Alice esquisse déjà un regard malicieux et incrédule avant de s’exprimer. « C’est n’importe quoi ! C’est pas possible d’installer une clim comme ça », soupire-t-elle. L’image accrochée dans le couloir de l’école ce jeudi représente un ours blanc avachi sur un groupe d’air conditionné. Sous l’illustration, générée par l’intelligence artificielle, un titre : « Pour freiner la fonte des glaces, le gouvernement fait installer 3000 climatiseurs sur la banquise. » (article du Gorafi).
La jeune fille, scolarisée à l’école André-Meunier dans le quartier Sainte-Croix, participe à la 5e édition du jeu « Info ou un faux » qui se déroule du 13 mai au 14 juin 2025. Chaque jour, une question est affichée à laquelle les élèves répondent en glissant un des deux jetons « Info » ou « un faux » dans les urnes.
« Suite aux attentats en 2015, et pour lutter contre la radicalisation et la désinformation, un kit fait en 2020, “Développer son esprit critique” a été mis à la disposition des enseignants. L’opération “Info ou un faux“ est une sorte de déclinaison ludique de ce kit qui a été mise en place l’année suivant », explique Sylvie Schmitt, adjointe au maire chargée de l’éducation, de l’enfance et de la jeunesse.
« Quel est l’intérêt de l’information ? »
Chaque midi pendant un mois, un exercice est proposé aux élèves. Le lendemain, ils découvrent la réponse, les résultats des votes ainsi qu’une analyse des informations et des sources. Alice, pour « Un adulte absorbe en moyenne 12000 litres d’air par jour » affiché quelques jours plus tôt, n’avait pas glissé le bon jeton. « Ça me paraissait beaucoup 12000 ! Mais de toute façon je ne compte pas mes bonnes ou mauvaises réponses. C’est pour m’amuser… »
« Les enfants savent que les résultats sont traités de façon complètement anonyme et globale, commente Hubert Jaulin, chargé de mission projets éducatifs à la mairie de Bordeaux. L’idée, ce n’est pas de savoir qui a répondu juste, parce que ce serait pur hasard d’avoir toutes les bonnes réponses. »
Il s’agit surtout de sensibiliser les élèves de CP à CM2 – 6 à 11 ans – à la réception d’une information :
« Evidemment, la réponse aux exercices n’a pas beaucoup d’intérêt pédagogique. Un enfant ne sera pas meilleur s’il trouve la réponse. Ce qu’il doit faire, c’est s’interroger. Qui me dit ça ? Quel est l’intérêt de cette information ? Etc. », poursuit le chargé de mission.
6500 enfants participants
« Non anxiogène », « positif », « proche du quotidien », le jeu soumet des informations et images qui « ne demandent pas forcément d’aller chercher sur Internet ».
« On associe également les parents en distribuant sur l’espace famille un document avec 14 points sur les bonnes pratiques et comment aiguiser la curiosité, développer l’esprit critique, et avoir les bons réflexes. Ça permet de leur donner des atouts pour qu’eux aussi puissent travailler à éclairer les enfants et participer à leur émancipation », selon Hubert Jaulin.
« On espère impliquer les parents davantage encore » ajoute-t-il, ce qui n’est pas encore le cas avec seulement « 50% de retours » de leur part. Cependant, le jeu proposé sur la base du volontariat est de plus en plus adopté par les écoles élémentaires à Bordeaux : elles étaient 10 la première année pour atteindre les 35 cette année, sur un total de 53. 6500 enfants y participent.
Le kit Développer son esprit critique, préparé avec l’Académie de Bordeaux, le Clemi, Canopé et l’Ijba, avait décroché le prix Territoria d’Or en 2020, catégorie Civisme et citoyenneté.
Chargement des commentaires…