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Johann Le Guillerm fait son cirque au Festival des arts de Bordeaux

Le Festival international des arts de Bordeaux Métropole démarre ce samedi 28 septembre. L’invité de l’édition 2024 est Johann Le Guillerm, artiste français issu du cirque, devenu chercheur et explorateur.

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Johann Le Guillerm fait son cirque au Festival des arts de Bordeaux
Johann Le Guillerm dans les jardins de l’hôtel de ville pour l’installation de La Motte

Définir Johann Le Guillerm n’est pas une mince affaire. Sur les biographies en ligne, il est présenté comme « venu » du cirque : jongleur, équilibriste, clown, funambule, cavalier, créateur, chercheur, manipulateur d’objets… Il est appelé « le Léonard de Vinci » ou « le Pape » du cirque contemporain après un passage par la compagnie Archaos et le grand prix national du cirque en 1996.

Au début des années 2000, il fait un tour du monde et revient pour la mise en place de son projet Attraction, vaste laboratoire de recherche autour des pratiques minoritaires – celles jamais vues ou jamais faites – dans ce qu’il appelle l’espace des points de vue.

Il est l’invité d’honneur de l’édition 2024 du Festival international des arts de Bordeaux Métropole qui se tient du 28 septembre jusqu’au 13 octobre. Il signe l’ouverture du festival avec une performance-installation, La Transumante, le 29 septembre de 10h30 à 18h, de la place de la Bourse au Miroir d’eau à Bordeaux.

Les Architextures par Johann Le Guillerm Photo : DR

Le cirque est « une situation ouverte à tout et n’importe quoi »

Vous êtes issu des arts du cirque et votre production devient de plus en plus pluri-disciplinaire. Est ce l’illustration de vos propos : « Le mot cirque n’a plus de sens » ?

Les mots sont faits pour nommer les choses et avec ce mot cirque, on nomme des choses qui n’ont, à mon sens, rien à voir avec le cirque. Et même, tout le monde se fout un peu de ce que c’est que le cirque. Ce qui est important, c’est l’imagerie collective qui commence vraiment à s’installer dans l’univers du cirque. Le mot l’enferme dans une toute petite boîte que je ne trouve pas très intéressante.

Quel genre de boîte ?

Cette petite boîte, c’est l’identification du cirque comme étant lié aux pratiques traditionnelles circassiennes, en occultant tout le reste. Et tout le reste, c’est quand même l’essentiel, à mon avis. C’est une liste ! Alors que le cirque n’est pas une liste, c’est une situation ouverte à tout et n’importe quoi.

Pour moi, c’est d’abord l’espace, l’espace des points de vue. Le cirque est conditionné par cet espace, où le public est autour du focus, contrairement aux scènes frontales où il est interdit d’aller à l’arrière. L’intérieur de cet espace est l’architecture naturelle d’un attroupement.

Il est dédié à l’ensemble des pratiques minoritaires parce que ces pratiques minoritaires ont la capacité de créer l’attroupement même s’il n’était pas organisé. Parce que l’homme est curieux et que autour d’une chose qu’il n’a pas l’habitude de voir, il se crée une attraction et le phénomène d’architecture naturelle de l’attroupement.

Qu’on peut assimiler à une performance ?

La performance peut avoir une attirance et créer l’attroupement. Mais l’inconnu, la chose rare, suffit à créer l’attroupement. A l’époque où personne ne savait compter quelqu’un qui aurait dit que 1+1 font 2, ça aurait fait attraction.

Un cirque mental

Vous avez débuté avec un travail qui nécessitait un engagement physique important. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Je fais toujours des choses physiques. Je fais aussi des tas de choses qui ne requièrent pas du physique, mais de la pratique minoritaire. C’est-à-dire quelque chose qui ne se fait pas, qu’on a peu l’habitude de voir. Par exemple j’ai un numéro de calligraphie qui n’est absolument pas physique.

Souvent les pratiques physiques existent au cirque parce qu’elles sont peu pratiquées ailleurs, parce qu’en général elles ne servent à rien. Il n’y a pas de corps de métier où on se suspend au bout d’un trapèze, parce que c’est dangereux et que ça ne vaut pas le coup. Il n’y a pas de corps de métier où on jette des objets en l’air pour les rattraper. Tout ce qu’on voit au cirque sont des choses inexploitées et si elles étaient exploitées elles n’auraient pas leur intérêt au cirque.

