Il est 13h passé et le cortège finit par s’élancer de la place de la République à Bordeaux. Malgré la présence de jeunes et le soutien de nombreux mouvements politiques, le défilé est un peu clairsemé, comme l’avait anticipé l’intersyndicale, et Stéphane Obé, de l’union départementale de la CGT en Gironde :
« On voit bien que les salariés sont dans un moment d’incertitude après des mois de mobilisation contre la réforme des retraites et les impacts sur les salaires des journées de grève, mais aussi dans un contexte national anxiogène, entre la guerre en Ukraine et les conséquences du conflit israélo-palestinien, qui risque d’alimenter l’inflation. »
« Démonstration d’unité »
Aussi, le responsable syndical se réjouit-il d’une « belle manifestation », avec 3500 personnes à Bordeaux – 1200 selon la police –, destinée à peser avec les 200 défilés qui se tenaient aujourd’hui en France sur la conférence sociale réunie par le gouvernement ce lundi 16 octobre.
« On a connu pire à Bordeaux, relativise Stéphane Obé. Et c’est une belle démonstration d’unité intersyndicale, avec pour la première fois une revendication commune sur la hausse du SMIC, et une augmentation des salaires tenant compte de la hausse des prix, qui dépasse les 20% sur les denrées alimentaires. »
Par ailleurs, Stéphane Obé souligne que la manifestation a eu le mérite de structurer quelques mouvements revendicatifs. Il évoque la préparation d’une journée de grève des salariés d’Elior, le 19 octobre. 5 ASH (agents de service hospitalier) affectés par cette entreprise pour faire le ménage à l’hôpital de Langon ont en effet cessé le travail le 2 octobre dernier.
« Des collègues de la Clinique Mutualiste de Pessac et de l’hôpital Haut-Lévêque se sont aussi mis en grève, indique Francesca, ASH à Langon. On est très mal payées – 8 centimes au dessus du SMIC horaire – pour faire parfois 10 à 11h de travail par jour. Il y a un gros turn-over, et on nous demande parfois de remplacer une personne absente et de faire deux postes au lieu d’un. »
Cheminots et Magma
Les ASH dénoncent aussi des conditions dangereuses de travail, du fait de leur maniement de produits et d’ustensiles contaminants. Elles demandent une réunion à l’agence régionale de santé (ARS).
D’autres catégories professionnelles sont aussi sur la brèche : les cheminots appellent à un rassemblement à la gare d’Hourcade le 20 octobre prochain pour « défendre le fret public », alors que la branche fret de la SNCF est menacée de liquidation. Le même jour, Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, sera en Gironde pour rencontrer le syndicat de MMTB (ex Magma), l’entreprise de Blanquefort dont les 1000 emplois sont menacés.
Dans le cortège à Bordeaux, des salariées de la chambre des métiers et de l’artisanat (CMA) interpellent aussi sur la baisse des financements dédiés à l’apprentissage. Catherine Labourier, déléguée syndicale CFDT de la CMA de Gironde pointe aussi la baisse de 29 millions d’euros des dotations de l’Etat aux réseaux des chambres, prévue dans la loi de Finances 2024.
« Oubliés du service public »
« Cela risque de se traduire par 1000 suppressions de postes dans le réseau. Pourtant, sur 200 personnes à Bordeaux, nous sommes seulement deux à manifester aujourd’hui. Les actions du premier semestre ont impacté le pouvoir d’achat, et beaucoup de collègues ont peur d’être mal vus s’ils cessent le travail. »
La représentante syndicale de la CMA évoque aussi le faible niveau des salaires – 1800€ après 20 ans d’ancienneté.
« On est les oubliés du service public. Nous ne sommes pas fonctionnaires alors que nous avons une mission de service public. On aide à la création et au développement des entreprises dans les métiers de l’artisanat, et pourtant les moyens baissent au moment où la majorité des artisans vont partir à la retraite et ne trouvent pas des repreneurs. »
Alors Catherine Labourier, comme les centaines de personnes mobilisées ce 13 octobre, est déterminée à ne pas baisser les bras face à la « paupérisation croissante ».
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