« Si je voulais la tuer, je lui aurais explosé le cerveau avec un seul tir. »
Cette déclaration de Mounir Boutaa est tirée de ses auditions. Ce mardi 25 mars, au deuxième jour de son procès pour le féminicide de son ex-épouse Chahinez Daoud, des fonctionnaires de police ont témoigné. Le premier travaille au sein de la BAC. Il a participé à l’arrestation de l’accusé dans le quartier du Burck à Mérignac. Sa première impression ? Un acte « réfléchi et prémédité ». Aux policiers qui l’interpelle, Mounir Boutaa dit avoir eu une « mission à accomplir ».
Sur lui, deux briquets sont retrouvés. Sur l’un, un tissu blanc est noué, comme « pour faire une mèche ». D’autres éléments, exposés au cours de cette seconde journée d’audience, viennent corroborer l’hypothèse d’un crime pensé et préparé.
La traque
Quatre jours avant le drame, Mounir Boutaa achète une camionnette, une Renault Express de couleur blanche. Sur les vitres, il pose des cartons avec des petits œilletons de manière à voir l’extérieur sans être vu. Un matelas est disposé au sol. Le 4 mai 2021, grâce à l’exploitation de la téléphonie, les enquêteurs savent que l’homme est présent depuis 6h30 du matin devant la maison de Chahinez Daoud. Aux policiers, il est capable de détailler heure par heure les faits et gestes de son ex-épouse. Le jour des faits, les analyses toxicologiques sont négatives. Il n’a consommé ni alcool, ni stupéfiants.
Mounir Boutaa est persuadé que Chahinez Daoud entretient des relations extra-conjugales (faits que l’enquête ne confirme pas). Il veut « simplement lui faire peur », « la faire souffrir ». La jeune femme est harcelée. Il l’appelle, en moyenne, 200 fois par mois. En juin 2020, Chahinez Daoud dépose plainte. Mounir Boutaa l’a étranglée, au motif qu’elle portait un « jeans trop moulant ». « Que je reste avec lui ou pas, je suis morte », confie-t-elle à une amie.
Lors de l’audience, lorsque les images insoutenables du corps sont montrées à la cour, Mounir Boutaa, vêtu du même costume crème de la veille, ne bronche pas. Une partie de la famille de la victime quitte la salle. Lui, fixe l’écran où défilent les photographies de la scène de crime. Calme et impassible, tel que l’a décrit le directeur d’enquête.
« Elle aurait pu être sauvée »
Le docteur Larbi Benali, médecin légiste au CHU de Bordeaux, a procédé à la levée du corps et à l’autopsie. Sur sa tablette, l’expert montre un scanner réalisé post-mortem. Les deux tirs de fusil ont provoqué une double fracture des fémurs. Des blessures certes hémorragiques, mais non létales.
« Sans le processus de combustion, elle aurait pu être sauvée », déclare le médecin.
La victime est décédée d’une détresse respiratoire, asphyxiée. Le corps est brûlé à 85%, les brûlures sont du troisième et quatrième degré. « Sur une échelle de douleur comprise entre 0 et 7, la combustion c’est 7 », répond le spécialiste à la cour qui l’interroge sur la souffrance endurée par la jeune femme.
Larbi Benali balaye la thèse d’une action « opportuniste ». Les tirs au fusil visait à « neutraliser » la victime, puis à l’immoler alors qu’elle était encore en vie. Un « processus organisé de mise à mort » dont n’aurait pu se rendre capable une personne psychotique – présentant des troubles ou un état anormal de l’esprit –, selon le médecin.
« C’est mon corps, pas mon esprit »
Un constat qui fait bondir la défense. « Admettez que vous n’êtes pas psychiatre », interpelle Maître Elena Badescu, avocate de Mounir Boutaa. Elle argue la personnalité paranoïaque de son client. Depuis le début, celui-ci s’estime victime d’un complot.
« Avoir une personnalité paranoïaque ne fait pas de vous une personne psychotique. En 25 ans de métier, je n’ai jamais vu un psychotique aussi méticuleux et pertinent dans le choix du mécanisme létal. Mais bien sûr, dans une cour d’assises, rien n’est impossible », précise le médecin légiste.
À la fin de la journée d’audience, Marie-Noëlle Billaud, la présidente, questionne l’accusé :
« Reconnaissez-vous avoir tiré dans les jambes de Madame Daoud et mis le feu à son corps ? Qu’avez-vous ressenti en voyant les photos de votre ex-femme morte ? »
La réponse de l’intéressé est glaçante. Les mains croisées dans le dos, il répond :
« C’est mon corps, pas mon esprit. Tellement elle m’a fait de mal, je n’ai rien ressenti. Je ne ressens aucune culpabilité. »
L’instabilité psychique de Mounir Boutaa, qui suscite déjà des divergences entre les parties, sera étudiée dans le détail jeudi avec le passage à la barre des experts psychologue et psychiatre.
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