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La Cimade dénonce « l’expulsion illégale » d’un demandeur d’asile par la préfecture de la Gironde

Mercredi 25 juin, M. M. a été expulsé du territoire français deux jours avant son audience prévue au Tribunal administratif de Bordeaux. Alors qu’il faisait l’objet d’un recours suspensif, rendant toute expulsion strictement illégale avant la décision administrative, l’association La Cimade fustige « une atteinte grave à l’État de droit ». La Préfecture conteste cette version.

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Intervenante de la Cimade apportant un soutien juridique et humain à une personne retenue au Centre de Rétention Administrative de Mériadeck.
Une assistante juridique de la Cimade en consultation au CRA de Bordeaux (DR)

Alors qu’une assistante juridique de La Cimade, association de solidarité avec les personnes étrangères, se rendait à son rendez-vous au centre de rétention administrative (CRA) de Bordeaux le mercredi 25 juin, elle a été surprise de voir son client escorté par la police aux frontières, pour être renvoyé vers la Géorgie. M. M. faisait en effet l’objet d’un recours suspensif, dont l’audience devait se dérouler seulement deux jours plus tard au tribunal administratif de Bordeaux, afin de statuer sur sa demande d’asile.

Après être arrivé en France, M. M. a fait une demande d’asile auprès d’un guichet unique, affirme l’association. Cependant, sa demande n’a pas été introduite dans les délais auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), entrainant une clôture du dossier. C’est donc la réouverture de ce dernier, permettant un examen du fond, qui faisait alors l’objet d’un recours suspensif. M. M. ne pouvait donc normalement pas être expulsé sans décision administrative ni notification préalable.

« La personne n’a pas été notifiée comme cela aurait dû être le cas. Ça a été un concours de circonstances, ma collègue était juste là au bon moment pour constater l’expulsion », explique Marine Giorgis, membre de La Cimade.

Un positionnement de la Justice ?

La Cimade a donc immédiatement pris contact avec le Tribunal administratif de Bordeaux, et s’est vue confirmer que le recours était toujours en cours. Malgré les sollicitations de l’association ainsi que de la greffe du Tribunal administratif, la préfecture girondine ne s’en est pas expliquée. M. M. a donc été renvoyé dans son pays d’origine, selon les autorités, La Cimade ayant perdu contact avec lui.

SI l’audience a été renvoyée en Chambre à une date inconnue, M. M. pourra difficilement être présent afin de faire valoir ses droits. Cependant, un renvoi en Chambre n’est pas anodin : cette division, qui compte plusieurs juges, examine souvent des dossiers importants nécessitant une décision collégiale.

« Généralement les décisions prises en Chambre sont des moments où la juridiction veut prendre une position importante sur un dossier. En tout cas c’est ce qu’on peut espérer, mais étant donné que c’est la première fois qu’on est face à cette situation, on ne sait pas encore très bien à quoi s’attendre », poursuit Marine Giorgis.

Contexte politique et État de droit

La Cimade dénonce dans un communiqué « un climat politique préoccupant, où les pratiques préfectorales illégales se multiplient », et s’inquiète de ces attaques envers la démocratie et l’État de droit. Face à ce non-respect des droits des personnes étrangères, l’association a même mis fin à ses activités au sein de certains CRA, comme celui de Mesnil-Amelot.

Mais au-delà d’un contexte national alarmant, l’antenne bordelaise de l’association remarque un glissement dans les pratiques de la préfecture de Gironde, puisque les expulsions illégales ne sont pas communes.

« Une raison de plus de marquer le coup et de souligner que c’est arrivé », conclut Marine Giorgis.

« Voies de recours épuisées »

Jointe par Rue89 Bordeaux, la préfecture de la Gironde conteste cette version. Dans une réponse envoyée par mail ce samedi 5 juillet, elle confirme que ce ressortissant géorgien de 35 ans a bien été reconduit en Géorgie le 25 juin 2025, mais « sans s’opposer à son éloignement et après avoir épuisé toutes les voies de recours sur l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) ».

« Très défavorablement connu des services de police ou de gendarmerie », selon la préfecture, il avait fait l’objet d’une OQTF le 12 juillet 2024 « suite au rejet de sa demande d’asile ». Il n’aurait ensuite pas respecté les prescriptions de son assignation à résidence, puis refusé d’embarquer sur un vol à destination de la Géorgie.

« Interpellé de nouveau le 8 juin 2025 pour des faits de vol à l’étalage », il a aussitôt été placé au centre de rétention administrative de Bordeaux le 9 juin 2025, puis vu sa demande d’asile réexaminée et « une nouvelle fois rejetée par l’OFPRA le 23 juin 2025 », d’après la préfecture. Celle-ci ne répond pas en revanche sur la nature de l’audience qui devait se tenir au tribunal administratif.


#Expulsions

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