Il fallait faire un choix pour angler ce papier culture, et on a choisi les expositions. Elles sont non seulement nombreuses en ce mois d’avril, mais elles sont surtout d’un intérêt incontestable. Nous en avons sélectionnées quatre coups de cœur.
Cependant, le mois d’avril propose de nombreux rendez-vous scéniques à ne pas rater. A commencer par le Festival Adrénaline organisé par le collectif L’Orangeade du 4 au 6 avril aux Quinconces, pour lequel Rue89 Bordeaux propose à ses abonné.es de gagner 2 pass. On tire notre chapeau pour l’exceptionnel Cinémarges qui fête ses 20 ans du 5 au 13 avril – on craque volontiers pour Habibi à l’Utopia le 9 avril à 20h30 –, et on souligne Quatre tendances pour sa 10e édition à l’Opéra de Bordeaux du 8 au 16 avril avec quatre regards de chorégraphes contemporains dont certains signent des créations mondiales.
Sur scène toujours, le rock qui dépote de The Limiñanas au Rocher de Palmer le jeudi 3 avril. Au Carré-Colonnes, deux incontournables : le cirque poétique de Raphaëlle Boitel dans Petite Reine et La Bête noire le 4 et 5 avril, ainsi que la première mondiale de Le Temps de Philippe Decouflé du 15 au 17 avril.
Au Tnba, du 8 au 18 avril, Phèdre ! de la très inventive compagnie suisse 2b company menée par François Gremaud, le troisième volet d’une trilogie dont deux volets ont été vus à La Manufacture (Giselle…) et au Carré-Colonnes (Carmen.). Et du 10 au 12 avril, Mathilde Monnier joue son rageux Black Lights qui a bouleversé l’édition 2023 d’Avignon avec la colère des femmes face aux harcèlements et violences subies.
Et enfin la Yellow Party le 18 avril, dernière soirée prometteuse avant travaux de La Manufacture, avec le chorégraphe Mickaël Phelippeau et invité.es, notamment la Dj Barbara Butch.
Pollen au Capc, avec Emma Reyes en invitée
Pollen est « le nouveau récit de collection du musée » mentionne la directrice du Capc, Sandra Patron. C’est le principe d’un dialogue entre une sélection d’œuvres récentes et historiques, acquises ou prêtées. Après Tour du jour en quatre-vingts mondes et Amour Systémique, ce troisième rendez-vous prend pour référence l’œuvre Pollen de noisetier (1992) de l’artiste allemand Wolfgang Laib.
Issue de la collection du musée (rappelez-vous ce surprenant rectangle jaune qui illuminait la nef), l’œuvre est aujourd’hui altérée et ne peut être exposée, ayant changé de couleur avec le temps. Sa composante est cependant montrée dans des bocaux.

Emma Reyes en guest
Partant de cet hommage à une étape fugace du cycle végétal, la pollinisation, l’exposition déployée au deuxième étage du Capc offre un parcours pour découvrir de nombreuses interprétations qu’inspire la nature aux artistes. On découvre au passage les dernières acquisitions récentes du musée signées (dont les étranges personnages du Bordelais Sébastien Vonier).
Pollen est également l’occasion de montrer le travail d’artistes à travers « d’accrochages dans l’accrochage ». Quatre artistes seront ainsi présentés au cours des deux ans de l’exposition, pendant six mois chacun, la première étant Emma Reyes (jusqu’au 29 septembre 2025).
Cette artiste surprend tout d’abord par son parcours. Née en 1919 à Bogota, Emma Reyes fait de la France sa terre d’adoption en 1960 et installe son atelier trois décennies plus tard au 76, rue Mazarin à Bordeaux. Elle y décède en 2003 dans un quasi-anonymat. Artiste autodidacte, passée par l’atelier du peintre et céramiste bordelais René Buthaud, elle est surtout découverte après sa mort avec la publication de son livre Mémoire par correspondance, un recueil de lettres adressées à un ami. Elle y raconte l’abandon – à l’âge de 5 ans et recueillie dans un couvent –, la pauvreté et la résilience avec une grande sensibilité.
