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L’univers dévasté d’Hervé Le Corre dans « Qui après nous vivrez »

L’écrivain bordelais, un des maîtres du roman noir, signe un récit post-apocalyptique glaçant chez Rivages/Noir qui replonge l’humanité dans un état de sauvagerie absolue.

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L’univers dévasté d’Hervé Le Corre dans « Qui après nous vivrez »
Détail de la couverture

Le dernier livre d’Hervé Le Corre a rencontré, dès sa sortie, un succès mérité. Et l’on reconnaît en lui un des maîtres du roman noir. Cela ne peut que réjouir les Bordelais que nous sommes qui l’avons suivi depuis ses premiers livres.

Dans ce roman post-apocalyptique, Le Corre nous entraîne dans un monde qui a de plus en plus de chance d’être celui qui nous attend, que la folie des maîtres de la finance et des entreprises mondialisées est en train de fabriquer. Et qui fait frémir.

Univers dévasté

Dès les premières pages, l’atmosphère est irrespirable – que font Léo et son père Marceau, Clara et sa mère Nour dans cette maison claquemurée, entourés d’ennemis potentiels dont on sait très vite la violence sans limite par les cauchemars de Léo, qui revit le viol et la mort de sa mère ? Ils tentent de survivre.

Tout a commencé, des années auparavant, par une panne d’électricité gigantesque : tout s’éteint, tout s’arrête et la ville est la proie de bagarres entre des citoyens révoltés et des forces de police que rien n’arrête. Rebecca et Martin espèrent encore que la vie normale va reprendre. Vie normale, c’est beaucoup dire : pandémies, canicules, régimes autoritaires et policiers. Martin descend aux nouvelles ; il ne reviendra pas, laissant Rebecca seule avec leur petite fille Alice.

La survie dans cet univers dévasté replonge l’humanité dans un état de sauvagerie absolue. Nour est la fille d’Alice. Des années ont passé. Le Corre suit les luttes de ces femmes – sur quatre générations – pour échapper aux multiples dangers qui les menacent dans leur errance vers on ne sait quel lieu où pourrait se retrouver une micro-société qui aurait résisté aux tueries généralisées.

Une place pour la nature

Le récit n’est pas linéaire mais joue sur un temps qui lui-même n’est plus orienté vers une finalité quelconque ; le fil en est brisé comme le sens même de l’existence des survivants. Il y a donc des retours en arrière, même si nous suivons surtout le quatuor que forment Léo et Marceau, Clara et Nour dans leur fuite, toujours incertaine, toujours proche de sombrer dans la mort.

Si les hommes se sont ensauvagés – il y a des peintures hallucinantes de leur folie, comme celle de ce prêtre fou entouré de cadavres – les animaux, eux, ont plutôt tiré profit de ce nouvel état de choses. Et la nature reprend parfois ses droits, à travers les terres calcinées des plantes recommencent à pousser et l’on sent là une force vitale semblable à celle du chêne où Léo vient au début puiser énergie et réconfort.

Il y a aussi des ilots curieusement protégés, comme cette cabane perdue au milieu des bois où se sont réfugiés, après avoir été laissés pour morts, Suzanne et son fils, magiquement beau et paralysé – mais il n’y a pas d’avenir pour eux deux. Ou comme cette communauté, la Cécilia, qui ressemble à ces communautés anarchistes que l’on a connues à une tout autre époque.

« Demain »

Cette route semble ne jamais arriver à son terme ; et si le but poursuivi est de tuer ceux qui ont violé Clara, il faudra d’autres péripéties pour qu’enfin tous, mais dans quel état ? puissent échapper à l’horreur qui règne partout.

Parce qu’il faut bien arriver quelque part, qu’il y ait un lieu où l’on puisse encore vivre, enfin vivre. La désespérance n’est pas totale, le dernier mot du livre est « demain ». Il y a encore des enfants qui s’aimeront et d’autres qui naitront de leur amour – là-bas vers quelque montagne.

Jamais l’écriture de Le Corre n’a été aussi forte. Et elle ne se complait pas dans l’horreur mais sait décrire avec bonheur le calme soudain d’une nature qui recèle encore en elle des forces insoupçonnées, les jeux de la lumière qui viennent faire oublier les ténèbres qui partout dominent. Il faut absolument lire Qui après nous vivrez.


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