Aujourd’hui, j’affirme que le cirque n’est pas qu’une affaire de physique, il peut y avoir un cirque mental.

De quoi il s’agit ?

Ce que je propose à Saint-Rémi, avec Les Imaginographes (du 28 septembre au 3 novembre), une forme de cirque mental où le cirque et la pratique minoritaire se passe dans l’expérimentation des choses. Mais à la fin, la déstabilisation qui est liée au cirque, se passe à l’intérieur. Le cirque apporte des repères nouveaux aux repères installés, des choses qu’on n’a pas l’habitude de voir. Des choses impossibles et on prouve qu’elles sont possibles.

Ce qui modifie le champ des possibles et crée une déstabilisation, ou un besoin de restabiliser toute sa connaissance à partir d’une nouvelle connaissance qui s’installe dans ses connaissances assises. Et cette nouvelle connaissance a la capacité de demander un ajustement qui peut éventuellement changer une petite chose un peu partout.

Le Pas grand chose par Johann Le Guillerm Photo : DR

« Le chercheur est un idiot »

Vous travaillez comme un chercheur ?

C’est de l’expérimental et je cherche justement ce que l’on ne connaît pas pour le présenter. C’est mon métier aussi d’apporter ce que l’on n’a pas l’habitude de voir. Des choses qui ont la capacité de créer l’attroupement.

C’est ce qui explique que si une expérience est menée par quelqu’un d’autre, vous la laissez tomber ?

Oui, je fais d’abord des recherches pour savoir si une idée n’a pas été étudiée. Si oui, ça m’intéresse moins du coup. Parce que si la piste que je prends a déjà eu un sillon creusé, je risque de mettre un pied dedans et de suivre ce sillon. Ce n’est pas ce qui m’intéresse. Je préfère aller chercher des inconnus où je suis un explorateur.

Un chercheur ne sait pas toujours ce qu’il cherche et l’expérience, par définition, peut être une réussite ou un échec.

Les deux me vont bien. Le principe est toujours de réussir. Mais l’échec fait partie de la réussite, si ça ne marche pas, je sais que ça ne marche pas. Je fais un autre essai qui va peut-être marcher ou pas marcher, et comme ça on avance petit à petit.

Il ne faut surtout pas savoir ce qu’on cherche, sinon on ne cherche pas. Je dis, le chercheur doit être idiot, est un idiot, d’abord. S’il savait, il ne chercherait pas.

Spectacle en mutation

Vous faites des spectacles-concepts, sur des dizaines, voire des quinzaines d’années. Pouvez-vous nous expliquer le processus ?

Prenons l’exemple de Terces (les 7, 8, 10, 11, 12 octobre à La CitéCirque à Bègles). Ce spectacle sous chapiteau et sur piste que je présente à Bègles en est à sa troisième mutation. A chaque fois qu’il y a une nouvelle représentation, il y a la moitié du spectacle qui est totalement renouvelée, avec des nouveaux numéros qui n’ont jamais existé jusqu’à là. Je garde un quart de chaque version.

C’est toujours une banque qui grossit et qui, à chaque nouvelle création, permet de réarticuler des choses existantes avec des choses qui n’existaient pas. Un renouvellement se fait sans être total. Comme on repasse à peu près tous les 10 ans là où on est déjà passé, il y a des personnes du public qui se rappellent des choses qu’ils ont vues il y a 10 ans, ou il y a 20 ans, qui se mettent en dialogue avec des choses qu’ils n’ont jamais vues. Ce qui s’articule avec leur souvenir, qui n’est jamais la réalité de ce qu’on a vu.

Le titre même évolue avec la mutation du spectacle. Il s’est appelé Secret, et aujourd’hui il s’appelle Terces, qui est un anagramme. Il existe une quatrième mutation mais le titre je n’en parle pour l’instant.

Terces par Johann Le Guillerm Photo : DR

Vous êtes l’invité d’honneur du FAB où vous présentez plusieurs aspects de votre travail.

Dans mon projet Attraction, plus on voit de choses, et plus il y a de liens qui se font entre les œuvres, et plus une œuvre a la capacité de changer toutes les autres vues avant. Il y a des complémentarités qu’on découvre.

Même si chaque œuvre se suffit, dès qu’on va voir une deuxième, elle va forcément changer celle qu’on a vue avant, parce qu’elle va la compléter ou la changer.

Le programme 2024 et plus d’infos sur le site du FAB


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