Une drôle de cérémonie s’est tenue ce samedi midi devant le Grand Théâtre. La Cimade a déroulé son tapis rouge aux préfectures de la région dans une remise des prix qui dénonce leurs « pratiques illégales ou abusives » à l’égard des personnes étrangères dans les centres de rétention administrative (CRA), dont on fête les 40 ans d’existence en 2024.
« On l’avait déjà fait en 2016 devant la préfecture, mais là on a préféré le faire ici pour toucher plus de monde, explique Nathalie Dugravier, bénévole à la Cimade. L’objectif c’est de sensibiliser les gens par l’humour, parce qu’on organise souvent des conférences, des tables rondes ou des échanges mais c’est toujours très glauque puisque le sujet est quand même très dur. »
Les préfectures « les plus zélées »
Sur les coups de 12h05, Agnès Roussel et Germinal Climent sont les premiers à fouler le tapis rouge sous les applaudissements : désignés maître et maîtresse de ces Charter [un anglicisme désignant un vol affrété, NDLR] Awards, ils prennent place derrière leur pupitre.
« Cette cérémonie vient récompenser les préfectures les plus zélées en matière d’enfermement et d’expulsion des personnes étrangères, commence Agnès Roussel. Difficile de tirer son épingle du jeu quand tant de préfectures ont su faire preuve d’inventivité, mais certaines préfectures de Nouvelle-Aquitaine se sont faites particulièrement remarquer puisque l’on m’informe que trois prix seront remis aujourd’hui ! »
La préfecture de la Vienne ouvre le bal : elle remporte le prix « Maman, je n’ai pas raté l’avion » pour avoir « enfermé, expulsé et séparé de sa famille un jeune garçon malade », un sujet évoqué par Rue89 Bordeaux en mai dernier. Ensuite, au tour de la Corrèze de se voir décerner le prix « Sans toit ni loi » pour avoir « enfermé un mineur isolé alors qu’il cherchait un foyer ».
La Gironde marque contre son camp
L’ultime prix, et le plus cocasse, celui du « But contre son camp », revient à la préfecture de la Gironde pour avoir « enfermé et tenté d’expulser un français », commente Germinal Climent, déclenchant des rires dans l’assemblée. Cette histoire, c’est celle de Joseph* (*pseudonyme), qui, lors d’un arrêt en gare Saint-Jean et alors qu’il est l’unique passager noir de son wagon, est le seul contrôlé par la police aux frontières :
« Français et né de parents français, il présente un document d’Etat civil ; mais un papier présenté par un noir ne peut être qu’un faux, ironise Germinal Climent. Au bout de 48h de garde à vue, Joseph est écroué pour faux et usage de faux. Deux mois plus tard, un juge craque et ordonne sa libération au motif que sa culpabilité n’a pas été démontrée. Transféré au CRA, après 45 jours de rétention et faute de preuves, Joseph sera libéré. »
La cérémonie s’achève par une photo de groupe : Daniele Accorsi, bénévole de l’association et préfet du jour, pose avec l’ensemble de l’équipe. Cette action de sensibilisation prenait place dans plusieurs autres villes de l’hexagone avant une cérémonie nationale à Paris le mercredi 27 novembre prochain. Le chroniqueur et humoriste Guillaume Meurice en sera le maître de cérémonie.
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