On retrouve cette même sensibilité dans les deux séries que l’artiste a commencées dans les années 1970 et terminées lors de son installation à Bordeaux au début des années 1990. Portraits imaginaires et Fleurs, fruits et légumes sont subtilement semées dans l’exposition Pollen.
📍 Capc Musée
💸 Tarif plein : 8€, tarif réduit : 4,5€, et autres tarifs ici
🗓️ Jusqu’au 31 janvier 2027 – Emma Reyes jusqu’au 29 septembre 2025
🔎 Plus d’infos sur l’expo Pollen
Sarah Trouche expose des rebuts transformés au Frac Meca
« Je pars d’une petit histoire, d’une rencontre, qui me permet d’avancer. » C’est surtout à la fin d’une histoire que Sarah Trouche intervient pour récolter les matières délaissées et les rebuts. De là, elle a « eco-concu » son exposition Par où filtre et s’enfuit, présentée dans la salle du Grand Verre au Frac Meca jusqu’au 25 mai.
L’artiste originaire du Médoc, fidèle à son principe de participation performative, a travaillé à partir de ce que des groupes ou des communautés sont capables de produire de rejets, organiques ou matériels, naturels ou industriels. Elle façonne, réinterprète, redonne parfois vie ou parfois fonction à l’élément récupéré.

Performance nocturne
Par exemple, Sarah Trouche a scruté les premières heures des dimanches en ville, autour des lieux festifs. Elle récupère les bouteilles laissées et chacune, selon elle, raconte la soirée passée. Une bouteille brisée au sol serait le témoignage d’une violence, une autre posée fièrement sur le rebord d’une fenêtre, un « trophée ». Le verre fondu émaille des disques de grès de diverses tailles, et compose un ensemble d’astres lumineux pour l’installation Danse les gouttes de feu (2025).
Une autre histoire est celle des cheveux qui jonchent les sols des salons de coiffure. Sarah Trouche lance alors « une œuvre performative » et les habitants de la région sont invités à une participation capillaire. Leurs mèches finissent par rembourrer des boudins mis en cercle dans l’œuvre qui a donné son titre à l’exposition. Par où filtre et s’enfuit (2025) sera activée lors d’une performance sur la Garonne le samedi 17 mai pour la Nuit des musées, et dans le cadre de l’événement métropolitain Traverse, pour traduire la capacité des cheveux à filtrer les eaux, à absorber les hydrocarbures et autres polluants.
Mais avant cette performance, le vernissage de l’exposition se tient le 4 avril à 18h. Ce sera également le vernissage de l’exposition Portfolio : éventrer le béton dans la salle La Jetée, qui « confronte des productions très récentes des étudiant·e·s en Master Art à une sélection de peintures de la collection ». A noter également le mercredi 9 avril, de 18h à 21h30, que Le Frac fait son show.
📍 Frac Meca
💸 Gratuit
🗓️ Jusqu’au 25 mai
🔎 Plus d’infos sur l’expo Par où filtre et s’enfuit
Les collages de Guillaume Chiron invités à la Fabrique Pola
L’Amour du risque : derrière ce titre, l’inconscient évoque la passion et le danger, l’aventure et le romantisme… Ça pourrait être aussi le titre d’un film d’action romanesque ou d’un livre sur des aventuriers intrépides, ou tout simplement une référence à une série des années 80 (Hart to Hart en VO, Pour l’amour du risque en français), où un couple glamour mène des enquêtes périlleuses.
