« Quand je suis arrivé il y a dix ans, il n’y avait que du merlot. J’ai diversifié avec du castets, du manseng noir et du touriga nacional mais aussi avec quelques hybrides », liste, greffoir à la main, Antonin Jamois, à la tête du domaine de l’Île Rouge situé à Lugasson à 40km à l’est de Bordeaux, dans l’Entre-deux-Mers.
Le vigneron, la quarantaine passée, travaille 17 000 pieds de vignes répartis sur 3,5 hectares. La météo clémente du début du mois de juin lui offre une fenêtre de tir alors il prélève les bourgeons, gratte l’écorce à la recherche du flux de sève, incise le bois de vieux merlots puis glisse les yeux dans l’encoche avant d’entourer celle-ci de rubalise. Une opération qu’il va répéter avec sa petite équipe 800 fois dans la semaine.
« Grâce au surgreffage, tu as une petite récolte du nouveau cépage dès l’année suivante. Mais surtout, ça permet de garder ton système racinaire. Ça évite l’arrachage qui consomme beaucoup d’énergie et flingue les sols », assure le vigneron.
« Défendre la paysannerie »
Ce respect pour la terre, Antonin Jamois ne le feint pas. Le viticulteur fait partie de la trentaine de vignerons et cavistes qui ont rejoint la cave des Soulèvements de la Terre. Une opération de soutien lancée début 2025 qui permet de fournir à un prix juste du vin au mouvement écologiste via les comités locaux. Un jus dont l’élaboration – « au minimum bio, au mieux nature » – est cohérente avec les valeurs des militants.
En parallèle, les producteurs peuvent commander des stickers (50 centimes l’unité) à apposer sur leurs bouteilles. En général, cela concerne un lot d’une cuvée produite par un vigneron. Chaque quille participante aura un petit livret informatif. Depuis janvier, 3000 cols ont été étiquetées comme cuvées des Soulèvements. Elles sont disponibles en direct ou chez les cavistes partenaires de l’opération.
« Cela permet surtout de faire parler des luttes autour d’un médium, différent d’un tract ou d’un autocollant. Car l’important, ce n’est pas tant le soutien financier que de faire parler des luttes autour du foncier agricole pour défendre la paysannerie », précise une militante de Rennes en charge des caves des Soulèvements. « Le but, c’est qu’il y ait des vignerons qui se sentent appartenir à cette dynamique et ensuite de faire des actions ensemble contre les gros accapareurs de vignes et les spéculateurs. »
Les recettes générées lors de leurs assemblées et formations via les cantines et bars permettent à l’organisation d’amortir les frais.
« S’il y a un peu de bénéfices cela sert à payer les chapiteaux, barnum, toilettes sèches, camions frigo…, détaille-t-elle, rappelant que chaque mobilisation brasse des milliers de personnes.
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