Agité dans le box des accusés, il se perd dans son habituelle logorrhée. L’interrogatoire de Mounir Boutaa, au quatrième jour de son procès pour l’assassinat de Chahinez Daoud, se passe mal. L’accusé parle de lui à la troisième personne. « C’est pas Mounir le vaillant qui a fait ça, c’était un coup de folie », lance t-il. La présidente des assises, Marie-Noëlle Billaud, hausse le ton :
« Pendant les auditions, vous avez été tout à fait capable de comprendre les questions posées et d’y répondre. Faites de même aujourd’hui ou on s’arrête là. »
Depuis le début de son procès, Mounir Boutaa n’a de cesse de dénoncer un complot. Il s’estime victime d’une « association de malfaiteurs », en lien avec le supposé amant de son ex-femme. Une posture qui correspond à la personnalité paranoïaque diagnostiquée par les experts. Ces derniers rapportent une altération du discernement au moment des faits.
« Un narcissique puissance dix »
En Algérie, Mounir Boutaa connaît une enfance marquée par la violence et l’alcoolisme de son père. Il est le dernier d’une famille de 9 enfants. Il dit avoir été violé à 5 ans par un voisin, puis avoir subi une tentative de viol à 25 ans par un cousin.
L’accusé arrive en France en 1999. Peu de temps après, il se marie avec Séverine, sa première femme. Il est maçon et travaille sur divers chantiers. À la maison, il bat sa femme, se montre jaloux et possessif. En 2010, il est victime d’un accident du travail. Il est arrêté pendant un an. « Ma vie a chuté comme d’une falaise », confie t-il au docteur Paul Bonnan, expert psychiatre.
Mounir Boutaa consomme alors psychotropes et alcool, mais aussi drogues dures. Il prend du subutex, un médicament de substitution aux opiacés. À son égard, les experts sont unanimes sur la paranoïa. Sans raison, Mounir Boutaa pense qu’il est trompé. Le moindre fait du quotidien est sujet à une suspicion d’infidélité : une cigarette qui disparaît de son paquet, une infection vaginale de sa compagne…
À la barre, ce jeudi, il évoque le piratage de son téléphone par l’amant de son ex-femme. « Un paranoïaque est un narcissique puissance dix », vulgarise Patrice Le Normand, psychologue :
« Il a une pensée rigide, étanche à toutes explications alternatives. Il ne retient que les informations alimentant son système paranoïaque. Il fait preuve d’une méfiance soupçonneuse et pense percevoir des signes cachés. »
Inversion des positions
Mounir Boutaa présente une « jalousie pathologique », en lien avec un narcissisme poussé à l’extrême. Le jour des faits, il dit guetter l’amant de Chahinez. Conscient, mais enfoncé dans son délire, sa paranoïa le pousse à commettre le crime :
« Cette femme est le diable en personne. Elle agit en bande organisée pour me faire du mal », explique-t-il à l’expert psychologue.
Le bidon d’essence au-dessus d’elle avant de l’immoler, il n’attend qu’une seule chose : qu’elle lui dise « pardon ». Il incendie ensuite le domicile, pensant que l’amant s’y cache. Face au supplice de Chahinez, Mounir Boutaa ne montre aucune empathie ou compassion :
« Je voulais qu’elle souffre comme elle m’a fait souffrir. Je ne suis pas un criminel. »
Son passage à l’acte est pourtant méthodique et parfaitement organisé. « Il avait conscience de ce qu’il réalisait », précise le psychiatre Paul Bonnan. Il n’y a donc pas eu d’abolition du discernement (qui rend pénalement irresponsable un mis en cause). « Une injonction de soins peut être complémentaire à la sanction pénale », conclut l’expert :
« Pour autant, il est illusoire de penser qu’un traitement psychotique puisse aider. Il peut juste réduire l’impulsivité. C’est un trouble difficile à prendre en charge car la personne ne se considère pas comme malade, mais victime et objet de malveillances. »
« Figure emblématique »
À la fin de la journée, au moment des plaidoiries des parties civiles, la profil psychologique de Mounir Boutaa est mentionné. « C’est une figure emblématique des auteurs de violences conjugales », expose Maître Julien Plouton, avocat de la famille de Chahinez :
« La personnalité de l’accusé n’a rien d’exceptionnel. Le narcissisme, la paranoïa, la jalousie… La particularité avec Mounir Boutaa, c’est que ces traits sont poussés à l’extrême. »
Une altération du discernement réduit la peine d’un tiers. Dans le cas de Mounir Boutaa, qui encourt la réclusion criminelle à perpétuité pour assassinat, sa peine pourrait être abaissée à 30 ans.
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