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« Les chais sont pleins, les trésoreries à sec » : la crise viticole au cœur du salon de la Confédération paysanne

Depuis quatre ans, en amont du Salon de l’agriculture qui commence ce samedi à Paris, la Confédération paysanne organise le « Salon à la ferme ». En Gironde, un couple de viticulteurs bio dans le Blayais a ouvert ses portes pour une table-ronde sur la thématique de la souveraineté alimentaire, alors que la crise touche de plein fouet le monde agricole.

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« Les chais sont pleins, les trésoreries à sec » : la crise viticole au cœur du salon de la Confédération paysanne
Prise de parole du préfet Étienne Guyot lors du « salon à la ferme »

« Les gens ne savent pas ce que leurs voisins agriculteurs font. Il y a une génération coupée de l’agriculture, qui ne la voit que par le biais des médias, parce qu’il y a du glyphosate ou un abattoir où ça se passe mal. Mais ce n’est pas ça le quotidien d’un agriculteur », décrit Frédéric Lascaud, porte-parole de la Confédération paysanne Nouvelle-Aquitaine et éleveur dans la Haute-Vienne.

Plus de 150 fermes situées dans 70 départements participent à l’événement le « Salon à la ferme » organisé par la Confédération paysanne.

En Gironde, il se déroule au Château Frédignac, situé à Saint-Martin-Lacaussade dans le Blayais. Vincent L’Amouller et Ludivine Lemaître, ingénieurs chimistes de formation, ont repris l’exploitation familiale il y a dix ans. Ils cultivent 15 hectares de vignes en bio, en appellation Blaye Côtes de Bordeaux.

« On ne vend pas »

Ce vendredi 23 février, le domaine a reçu la Confédération paysanne et des élus locaux pour une table-ronde autour de la thématique de la souveraineté alimentaire. Vincent L’Amouller a fait visiter son chai. Près de 100 ans après la plantation du premier pied de vigne, il a repris l’exploitation de son père, Michel L’Amouller.

« Nous avons de bonnes récoltes, mais on ne vend pas », explique t-il, reliant la difficulté de commercialisation au « contexte bordelais » :

« Le négoce bordelais, c’est une catastrophe au niveau des prix. Je vends la moitié de ma production, soit 60 000 bouteilles. Avec les difficultés économiques, il faut jongler avec les aléas climatiques. Mon père m’avait dit que je n’aurais jamais du gel deux années de suite. Pourtant, ça s’est passé. »

Michel et Vincent L’Amouller, avec Ludivine Lemaître Photo : VB/Rue89 Bordeaux

Comme de nombreux viticulteurs, Vincent L’Amouller et Ludivine Lemaître tablent sur la diversification. Une centaine d’oliviers ont été plantés sur une parcelle. La première récolte est prévue pour 2028. L’objectif est de produire une huile locale. « Il faut encore des moyens et les outils pour le faire », avance le viticulteur.

« Solidarité entre les villes et les campagnes »

Le question des moyens et du revenu des agriculteurs a été au cœur de la table-ronde. « Je n’ai pas vu venir la crise, pourtant ça fait 15 ans que je suis porte-parole de la Confédération paysanne », reconnaît Frédéric Lascaud :

« Aujourd’hui le litre de lait fait 500 km avant d’être bu. Il y a une déconnexion entre le producteur et le consommateur. Tant que les gens n’ont pas faim, ils ne se posent pas la question de la provenance de leur nourriture. La crise que nous traversons a mis en valeur notre travail. La souveraineté alimentaire, ça ne veut pas dire fermer les frontières mais s’organiser localement. »

« Il faut réaffirmer solidarité entre les villes et les campagnes », enchaîne Pierre Hurmic, présent ce vendredi au salon :

« Comme lors de la crise sanitaire où l’on a pris la mesure de prendre soin des soignants, cette crise agricole est une prise de conscience sur le fait de prendre soin de nos paysans. L’agriculture est en péril social, économique et moral. Il faut réinventer agriculture paysanne et ça ne doit pas être par un réarmement chimique. »

L’édile de Bordeaux a soulevé les 74% de repas bio préparés au sein de la cuisine centrale de Mérignac et la mise à disposition, gratuitement, de locaux de la ville à des Amap. Pour le préfet, Étienne Guyot, la crise agricole oblige à une « convergence des politiques publiques » :

« Ça fait des années que je suis préfet, je n’ai jamais vu un chantier aussi ouvert au plan de l’agriculture. 62 priorités ont été dégagées par le gouvernement. Il n’y a pas de tabou. Il faut que l’on accepte de débattre, nous avons besoin de textes de loi. »

Vignerons devant les tribunaux

Cette semaine, un vigneron bordelais a fait condamner deux négociants pour l’achat à bas prix de vrac. Dans une récente lettre, l’interprofession bordelaise du vin juge qu’il n’est « pas admissible de voir des transactions à des prix inférieurs à 1 000 € le tonneau, très loin de couvrir les coûts de revient ».

Une « gigantesque opération d’enfumage montée avec un relai syndical » pour Dominique Teicher, porte-parole de la Confédération paysanne en Gironde et viticulteur à Pomerol :

« Ce niveau de prix est celui qui était réclamé il y a 15 ans. Depuis, tous les prix des intrants et de l’énergie ont explosé. Les salles d’audience des tribunaux de Gironde sont peuplées de vignerons en redressement judiciaire. C’est la moitié de la filière qui est en cessation de paiement. Les chais sont plein et les trésoreries à sec. »

Parmi les orientations de sortie de crise dans un vignoble affecté par la déconsommation : la création d’un établissement public foncier « chargé de reprendre les actifs et de les restructurer dans une orientation essentiellement alimentaire ». « Il faut la même démarche que celle appliquée aux banques en faillite », résume Dominique Teicher.


#agriculture

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