C’est une victoire pour Mémoires et Partages. Après 4 ans de procédure judiciaire et le rejet du recours par le tribunal administratif de Pau, l’affaire a été portée devant la cour administrative d’appel de Bordeaux, qui a donné raison à l’association.
Lors de l’audience du 16 janvier 2025, le rapporteur public avait émis des conclusions sans appel, jugeant l’appellation de « La Négresse » attribuée à un quartier de Biarritz depuis le XIXe siècle, comme étant « sexiste et raciste ». Les magistrats ont donc suivi la position du ministère public.
« De nature à porter atteinte à la dignité de la personne humaine »
Qu’importe l’origine réelle ou supposée de cette appellation, de même que son caractère historique revendiqué par la municipalité de Biarritz : la cour administrative d’appel de Bordeaux a estimé que le terme « La Négresse » évoque « de façon dévalorisante, l’origine raciale d’une femme dont l’identité n’a d’ailleurs pas été formellement identifiée ». Une dimension qui, aujourd’hui, affecte à la fois les personnes et l’espace public :
« Ce terme est ainsi de nature à porter atteinte à la dignité de la personne humaine et peut être perçu par la population, qu’elle soit résidente ou de passage, comme comportant un caractère offensant à l’égard des personnes d’origine africaine », détaille le communiqué de presse de la cour administrative d’appel de Bordeaux.
Une décision saluée par Clarisse Gomis, secrétaire générale de l’association Mémoires et Partages :
« Pour moi, femme noire, c’est une très bonne nouvelle […] Lorsque je me rendais à Biarritz, je le vivais comme une violence, mais nous devions faire preuve de pédagogie avec les habitants. Une pédagogie qui a été longue mais qui a finalement payé. »
« Une décision historique »
Aux portes de l’Hôtel Nairac – édifié par l’une des plus importantes familles négrières bordelaises – qui abrite le tribunal administratif d’appel, une dizaine de militants étaient présents pour fêter le verdict rendu par les magistrats, aux côtés du président de l’association Patrick Serres, de sa secrétaire générale Clarisse Gomis et de son fondateur, Karfa Diallo. Galéry Gourret, ancien conseiller municipal de la Ville de Biarritz qui a initié cette remise en question depuis 2008, est également venu afficher son soutien.
« C’est une décision historique, car elle rétablit cette femme dans sa dignité, dans son honneur, déclare Karfa Diallo. Ce recours qui, aujourd’hui, connaît un revirement judiciaire, va faire jurisprudence et permettre véritablement à toutes celles et ceux qui sont martyrisés, parce qu’ils sont des minorités, de savoir que le droit peut être de leur côté, et que le droit peut être restauré. »
Soulignant une volonté de « réparation », le conseiller régional écologiste de la Nouvelle-Aquitaine et fondateur de Mémoires et Partages explique que « la main est toujours tendue » vers la municipalité de Biarritz.
Retour à Harausta ?
Attribué à un quartier et à une voie de Biarritz par une délibération municipale datant du 22 octobre 1861 et du 1er juillet 1986, le nom de « La Négresse » aurait été donné « en hommage » à une esclave noire qui travaillait dans une taverne du quartier, ainsi surnommée par des soldats napoléoniens au XIXe siècle.
Karfa Diallo « espère que le quartier retrouve son nom originel basque », Harausta, et ouvre également la porte aux propositions des Biarrots en faisant « confiance à leur intelligence et leur inventivité ». Le militant conclut en esquissant le prochain combat de l’association : demander à Vinci de changer le nom de sa barrière de péage « La Négresse », car elle dessert ce quartier.
La Ville de Biarritz, également condamnée à verser une somme de 1 500 € à l’association Mémoires et Partages, peut encore former un recours devant le Conseil d’État pour demander l’annulation de la décision. Cette procédure n’a pas d’effet suspensif et n’empêche donc pas l’exécution du verdict de la cour administrative d’appel. Seul le dépôt d’un référé-suspension pourrait suspendre la décision, le temps que le Conseil d’État se prononce sur le recours en cassation.
Sur BFMTV, Maider Arosteguy, maire les Républicains (LR) de Biarritz a souligné « regretter cette décision » et envisage de faire appel.
Chargement des commentaires…