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Pour ne pas laisser des enfants à la rue, des parents d’élèves occupent une école de Bordeaux

Épuisés d’assurer l’hébergement de familles à la rue et des enfants scolarisés avec les leurs, des parents d’élèves tirent la sonnette d’alarme et annoncent l’occupation d’une école dans le centre de Bordeaux pour héberger une mère et ses deux enfants. Dans ce secteur, un écolier sur 5 est selon eux sans domicile.

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Pour ne pas laisser des enfants à la rue, des parents d’élèves occupent une école de Bordeaux

Des parents d’enfants scolarisés à l’école Barbey, à celle des Menuts et à l’école Pas-Saint-Georges, se mobilisent pour mettre à l’abri des familles à la rue. Chaque collectif œuvrait de son côté. Depuis la rentrée, ils se sont réunis pour échanger leurs expériences et trouver des solutions.

Une vingtaine d’entre eux dialoguent désormais dans un groupe WhatsApp autour d’un même sujet : comment venir en aide aux familles à la rue dont les enfants sont scolarisés dans les mêmes écoles que les leurs.

Certains offrent le gîte quelques jours, d’autres lancent des cagnottes pour payer des nuits d’hôtels… Mais désormais épuisés « face à cette situation inacceptable », ils ont décidé d’occuper l’école maternelle Pas-Saint-Georges à partir de ce mercredi 9 octobre à 18h30.

« Dans les écoles de ce secteur, un enfant sur cinq n’a pas de domicile fixe. Les associations de parents d’élèves se mobilisent depuis le début de l’année pour empêcher par tous les moyens qu’une famille ne dorme dans la rue […] Nous demandons que l’État prenne ses responsabilités et se montre à la hauteur de ses engagements », écrivent dans leur appel le collectif des parents d’élèves des écoles Pas-Saint-Georges (18 rue du Serpolet) et Vieux Bordeaux (rue Dieu)

« Comment peut-on être indifférent ? »

« On emmène nos enfants tous les matins. On les croise. Nos enfants sont dans la même classe. Et un matin, on nous dit cette famille a besoin d’aide. Comment peut-on être indifférent ? » explique Hélène.

Cette mère d’une fille à l’école Barbey et 4 autres familles hébergent à tour de rôle une jeune maman géorgienne, Anna* (*pseudonyme) et ses deux enfants, sans domicile fixe. Ce vendredi, elle les accueille pour le début de sa « quinzaine » :

« Ma fille avait sa copine qui pleurait parce qu’elle n’avait pas de maison. Elle voyait donc cette situation avec ses yeux de huit ans. Au point qu’elle a eu énormément d’angoisses que ça nous arrive. On en a parlé et on lui a expliqué. Maintenant qu’elle sait qu’ils vont venir dormir chez nous, elle s’est mise à nous aider, à ranger des affaires. »

Avec sa fille et son mari, Hélène, employée dans un service de communication, occupe un appartement de 70 m2, où elle a préparé une chambre pour accueillir ses hôtes :

« Je connais cette famille depuis 5 ans, mais j’avoue que je ne sais pas quoi faire, je suis un peu inquiète. On supplée les services de l’Etat, défaillants sur ces sujets, mais je ne suis pas formée pour ça. Je ne fais plus que ça aujourd’hui. Je me renseigne, je remplis des dossiers pour les aides… »

Vendredi, les nombreux appels de cette mère géorgienne vers le 115, sans succès Photo : WS/Rue89 Bordeaux

Trouver les mots justes

« Ça devient un job à temps plein », renchérit de son côté Quentin, parent d’enfants scolarisés à l’école Cazemajor. Cet enseignant, inscrit au programme Welcome de Jesuit Rescue Services, a déjà accueilli avec sa compagne et ses deux enfants beaucoup de migrants ou réfugiés. Ils ont ouvert leur porte à Anna le jour « quand elle devait quitter l’hébergement de nuit ».

« Il y a beaucoup de frustration vis-à-vis de l’impossibilité d’aider ces gens au-delà de l’aide d’urgence, de l’aide humanitaire. C’est très important bien sûr d’agir sur le moment, mais on a l’impression que c’est extrêmement difficile de résoudre le problème sur le long terme, ce qui est quand même notre but. »

Comme beaucoup de familles solidaires, ils se sont plongés dans l’univers de l’accompagnement et ont essayé de « comprendre quelle était la législation ».

« C’est pesant. Il faut apprendre un millier d’acronymes pour commencer à avoir une petite idée de comment ça marche. C’est à l’Etat de poser des solutions. Mais on n’a pas envie que les camarades de classe de nos enfants ou les amis de nos enfants dorment à la rue. Après, il faut trouver aussi les mots justes pour ne pas rendre nos enfants hyper stressés. »

À bout

Johanna, mère d’enfants scolarisés à l’école Pas-Saint-Georges, insiste : « Accueillir des gens chez nous n’est pas une solution. » Avec d’autres parents en 2023, elle a logé une mère isolée avec un enfant :

« Ça pose beaucoup de questions. Il faut être d’accord dans son couple pour partager le logement avec quelqu’un qu’on ne connait pas ou même laisser complètement son appartement comme ça a été le cas pour moi aux vacances de la Toussaint. Je trouvais ça horrible de me dire que mon appartement était vide alors qu’une maman et son enfant allaient dormir dehors. »

Une solution provisoire, relayée par la suite par une autre initiative.

« On a fait une sorte de lever de fonds pendant la kermesse de l’école en fin d’année, poursuit Johanna. On a réuni 600 euros, qui ont été complétés ensuite de 750 euros par la Fondation Abbé Pierre. On leur a payé des nuits d’hôtel. Depuis ce début septembre, ça recommence. On loge une nouvelle famille albanaise de quatre personnes [un couple avec enfants de 3 et 9 ans] dans une auberge de jeunesse. Mais l’argent récolté fond comme neige au soleil. »

Ce mercredi, la réserve arrive à bout. Le collectif décide alors d’occuper l’école du Pas-Saint-Georges pour loger cette « famille en détresse totale ».

La mairie sollicitée

« Depuis la rentrée, de nombreuses familles et parents d’élèves se mobilisent pour venir en aide et accompagner ces familles, en multipliant les initiatives de solidarité. Cependant, à court de solutions, nous avons décidé de nous unir pour solliciter l’appui des équipes municipales, afin qu’ensemble nous trouvions des réponses à cette situation dramatique », peut-on lire dans un courrier adressé à la mairie de Bordeaux début octobre.

Signé par le collectif des parents d’élèves de Barbey, il demande à Pierre Hurmic « de bien vouloir user de [son] autorité et de [ses] compétences pour prioriser cette crise humanitaire » et « que des mesures d’urgence soient prises afin de reloger ces familles, de garantir un toit à ces enfants, et de restaurer un minimum de dignité et de sécurité dans leur quotidien ».

Le collectif a sollicité une rencontre avec l’équipe municipale. Un rendez-vous leur a été accordé mardi 15 octobre.


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