’impunité de Gérard Depardieu.
« Il est d’autant plus révoltant que ce violeur ose reprendre l’œuvre de Barbara, elle-même victime de viol, et dont les textes dénoncent les criminels comme lui », signale le collectif de collages
« En toute impunité, Gérard Depardieu reprend le répertoire de la chanteuse Barbara, elle-même victime d’inceste », renchérit le communiqué de Nous Toutes 33.
Les militantes, elles, repartent satisfaites de leur action, quoique déçues qu’elle n’attire pas plus l’attention en France :
« Tout à l’heure on a vu un journaliste néerlandais ! A l’international, les médias s’intéressent à ce qu’on fait, alors qu’en France presque personne n’en parle », soupire Maïa.
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