La journée a commencé tôt avec un blocage surprise. Environ 200 personnes, dont une bonne partie des élèves du lycée François-Magendie, ont fait un barrage devant leur établissement, en soutien au mouvement social en cours. « On est là contre le climat de haine qui s’installe dans le pays, il faut que ce président parte ! », affirment en chœur Lilie et Rosalie, toutes deux en classe de terminale.
Sur les grilles du lycée, les revendications contre « la sélection de Parcoursup », contre l’extrême droite et pour la défense des droits des minorités, côtoient les messages de soutien à la Palestine et à l’Ukraine. Tamari, Cassandra, Thony et Lara placent tous leurs espoirs dans la Gen Z, qui fait chavirer les pouvoirs, de Madagascar au Népal.
« On voit que c’est notre génération qui est en train de faire bouger le monde : on ne croit plus aux urnes, alors on agit dans la rue. »
Certains de ces lycéens ont rejoint un peu plus tard le cortège de la manif bordelaise, parti place de la Bourse. Les rangs se font un peu plus épars pour cette nouvelle journée de mobilisation intersyndicale après la déferlante de la dernière manif – la préfecture a recensé 2600 manifestants, la CGT 25000, contre 8800 à 35000 personnes dans la rue le 18 septembre dernier.
Mais au milieu des troupes de la CGT, pas question de déclarer forfait :
« On veut de la justice sociale, de la justice fiscale. Des choses qui changent vraiment nos vies : pouvoir se nourrir, se loger, se soigner, étudier, se former, vieillir correctement. Face à l’indécence des ultra-riches, nous voulons une vie décente ! » affirme Stéphane Obé, secrétaire général de la CGT Gironde.
« Des enfants de cinq mois dorment dans la rue »

Place de la Bourse, la foule se met en branle vers midi. Entre la banderole intersyndicale et le camion sono de la CGT, Miguel, syndicaliste et employé chez La Poste depuis 35 ans, est venu avant tout pour la défense du service public. « Mais aussi pour défendre les retraites, l’augmentation des salaires et dénoncer la dégradation de nos conditions de travail » précise-t-il.
S’il constate une manif plus clairsemée que les précédentes, ce n’est pas pour lui le seul baromètre du mouvement social :
« Tout le monde n’est pas à la manif, il y a moins de manifestants, mais il faut regarder le nombre de fermetures de bureaux et de services dans le département. La grève est suivie. Pour des raisons de transport, les gens ne peuvent pas toujours venir à Bordeaux. »
Un peu plus loin, Cours Alsace-Lorraine, Marion est venue avec son fils Martin. Cadre dans l’informatique, elle se définit comme une « citoyenne engagée », présente dans les mobilisations depuis le 10 septembre et active dans le mouvement Indignons-Nous. « Je suis profondément indignée par la corruption, par la manière dont on traite les peuples à travers le monde », déplore cette jeune maman :
« La précarité, je ne la vis pas, mais je la vois. Dans la classe de mon fils, certains camarades n’ont plus de logement, sont sans papiers… À Bordeaux, des enfants de cinq mois dorment dans la rue. C’est insupportable. Ce n’est pas ça, la démocratie ! »
Des docks aux facs
Côté dockers on fait corps « contre le désespoir ». Rue des Frères-Bonie, Jérémy Barbedette, sous-secrétaire général de la CGT Dockers Bordeaux, est présent avec ses camarades pour « un problème qui nous concerne tous : remplir le frigo ». Et pour lui, ce n’est pas la dernière chaise musicale gouvernementale qui pourra y remédier, malgré un nombre de manifestants « pas à la hauteur » :
« Quatre ou cinq changements de premier ministre : on ne sait même plus ! Et on continue de serrer la vis sur les salariés, les ouvriers. Ça fait déjà trois semaines qu’on attend un gouvernement, tant qu’il n’y aura pas un changement complet du personnel politique, on n’ira nulle part. »
Busra Dirik, présidente de l’Unef Bordeaux, pointe elle aussi une crise qui frappe les étudiants de plein fouet. « On se mobilise contre la casse de l’université qui continue, et le coût de la vie qui explose encore plus à cette rentrée 2025« , constate la syndicaliste. Là encore, le chef de Matignon n’est pas perçu comme une solution.
« Lecornu n’y arrivera pas, et son budget ne sera pas à la hauteur. On va encore réduire le budget de l’enseignement, en dégradant davantage les conditions pour les étudiants et les enseignants dans l’enseignement supérieur. »
La mobilisation bordelaise s’est achevée sur la place de la Victoire vers 14 h, sans incident notable. La préfecture de la Gironde signale une interpellation pour « dégradations de biens (tags) et port d’artifices », ainsi que 3 % de grévistes dans la fonction publique d’État et 3,5 % dans la fonction publique territoriale.
La CGT Gironde salue, elle, une mobilisation « réussie et massive » et donne rendez-vous le 9 octobre devant l’hôpital Robert-Piqué pour un piquet de grève.

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