Média local avec zéro milliardaire dedans

Le Macumba, ancienne discothèque emblématique de Mérignac, parmi « Nos lieux communs »

L’ouvrage dirigé par Michel Bussi, Martine Drozdz et Fabrice Argounès sera présenté à Mérignac jeudi 15 mai à 18h, en présence de Michel Petuaud-Létang, l’architecte du mythique Macumba.

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Le Macumba, ancienne discothèque emblématique de Mérignac, parmi « Nos lieux communs »
Document archives Michel Pétuaud-Létang

Que nous disent les lieux ordinaires sur notre époque ? C’est la question que posent Nos lieux communs, un ouvrage dirigé par Michel Bussi, Martine Drozdz et Fabrice Argounès (Fayard, 2024). Plus d’une centaine de chercheurs – géographes, sociologues, historiens, anthropologues –, y dressent une cartographie sensible du monde contemporain à travers ses espaces les plus familiers : du bar de quartier populaire au club huppé de golf.

« Nous avons voulu raconter la mondialisation, mais par les lieux. Raconter la façon dont ils sont transformés par des changements d’échelle qui sont liés à des dynamiques économiques internationales », explique Martine Drozdz, qui enseigne la géographie à l’Université de Lyon, dans La Charente libre.

On découvre donc dans ce livre 100 « lieux communs » représentant des espaces concrets du vivre-ensemble. Ils sont aujourd’hui transfigurés ou fragilisés par la rationalisation des services publics, les logiques d’entre-soi, ou le repli social. Certains sont des lieux stratégiques socialement, comme la cour d’école, « lieu d’expression et de construction des identités sexuées, (..) un des espaces où l’on apprend avec plus ou moins de bonheur à être une fille ou un garçon » (entrée L’École, page 121), ou les boîtes de nuit.

Macumba

« Dans une France où se développent les premières banlieues pavillonnaires, l’arrivée de ces discothèques dans les années 1970 est à la fête ce que les hypermarchés ont été au commerce de détail : l’expression d’un changement d’échelle », écrit Martine Drozdz à propos du Macumba, dans l’entrée La discothèque, page 281.

Né dans les années 1970 sous l’impulsion de deux rapatriés d’Algérie, le Macumba est bien plus qu’une simple chaîne de discothèques : il incarne un tournant géographique et culturel dans l’histoire de la fête en France. Inspiré d’un établissement oranais à ciel ouvert, le premier Macumba voit le jour près de Montpellier, avant que le concept ne prenne une ampleur inédite avec l’ouverture, en 1973 à Mérignac, de ce qui se veut « la plus grande discothèque d’Europe ».

En rupture avec l’élitisme des boîtes parisiennes, le Macumba démocratise la nuit festive. Son architecture imposante et ses décors flamboyants marquent l’imaginaire collectif, tandis que son modèle se duplique en série à travers la France, jusqu’à Cuba ou Fribourg. Fin des années 1990, s’opère une mutation profonde de la fête. La critique féministe s’invite également, remettant en question le regard masculin dans cet espace populaire et spectaculaire de la nuit.

Début et fin

Architecte bordelais aujourd’hui âgé de 86 ans, Michel Pétuaud-Létang est à l’origine du Macumba de Mérignac. C’est à lui que l’on doit la silhouette circulaire emblématique du bâtiment, sa cabine de DJ en forme de poste de commandement, ses fauteuils orange et sa décoration immersive typique des années 1970. Un chantier mené tambour battant en moins de trois mois, sans permis de construire au départ, pour exploiter au plus vite le potentiel de la nuit bordelaise.

Le succès du Macumba local donne naissance à une véritable chaîne : Lille, Nantes, Madrid, La Havane, Fribourg, Saint-Julien-en-Genevois… À chaque fois, Michel Pétuaud-Létang reprend la main sur l’architecture, impose des choix techniques inédits, adapte les lieux au contexte local. Le Macumba devient un laboratoire d’expérimentation grandeur nature.

C’est sans regret mais non sans émotion qu’il assistera à la fermeture du dernier d’entre eux, à Englos, en février 2025. « J’ai envie de voir comment ça se termine », peut-on lire dans le journal Sud Ouest. Car il sait, mieux que quiconque, comment tout cela a commencé.

Ce jeudi 15 mai à 18h, Martine Drozdz et Michel Petuaud-Létang, seront à la Maison des associations de Mérignac avec Marie Récalde, députée de la Gironde, et Eric Sarraute, pour parler de l’ouvrage Nos lieux communs et du rôle du Macumba dans la dynamique locale.


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