Dans l’attente de son éventuelle nomination dans le futur gouvernement Attal, Thomas Cazenave se retrouve au coeur d’une polémique, soulevée ce mardi 9 janvier par Le Monde, sur un potentiel conflit d’intérêt entre ses activités privées et son engagement public.
L’ex candidat macroniste aux municipales à Bordeaux (battu au premier tour) et haut fonctionnaire s’était lancé dans la formation professionnelle en juillet 2021, en créant avec quatre associés l’école de la rénovation énergétique (éRE) à Bordeaux, puis à Biarritz et à Rennes. Des sessions au coût non négligeables – les sessions de 3 mois coûtent 4900€ pour devenir compagnon, 5800€ pour chef de projet – finançables par des aides diverses.
105672 euros d’actions
S’il a quitté le conseil stratégique de l’établissement en juillet 2022, après son élection comme député Renaissance de la première circonscription de Gironde, il en est toujours actionnaire à hauteur de 54 % du capital de l’établissement. Cette participation est estimée à 105 672 euros, selon sa déclaration d’intérêts déposée auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
Or, « à l’Assemblée nationale, puis au ministère des comptes publics, Thomas Cazenave a été impliqué dans des dossiers en lien avec les activités de son école », souligne le quotidien :
« Il a notamment été rapporteur d’une proposition de loi pour favoriser les travaux de rénovation énergétique en 2022. Au ministère des comptes publics, il est en première ligne des arbitrages budgétaires sur la formation professionnelle et la rénovation énergétique, lors de la préparation de la loi de finances 2024, à l’automne. »
Déport autonome
Depuis Bercy, Thomas Cazenave est en effet régulièrement concerné par des dossiers touchant indirectement à ce sujet de la rénovation énergétique, et se révèle très actif sur les réseaux sociaux et au conseil de municipal de Bordeaux. Interrogé par Le Monde, le conseiller municipal bordelais d’opposition nie tout conflit d’intérêts.
Le déontologue de l’Assemblée nationale aurait selon lui « estimé qu’il n’y avait pas d’incompatibilité entre le fait d’être actionnaire de cette entreprise et le mandat électoral ». Puis, suite à des « échanges avec la HATVP sur cette question », un décret de déport – tel que celui visant les intérêts de la famille de la ministre Agnès Pannier-Runacher dans le pétrole – a été signé par l’ex première ministre Elisabeth Borne, le 4 janvier 2024.
Soit six mois après sa nomination, souligne le quotidien, sous-entendant que l’affaire aurait traînée. A Rue89 Bordeaux, la communication du ministre assure qu’il n’y a eu « aucune négligence » et que les procédures et les recommandations « ont été suivies à la lettre » :
« Entre sa déclaration à la HATVP faite au mois d’août, après sa nomination, et l’avis de la Haute autorité rendu en décembre, Thomas Cazenave ne s’est pas tourné les pouces. D’abord, comme il ne pouvait plus vendre ses actions une fois nommé ministre, il en a confié la gestion à un tiers, avec un mandat sans droit de regard. Et il a eu des échanges avec la Haute autorité à titre préventif, ainsi qu’avec le secrétariat général du gouvernement. »
Aucun lien
Ceux-ci ont débouché sur ce décret de déport, dont la « portée est très limitée », estime toutefois Le Monde, soulignant que « seules les décisions relatives à l’école de la rénovation énergétique sont visées ». L’entourage de Thomas Cazenave relativise :
« Il n’est ni ministre du travail, ni ministre de la transition énergétique, il n’y a aucun lien direct entre ses activités au gouvernement et ses intérêts. Par ailleurs il n’a jamais joué de rôle opérationnel ni de fonction exécutive dans l’éRE, c’est un investisseur dans une société à mission dont il n’a jamais touché un euro. »
L’école forme 150 personne par an sur ses trois campus, dont celui de Bordeaux se trouve à Villenave-d’Ornon. Elle a à sa tête depuis fin 2022 Léna Ternot, ancienne collaboratrice de Thomas Cazenave lorsqu’il était délégué interministériel à la transformation publique.
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