Rue89 Bordeaux : Pouvez-vous nous expliquer quelles sont les spécificités des violences conjugales en zone rurale ?
Johanna Dagorn : Ce qui m’a le plus étonnée dans le cadre de cette enquête, c’est que les femmes en milieu rural n’ont quasiment pas répondu. Encore moins les femmes en situation de handicap, qui font face à un état de santé extrêmement dégradé… Cela ne veut pas du tout dire qu’il n’y en a pas, mais qu’elles sont invisibilisées…
Ce qui m’a également surprise, c’est que la solidarité que l’on retrouve beaucoup dans les campagnes se retourne contre les femmes violentées. Elles sont complètement isolées, et finalement pas entourées d’une grande sororité…
Il y a plusieurs typologies de femmes en milieu rural : celles qui sont originaires de la campagne, avec ce qu’on appelle un « habitus » rural et qui ont peur de dénoncer car elles connaissent la famille (souvent présente à proximité) et qui se disent qu’elles ne peuvent pas dénoncer leur bourreau car elles risqueraient de détruire la famille de leur conjoint violent, d’autant plus si la famille en question est amie avec la sienne. Cette peur, je l’ai entendue tout le temps chez les femmes que j’ai interrogé.
Deuxième type de femmes rencontrées : les cadres originaires de la ville et qui viennent vivre dans le village de leur mari. Elles arrivent ici déracinées. Ça fait d’ailleurs partie des stratégies des agresseurs, de les isoler. Elles se sentent maladroites, ont souvent peur de passer pour des femmes méprisantes. Et bien souvent, la fameuse solidarité se retourne contre elles.
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