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Éducation avec Gaza 33 : « La reconnaissance de l’État palestinien détourne l’attention du génocide en cours »

Hautement médiatisée, la reconnaissance de l’Etat palestinien par la France vient d’être actée ce lundi 22 septembre. « Il y a un contraste entre le fracas médiatique autour de cette décision et son caractère dérisoire », réagit Émilie Montalétang, porte-parole de l’association Éducation avec Gaza 33.

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Éducation avec Gaza 33 : « La reconnaissance de l’État palestinien détourne l’attention du génocide en cours »
Education avec Gaza 33 a régulièrement organisé des rassemblements pour alerter sur le sort des Palestiniens

Rue89 Bordeaux : La France a reconnu officiellement l’État palestinien ce lundi soir. Quel est votre premier sentiment ?

Émilie Montalétang : Nous ne nous réjouissons pas vraiment. Cela peut sembler positif, mais c’est très ambigu. Oui, la reconnaissance d’un État confère aux Palestiniens un statut et des prérogatives dont leurs représentants pourraient disposer. Mais quelle est la réalité de cette reconnaissance ? Est-ce que c’est imposer à la partie palestinienne d’accepter de renoncer au droit au retour et de se satisfaire d’une souveraineté très limitée ?

Emmanuel Macron parle d’un État, mais en évitant de parler d’une armée propre aux palestiniens, d’un contrôle autonome des frontières, d’une capitale à Jérusalem. Dans les négociations passées, comme Oslo, c’étaient des points centraux. Je ne crois pas qu’ils seront pris en compte aujourd’hui. Par ailleurs, cela ne freine en rien la colonisation galopante en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.

Cette reconnaissance est un trompe-l’œil aux effets pervers. Pire, cela détourne l’attention du génocide en cours, sans effet concret sur les massacres. Nos demandes restent les mêmes : que la France cesse de soutenir Israël militairement et économiquement. Or en 2024, elle a battu un record d’exportations d’armes et de composants militaires vers Israël.

« Que la France cesse de soutenir Israël »

Est-ce que cette reconnaissance arrive trop tard ?

Exactement. C’est un rattrapage. La France est des derniers pays à reconnaître l’État palestinien. Cela aurait dû être fait depuis longtemps. Mais un État suppose un territoire. Quand on voit Gaza dévastée et la Cisjordanie morcelée, quel État est réellement reconnu ?

Il y a un contraste entre le fracas médiatique autour de cette décision et son caractère dérisoire. La reconnaissance d’un État doit aller de pair avec le droit à l’autodétermination. Ce n’est pas à l’Occident d’imposer les frontières ou le gouvernement des Palestiniens.

Qu’auriez-vous attendu de plus de la France ?

Que la France cesse de soutenir Israël. Qu’elle arrête d’envoyer des armes, de coopérer économiquement et académiquement avec un pays qui viole le droit international.

En juillet 2024, la Cour internationale de justice a déclaré la colonisation illégale. L’ONU avait donné 12 mois à Israël pour se retirer des territoires occupés : rien n’a été respecté. La France devrait appliquer les résolutions qu’elle a votées, soutenir la Cour pénale internationale, appliquer des sanctions économiques et suspendre l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël. Il y a eu des mandats d’arrêt contre Benyamin Netanyahou. Or, ce dernier a pu survoler à plusieurs reprises le territoire français sans problèmes.

Voilà des mesures efficaces, pas seulement symboliques. Jusqu’à quand va-t-on continuer à voter des résolutions à l’ONU sans conséquences ?

« Un drapeau qui dérange »

Depuis cette annonce, avez-vous eu des réactions de Gaza ?

Ce n’est pas leur priorité. Ceux avec qui je suis en contact ne parlent pas de cela. Leur urgence, c’est la survie. Après la destruction du nord, de Rafah et du sud, c’est Gaza-ville qui est bombardée. Les coupures internet rendent les communications très difficiles. Quand on a un message, il est court. Exemple : « Je suis encore vivant. »

Les étudiants que nous soutenons cherchent surtout à fuir pour survivre et poursuivre leurs études. Là encore, la France pourrait agir : elle a cessé toute évacuation depuis août, même pour des étudiants déjà inscrits dans des universités françaises et titulaires de visas. Voilà une action concrète qu’elle pourrait mener.

Il y a eu un appel aujourd’hui pour hisser les drapeaux palestiniens sur les mairies en France. Qu’en pensez-vous ?

C’est quelque chose que nous avions demandé depuis bien longtemps. Nous avons demandé à Bordeaux de rompre son jumelage avec Ashdod, toujours seulement suspendu, et de pavoiser le drapeau palestinien. La mairie avait répondu que ce n’était pas possible tant que l’État palestinien n’était pas reconnu.

Maintenant qu’il l’est, elle devrait le faire. Le drapeau palestinien est un symbole fort, qui dérange. En Israël, il est réprimé depuis 1987. En France aussi, des militants ont été inquiétés pour l’avoir brandi, jusque sur le Tour de France. L’Espagne ou l’Irlande avancent beaucoup plus vite que la France sur ces questions.


#Palestine

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