Cette capacité à libérer l’imaginaire se trouve dans chacune des œuvres de Guillaume Chiron exposées à la Fabrique Pola jusqu’au 19 avril, à l’invitation de la maison d’édition de bande dessinée Les Requins Marteaux. 78 œuvres – collages, installations, sculptures – racontent chacune à sa manière une histoire, qui tient souvent à une association de deux images : un fusil au bout d’une jambe, une route sinueuse qui traverse une gorge ou un chignon, un escalier en colimaçon en guise de torse…, ou la réunion de deux objets : un patineur et un tourne-disque, un portrait géant et une cheminée…

Ses associations – qualifiées d’ « anomalies » par le complice de l’artiste, Anthony Bonnin – font office de rébus derrière lesquels se cache une imagerie souvent vintage, pour ne pas dire kitch. On sourit souvent, poussé par l’humour ou la nostalgie de ses icônes minutieusement accolées.
Originaire de Poitiers, Guillaume Chiron a déjà de nombreuses expositions sur son CV : à la Maison de l’architecture de Poitiers (Trompe le Monde), à la médiathèque de La Roche-sur-Yon (Peintures fraîches), à la médiathèque de Niort (L’Homme qui rétrécit) ou au Château d’Oiron à Plaine-et-Vallées (Un air de famille).
📍 La Fabrique Pola
💸 Gratuit
🗓️ Jusqu’au 19 avril
🔎 Plus d’infos sur le site de La Fabrique Pola
Carole Lataste refait le musée des Beaux-arts sur les quais
Comme chaque année, les Escales du livre donnent rendez-vous début avril pour faire découvrir des livres et leurs auteurs, mais aussi des expositions. Pour la 23e édition, le village littéraire historiquement installé square Dom Bedos – actuellement en travaux –, prend ses quartiers pour la première fois sur la rive droite, à Darwin. Les spectacles et performances en soirée sont maintenus quartier Sainte-Croix.
Quatre expositions sont au programme de l’édition 2025. Outre L’Amour du risque (voir plus haut), la galerie des Sauvages à Darwin accueille, du 4 au 6 avril, Pizza 4 saisons, une heureuse association de la poésie contemporaine du Toulousain Thomas Vinau et des images envoûtantes de la Belge Anne Brouillard. A la Librairie Disparate, une exposition est accrochée autour du nouveau livre d’Hugues Micol, Gari Gari (Cornélius), à l’occasion de la sortie nationale le 3 avril avec un vernissage le même jour.

« Jouent avec les œuvres » de Carole Lataste
Depuis quelques années, Carole Lataste travaille sur la thématique des Gens qui…, « avec l’idée d’englober tout le monde ». Cette série permet d’aborder des activités et des situations avec un biais souvent didactique, permettant d’imaginer des scénarios dignes des jeux de rôles.
Dans « Jouent avec les œuvres », l’artiste pluridisciplinaire bordelaise est fidèle à ce principe, transposé cette fois sur les œuvres de la collection du musée des Beaux-Arts où elle a travaillé durant deux ans avec toutes les classes du groupe scolaire Henri-IV à Bordeaux et des classes du collège Montaigne de Lormont. De ce « focus », une première exposition est présentée sur les quais de Bordeaux où on retrouve de célèbres œuvres du musée.
« Le principe est que ces œuvres appartenaient à tout le monde, et que tout le monde n’allait pas au musée, alors elles sont ici dans l’espace public », explique Carole Lataste. Tarquin et Lucrèce du Titien, La Grèce sur les ruines de Missolonghi d’Eugène Delacroix, Rola d’Henri Gervex, ou encore Bacchante d’André Lhote… 18 tableaux sont réinterprétés en une couleur avec des légendes « à choix multiples ».
Diplômée des Beaux-Arts de Bordeaux et de l’Université des Arts de Brighton, Carole Lataste a fondé l’association N’a Qu’1 Œil en 1996 où elle a publié des ouvrages, organisé des manifestations artistiques et animé des ateliers de création. Elle présentera une lecture animé de « Le Grand Catastropheur » vendredi 4 avril à 15h à Darwin.
📍 Placette de Munich
💸 Gratuit
🗓️ du 21 mars au 14 avril
🔎 Plus d’infos sur le site des Escales du livre
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