La cour de l’école élémentaire Carle-Vernet est en effervescence ce mardi 9 avril. L’équipe municipale vient présenter le défi « 10 jours sans écrans », entamé seulement le jeudi 4 avril en raison d’une grève. Comme le résume le maire Pierre Hurmic, le principe est de « proposer à tous, enfants et parents, de diminuer ensemble leur temps d’écran ».
Jusqu’à jeudi 11 avril, près de 5 000 élèves de 40 écoles s’y sont attelés. Les deux premières éditions avaient réuni 22 écoles en 2022, et 35 en 2023.
Retours positifs
Bon nombre d’experts s’accordent sur un point : la surexposition aux écrans aurait des effets néfastes sur le sommeil. Il est particulièrement déconseillé d’y exposer les plus jeunes, en raison de potentiels impacts sur le développement cognitif. À ce titre, la mairie de Bordeaux mène aussi une campagne « 0/2 ans, Zéro écran » depuis 2022. L’idée du défi « 10 jours sans écrans » est de remplacer le temps passé devant la télévision ou la tablette par du temps en famille, des jeux, des sorties.
Au cours des deux éditions précédentes, les retours positifs ont convaincu de la pertinence du dispositif. En 2022, 85% des enfants interrogés (ou via les parents) assuraient avoir passé plus de temps à jouer et discuter avec leur famille, et 40% considéraient avoir mieux dormi.
Lors du bilan de l’édition 2023, 90% des parents interrogés ont dit constater un impact positif sur leur enfant et, deux mois plus tard, 75% enregistraient encore une baisse de consommation d’écran à la maison. Cette année, une visioconférence organisée en amont du lancement a réuni 112 parents. En 2023, ils n’étaient que 40.
Des points à gagner
Pour motiver les troupes, un carnet de bord a été distribué à tous les enfants. À l’intérieur, la grille de points que les élèves remplissaient eux-mêmes. Chaque fois qu’ils se passaient d’écrans sur cinq temps précis de la journée, ils gagnaient des points pour leur classe. Un point bonus pouvait être attribué s’ils réalisaient une activité proposée dans le carnet : coloriages, recettes de cuisine activités manuelles et mêmes sorties à faire en famille.
« C’est la nouveauté de cette année, détaille Sylvie Justome, adjointe au maire chargée de la santé. On a conçu ce carnet quartier par quartier pour donner des idées de sorties. On a fourni aux parents des ressources pour qu’ils accompagnent leurs enfants pendant ces 10 jours de défi. »
Mais pour l’adjointe, pas question que ça devienne une compétition. Les points ont été comptabilisés tous les jours en classe mais aucun classement n’est venu clôturer le défi.
Accompagner les parents
Le but n’est pas de faire « la guerre aux écrans ». Pour Cindy Linares, infirmière scolaire sur le secteur, c’est plutôt « d’aider à conscientiser la consommation, la réguler et l’accompagner ».
« La prévention en santé scolaire, on la fait au quotidien dans les familles, assure Marie Decroix, médecin généraliste et chef du service de santé scolaire à la ville de Bordeaux. On travaille beaucoup avec les parents et le défi c’est qu’ils en prennent conscience eux aussi. »
Toujours dans cette idée, les lieux d’accueil enfants-parents (LAEP) s’inscrivent dans cette dynamique de partage familial.
« On voulait rappeler cette alternative aux parents et dire que, plutôt que les écrans, il est possible de se rencontrer, venir partager du temps ensemble », explique Laurence Renaud, responsable des dix LAEP de la ville, venue mettre en lumière ce service.
Ces lieux d’accueil de proximités pilotés par la mairie, « garantis sans écrans », sont ouverts à tour de rôle dans les quartiers de la ville.
Un challenge qui motive
Le défi « 10 jours sans écrans », Marion l’a relevé avec son petit garçon de 6 ans. « On n’a pas de télé à la maison donc c’est assez facile », reconnaît-elle. La seule exception, c’est le dimanche.
« On a un rituel du dimanche soir : soit on regarde un film tous ensemble au vidéo-projecteur, soit, si on est occupé, il a le droit de regarder quelques dessins animés sur la tablette ».
De son côté, Amélie se réjouit de l’aspect ludique de ce défi qui a motivé son fils de 7 ans. « Ça se passe plutôt bien, le côté challenge l’amuse beaucoup », confie-t-elle. Mais pas de « changement fondamental dans le comportement, ajoute-t-elle, il a droit à trois heures d’écrans par semaine à peu près, pas plus, mais je suis contente qu’il se soit plié au jeu ».
Un constat similaire pour Nora, présidente de l’association des parents d’élèves Carles-Vernet. Son fils, Sacha, est en CE1. À la maison, c’est « oui pour les dessins animés et la switch, toujours avec un utilisation raisonnable » :
« Peut-être que 10 jours c’est trop juste pour observer des changements, s’interroge-t-elle, d’autant que le défi n’a commencé que deux jours après [pour cause de grève, NDLR]. Mais j’ai bien conscience que si on veut limiter son temps d’écran, il faut que nous, en tant que parents, on prenne le temps de faire un jeu ou une activité avec son enfant. »
Au vu de l’engouement, ce défi a vocation à être renouvelé. La mairie va s’appuyer sur la « mutualisation de l’expérience ». Chaque quartier de la ville compte une école référente en la matière : de quoi permettre l’élargissement du dispositif à l’ensemble des écoles de la ville, souhait formulé par la directrice académique, Anne Bisagni-Faure.
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