après l’école des beaux-arts, début 80, c’est d’abord le cinéma, le charme discret de la bourgeoisie ; la musique, la basse la base, le jazz mais aussi toutes formes esthétiques, l’architecture, les belles choses ; et puisqu’il faut bien vivre, les affaires et des affaires il en créera
les bars, pour commencer, à chaque âge ses plaisirs ; comme tout homme intelligent il sait qu’il a besoin des autres et de leurs compétences, il sait très bien s’entourer ;
au début il y a le Salon Jaune, cinéma d’art & d’essai, évidemment, bar de nuit élégant, musique pointue, dj avant même l’invention du mot, il y passe ses disques, Rocky physio efficace et discret comme son employeur, baskets autorisées ; des bars, il y en aura une flopée, Aviatic Café, Trompette de Montauban, écrins minuscules de nos soirées endiablées, et tant d’autres…
esthète, personnage discret, doux il n’hésitera jamais à mettre la main à la pâte, derrière son comptoir, il nage dans le bonheur, commerçant aguerri, il sait parfaitement mettre ses clients à l’aise, dans un décor choisit avec grand soin, dans cette fin des 70-80 ou l’individualisme nait en maître, il crée du lien, il donne son âme à ses lieux ;
au fur et à mesure malgré son maladif besoin de discrétion, chaque création est un événement bordelais, parfois confidentiel, mais tellement chic, Le Cercle, d’autres festif et balnéaire, au Cap Ferret à L’Horizon, au loin, le rayon vert ;
dans les années 90 il se développe de plus en plus, toujours avec classe, il ne révolutionne plus les lieux il les sublime, le Paris-Pékin, ancien resto chinois transformé de main de maître en haut lieux de la nuit bordelaise, s’y succéderont la fine fleur en herbe des futurs Dj bordelais et d’ailleurs (Malek Menekbi, David Walters, etc…) un club en plein Bordeaux, les portes grandes ouvertes ; il ira même jusqu’à la démesure au Lollapalooza sur le quai de Paludate, livrés à la nuit par la municipalité, le flair, toujours le flair ;
l’an 2000, l’âge venant, le roi de la nuit, se tourne doucement mais sûrement vers la restauration, là aussi dans les bons coups et dans la sélection draconienne de ses affaires ; Colum [son associé, NDLR] apparu à cette époque, encore plus discret que lui ;
le premier coup de maître, la reprise du Café des Arts, institution bordelaise à la dérive depuis la mort de leur charismatique et révolutionnaire propriétaire ;
bijou des années 30 devenu haut lieu de l’anarcho-gauchisme vers 68, non sans faire grincer les dents des grincheux, qui n’avait pas compris à qui ils avaient à faire ; tout bordeaux l’attendait au tournant, il les a retourné et mis dans sa poche ; le café lui même n’en revenait pas, il retrouva son lustre, bien sûr on ne pouvait plus manger les 70 plats en boites que l’on trouvait sur l’ancienne carte, mais le poulet du dimanche était devenu fermier (toujours la recherche de la qualité, sa marque de fabrique) et l’entrecôte je ne vous en parle même pas, bien sûr les prix avaient un peu bougés la clientèle aussi, moins junky et plus artie ;
s’en suivit un série de grands cafés, restaurants brasseries, toujours sensible au 7e art il était comme un gamin lorsqu’on lui proposa le café du cinéma L’Utopia, un retour inattendu à l’art et l’essai ; associé à un brasseur et un torréfacteur, il développa le concept jusque dans les Fnac, Galeries Lafayette, et autres foires expos, en inventant la « PRAVDA » une bière aux accents rocailleux, il n’hésita pas à envoyer une dizaine de têtes chercheuses à Moscou et Saint-Pétersbourg, pour s’imprégner de la culture locale, aux frais de la princesse ;
cela à été la période mégalomane du personnage, le Café du Port ancien garage à bagnoles transformé en immense brasserie au fil de l’eau, l’occasion de passer son permis bateau ; la Brasserie du Grand Théâtre au Top avant « le chef », le Café du Jardin Public plus snobinard que jamais ; toujours à l’affut, il fut aussi un des premiers à sentir le vent des bassins à flots, avec le Café Maritime et la Dame de Shangaï ; fier comme artaban il racheta la maison Jehger pour chapeauter tout ça, plus bordeluche tu meurs ;
très tôt passionné de culture et de voyages, il ira aussi en chine pour y trouver l’inspiration et en ramener du savoir faire et de l’art comme toujours ;
il semble que plus rien ne l’arrête… que la maladie.
un bruit court dans bordeaux comme une trainée de poudre : « Jean Do est malade » ;
discret comme à son habitude, personne n’en sait plus, mais tout le monde en parle ;
une carrière stoppée net à la fleur de l’âge ;
les hordes d’amis de la belle époque se font de plus en plus rare, l’étoile de nos nuits et de nos assiettes ne brille plus de la même façon, peu à peu oublié, seul avec Simone, Géraldine et Lili la maladie en nos jours aseptisés, fait peur ;
il s’éteint dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre à 3h30, en famille au bord du bassin à flots juste à côté de la Dame de Shangaï qui pleure ce soir seule sur les quais de Bordeaux, sa ville
à bientôt Jean Do, on arrive pour continuer la fête
La présentation du texte, sans majuscule et sans points, est une volonté de l’auteur : charles barrière est diplômé en architecture, artiste-peintre, guitariste et compositeur des SNOC.
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