C’est une mise en commun qui tombait sous le sens. « Au départ on avait démarré à deux », relate la maire du Haillan Andréa Kiss en se tournant vers Christine Bost, la maire d’Eysines, « et puis nous avons trouvé au fur et à mesure des partenaires dans les villes autour pour pouvoir héberger les personnes qui faisaient l’objet de violences intrafamiliales ». C’est ainsi qu’à ces deux communes, s’associent aujourd’hui Saint-Médard-en-Jalles et Mérignac.
La signature de ce partenariat a été officialisée ce mercredi 22 octobre à la Mairie du Haillan, en présence des quatre élus à la tête des communes prenant part à cette convention et des présidents des CCAS concernés. Fixé pour une durée de 3 ans renouvelables, avec un bilan intercommunal prévu tous les ans, le document acte la mise en commun de logements d’urgence pour les victimes de violences intrafamiliales.
Une dynamique que Thierry Trijoulet, le maire de Mérignac, se dit « très heureux de rejoindre », ne manquant pas de rappeler le drame du féminicide de Chahinez Daoud, brûlée vive par son ex-époux en 2021 à Mérignac, et la nécessité « d’être le plus performant possible pour la protection des victimes ».
« On n’a pas toujours le niveau d’accueil qui correspond malheureusement à la demande » reconnaît de son côté Stéphane Delpeyrat-Vincent, l’édile de Saint-Médard-en-Jalles. […] On va essayer dans un avenir qu’on espère le plus proche possible d’étoffer notre offre de logements. »
Conjuguer éloignement et proximité
En tout, 41 places sont mutualisées : 20 places réparties sur plusieurs logements à Mérignac, 4 places dans des studios ou des chalets à Saint-Médard-en-Jalles, 7 places (un T5 et une colocation pour 3 foyers d’une ou deux personnes) au Haillan, et 10 places réparties sur 3 logements en habitats partagés à Eysines.
Un nombre « au dessus du besoin », souligne Christine Bost, ce qui permet alors d’accueillir des victimes venant de communes un peu plus lointaines, et qui trouvent ici un lieu pour se reconstruire. C’est le cas de Nathalie* (prénom modifié). Originaire d’une commune à l’est de Bordeaux, elle a bénéficié d’un hébergement d’urgence au Haillan.
« Le CIDFF [Centre Information sur les Droits des Femmes et des Familles, NDLR] a contacté le CCAS parce qu’ils savaient qu’il leur restait des places. J’y suis arrivée en avril et j’y suis restée huit mois », confie-t-elle.
Le CCAS du Haillan l’a par la suite accompagnée dans sa demande de logement social, qu’elle a obtenu.

Chaque logement d’urgence fait l’objet d’un bail précaire entre le CCAS et l’occupant, « garantissant un cadre légal clair et sécurisé pour les bénéficiaires comme pour les collectivités ». Et la proximité de ces communes n’a rien d’anodin, c’est même le fil rouge de cette convention multipartite :
« La plupart du temps les victimes sont des femmes, et très souvent elles ont des enfants. L’enjeu pour nous c’était à la fois de pouvoir les sortir de leur commune d’origine pour qu’elles ne soient pas à proximité de leur bourreau, ou en tout cas de la personne qui les maltraite, mais de ne pas trop s’éloigner non plus pour les enfants qui sont scolarisés car c’est important aussi de garder une certaine forme de stabilité pour ces familles », justifie Andréa Kiss.
Un suivi social coordonné
Déjà en contact avec les structures voisines dans le cadre de partenariats bilatéraux préexistants, Lysiane Bernier, la directrice du CCAS du Haillan, se félicite du sens de cette mise en réseau sur un « territoire restreint »
Elle salue également une « plus value » évidente pour le suivi des victimes, qui repose alors sur le binôme CCAS d’origine / CCAS d’accueil.
« Chacune des villes qui accueillent traite la question du logement, se charge du parcours locatif et de la sortie du dispositif. L’accompagnement social, lui, reste au niveau de la structure accompagnante au départ », détaille la directrice.
Les victimes sont orientées vers une commune en fonction de la capacité d’accueil de cette dernière. Mérignac possède là un très grand avantage, que ce soit en nombre de places, mais également en terme d’implication sur le sujet des violences conjugales notamment grâce à sa Maison des femmes. Inauguré en 2023, un an et demi après le féminicide de Chahinez Daoud, le lieu aménagé pour l’écoute et l’orientation dispose d’une psychologue d’un point justice.

Masquer sa nouvelle adresse
Lundi 20 octobre 2025, à Bordeaux, la présidente du tribunal judiciaire Emmanuelle Perreux, le procureur de la République Renaud Gaudeul et le directeur régional des finances publiques Samuel Barreault ont signé une convention destinée à renforcer la protection des victimes de violences intrafamiliales. Ce dispositif permettra à toute personne concernée de rendre confidentielle sa nouvelle adresse.
Jusqu’ici, les couples séparés – mariés ou pacsés – partageant un même foyer fiscal pouvaient accéder facilement à l’adresse de leur ex-conjoint·e. Désormais, en cas de séparation après des violences, une personne peut, sur simple demande et sans justificatif, faire masquer son adresse dans les registres fiscaux.
Expérimenté en 2024 dans plusieurs autres départements français, le dispositif a enregistré en Gironde une cinquantaine de demandes de confidentialité. Il est désormais généralisé. La démarche peut être effectuée directement sur impots.gouv.fr ou par téléphone au 0 809 401 401. La Direction générale des Finances publiques (DGFiP) enregistre la demande dans un délai de 48 heures.
« Cela fait des années que je travaille sur cette question, confie Renaud Gaudeul. A chaque nouvelle affaire, on découvre un trou dans la raquette. C’est petit à petit qu’on arrive à progresser dans la lutte contre ce type de violences. »
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