Le tout premier label musical français de garantie en circuit court sera officiellement lancé le 3 juin prochain, lors d’une soirée d’inauguration au Rocher de Palmer. Situé à Talence, au siège du producteur de musique KiéKi, Bâbord regroupe une vingtaine d’adhérents et a été fondé par une dizaine de structures (producteurs de musiques, médias, salles de spectacles, tiers-lieu, réseau des indépendants de la musique…).
Parmi les producteurs impliqué dans le projet, Banzaï Lab, qui produit des artistiques tels que Smokey Joe and the kid. La boite de production de concerts Slow Fest fait également partie de l’aventure, ainsi que le CaféMusic de Mont-de-Marsan, et la radio libre La Clé des Ondes.
Ce label garantira au public l’accès à des concerts éthiques, honorant plusieurs engagements (environnementaux, sociaux, etc). En résumé, de la même façon que l’on a désormais accès à l’origine de nos vêtements, on pourra aussi connaître les conditions de création des concerts que nous allons voir.
30 000 euros de subventions
Plusieurs raisons motivent la création de ce label, structuré en association en 2020 : une baisse de fréquentation du public depuis la Covid, des impacts environnementaux importants pendant les concerts, mais aussi, la volonté de lutter contre « un effet de concentration », selon Pauline Gobbini, chargée de développement de diffusion chez KiéKi Musiques, producteur de musique à Talence
« Depuis quelques années, beaucoup de grands groupes fonctionnent en circuit fermé, explique-t-elle. Ils rachètent des maisons de disques et produisent des artistes qui vont dans des festivals qui leur appartiennent, puis en font la promotion dans des médias dont ils sont aussi propriétaires (exemple : Vivendi, dont l’actionnaire majoritaire est le groupe Bolloré, détient le festival Garorock). Résultat : les “petits artistes“ se retrouvent exclus ».
Au total, le label Bâbord a reçu 30 000 euros pour se lancer, via le contrat de filière Musiques et Variétés, financé par la Directrice régionale des Affaires culturelles (Drac), la Région Nouvelle-Aquitaine, le Centre national de la musique (CNM), et le Réseau des indépendants de la musique (RIM), afin de soutenir les acteurs du secteur.
Meilleures conditions de travail
Afin de garantir son caractère éthique, le label repose sur une charte regroupant quatre thématiques : l’emploi et le social, l’environnement, l’égalité et la mixité, et les bonnes pratiques au travail. Chacune d’elles se compose d’une dizaine de critères à respecter.
Concernant l’emploi et le social par exemple, il est obligatoire de salarier l’ensemble du plateau (artistique et technique), d’appliquer la convention collective et sa grille de salaire ou de favoriser les stages rémunérés. Des engagements nécessaires selon Léa Gilbert, chargée de communication du Réseau des indépendants de la musique, adhérent au label :
« Dans le milieu de la musique, les conditions de travail ne sont pas forcément optimales. Par exemple, on a encore des artistes qui jouent gratuitement, alors que leur rémunération figure dans la clause collective. Mais elle n’est pas systématiquement appliquée et ce n’est pas normal », regrette-t-elle.
Chaque membre souhaitant rejoindre le label devra respecter au moins 22 critères de la charte sur 40 lors de son adhésion. Tous les ans, il devra en cocher un supplémentaire. Il s’agit, pour l’association, de garantir la progression du collectif, ainsi qu’une « mutualisation des outils et des savoir-faire » entre ses membres.
Circuit-court
Parmi les critères fondateurs du label : l’environnement. Composé de producteurs exclusivement néo-aquitains, Bâbord s’est fixé l’objectif d’accueillir au moins 50% d’artistes originaires de la région. Le but est de réduire autant que possible l’empreinte écologique élevée, caractéristique du secteur (tournées, déchets pendant les concerts, etc).
Pour ce faire, le label compte également privilégier les prestations locales (en région, ou en France), favoriser les mobilités douces (le train plutôt que l’avion), ou encore assouplir la clause d’exclusivité territoriale.
« Par exemple, si Garorock produit le rappeur français Niska (produit par Universal musique France dont l’actionnaire majoritaire est Vivendi), il peut lui faire signer une clause d’exclusivité qui lui interdira de jouer dans un autre festival de la région sur une période de six mois. C’est un problème parce que ça ne permet pas la mutualisation des prestations et ça multiplie les déplacements. On aimerait amener les festivals à réfléchir là-dessus », indique Léa Gilbert.
Où sont les femmes ?
Autre cheval de bataille pour Bâbord : favoriser la mixité dans la musique. La charte oblige (entre autres) ses adhérents à former leurs équipes aux luttes contre les violences sexuelles et sexistes, à se munir d’un bureau paritaire, d’une communication inclusive et non sexiste, ainsi que d’un catalogue d’artistes composé d’au moins 30% de femmes.
« On part de tellement loin, juge Pauline Gobbini. Aujourd’hui, il y a seulement 14% de femmes sur scène. On voulait donc trouver le juste milieu en fixant des objectifs réalisables. Pour cela, on a rencontré une spécialiste des questions égalité et mixité qui nous a dit que 30% était le minimum légal. Une fois qu’on en sera là, on montera le curseur ».
D’après Léa Gilbert, ce faible nombre de femmes dans le secteur s’explique par un « manque de confiance » et une difficulté à s’identifier au métier, contrairement aux hommes « qui s’imaginent plus aisément dans le milieu ».
Tournée régionale
Tous les ans, les membres du label s’auto-évalueront afin de vérifier le respect collectif des critères établis. Il s’agira également de réfléchir à l’évolution de la charte en fonction des retours de chacun.
« On part sur un principe de confiance. Ici, tout le monde se connaît et tout le monde souhaite avancer dans la bonne direction. Donc si quelqu’un commence à vouloir transgresser les règles, on le verra », assure Léa Gilbert, positive.
Le label sera officiellement lancé le 3 juin prochain, lors d’une soirée gratuite organisée au Rocher de Palmer. Au programme : concerts, marchés des producteurs, ateliers de création de fanzines et blindtest.
Ensuite, en 2023, puis 2024, une tournée (en cours d’élaboration) est prévue. L’idée est notamment de décliner l’événement du 3 juin prochain dans toute la région.
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