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Un sans-abri tué lors d’une bagarre au camp du quai Deschamps : « Nous sommes trop nombreux ici »

L’homme est décédé dans la nuit de mardi à mercredi. L’agresseur présumé, qui a lui-même alerté la police, a été placé en garde à vue. Alors qu’un diagnostic social est réalisé en vue de la « résorption » du camp en septembre, l’association La Maraude du Cœur, à l’origine de la création de l’aire d’accueil, pointe la promiscuité du lieu où plus d’une cinquantaine de personnes y vivent.

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Un sans-abri tué lors d’une bagarre au camp du quai Deschamps : « Nous sommes trop nombreux ici »
Sur l’aire d’accueil quai Deschamps

Dans la rue, il se faisait appeler Frédéric. Depuis environ un mois, l’homme de 50 ans vivait sur l’aire d’accueil quai Deschamps. Dans la nuit de mardi à mercredi, il a été tué à l’entrée du campement, au cours d’une bagarre, comme l’a révélé Sud Ouest. L’agresseur présumé, âgé de 36 ans, a lui-même alerté les secours et reconnu les faits. Il affirme avoir porté un coup à la tête de la victime avec une pioche. L’objet n’a pas été retrouvé par la police.

Si les circonstances ne sont pas encore clairement établies, elles sont sans doute liées à une « rixe sur fond d’alcool », indique le parquet de Bordeaux. Ce dernier devrait probablement ouvrir une information judiciaire à l’issue de l’enquête pour homicide volontaire.

« Je craignais un drame »

Au surlendemain des faits, sur le campement, rares sont les occupants à pouvoir parler de la victime. « Il est arrivé ici depuis peu », décrit un bénéficiaire de l’aire d’accueil :

« Il m’a raconté qu’il venait d’Agadir au Maroc et avait trois enfants. Il avait l’habitude de faire la manche en haut de la rue Sainte-Catherine, vers le Grand Théâtre. Il ne parlait presque pas, écoutait sa radio. Le soir où ça s’est passé, il y a eu une embrouille. C’est parti de presque rien. J’ai entendu les coups de pioche. Une personne du camp a essayé de le réanimer en faisant un massage cardiaque. »

« Nous sommes trop nombreux ici, il y a des histoires tous les jours », concède enfin celui-ci. Dans le cadre du « plan de résorption », entamé depuis plusieurs semaines, les sans-abri vivant le long du parc aux Angéliques ont été rassemblés dans la seule « zone autorisée », l’aire d’accueil. Des barrières métalliques délimitent le terrain.

Une promiscuité que dénonce Estelle Morizot, fondatrice de La Maraude du Coeur, association à l’origine de la création du camp en 2020. Partagée entre « colère et tristesse », elle pointe l’inertie de l’État en matière d’hébergement d’urgence.

« Faire l’autruche »

« En un mois, ils sont passés d’une dizaine à une cinquantaine, poursuit la bénévole. Le fait d’entasser les personnes, ça génère forcément des conflits. Je craignais un drame et c’est arrivé. Quand est-ce qu’on va enfin ouvrir des places adaptées en nombre suffisant ? Se servir des expériences de terrain des associations ? Il faut arrêter de faire l’autruche. »

Ce jeudi, cela fera 4 ans qu’une jeune sans-abri de 18 ans est décédée rue Sainte-Catherine. C’était le 18 juillet 2020, le corps sans vie de Margot avait été retrouvé aux abords de la Fnac. Un hommage lui sera rendu dans la soirée par La Maraude du Coeur :

« Chaque fois que mon téléphone sonne, je suis en panique. J’ai peur de décrocher. Quand on m’a appelée mercredi tôt, mes jambes ont lâché. Ça fait des semaines que j’alerte sur les conditions de vie au camp. L’été, les services tournent au ralenti, je doute que des solutions soient trouvées pour chacun d’ici septembre », craint Estelle Morizot.

Quai Deschamps, l’identité de la victime, qui n’avait pas de papier sur elle, n’a pu encore être établie par les services de police. Une cellule psychologique a été mise en place à la halte de jour, à Stalingrad.


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