« Qui veut des billets pour l’aviation du futur ? » Devant l’entrée de l’aéroport de Bordeaux, une trentaine de manifestants couverts de branches de buis hèlent des passagers incrédules, et leur distribuent des tracts en forme des tickets. « Avion vert, forêts dans le rouge ! » et « From : Bordeaux to : Dans le mur », peut-on y lire.
Venus du Béarn, du Sud Gironde ou de Bordeaux, ces militants du collectif Forêts Vivantes Pyrénées, de Greenpeace ou de la Sepanso expriment ainsi leur colère contre le projet E-CHO, et le partenariat noué entre Bordeaux Aéroport et Elyse Energy.
Cette PME lyonnaise, sans expérience préalable dans la filière, envisage de construire à Lacq, près de Pau, trois usines de production de « biocarburants », dont une de « e-bio-kérosène » – un carburant fabriqué à partir du carbone récupéré en brûlant du bois d’un côté, et en produisant de l’hydrogène de l’autre. Cette unité pourrait fournir 1,5% des besoins français en kérosène.
« Juste une catastrophe »
Ces carburants d’aviation durables (CAD) sont présentés comme « bas carbone » car ils sont censés émettre 70% de gaz à effet de serre en moins que les énergies fossiles, selon les critères de la directive européenne sur les énergies renouvelables. Celle-ci fixe aux aéroports européens l’obligation de fonctionner avec 70% de ces CAD d’ici 2050.
Pour s’y plier, l’aéroport de Bordeaux est ainsi devenu partenaire officiel d’E-CHO, et Elyse Energy le présente comme « futur client » pour ses 87000 tonnes de kérosène, soit l’équivalent de la consommation actuelle de la plateforme.
Sur ses réseaux sociaux, Bordeaux-Mérignac se targue d’être le « premier aéroport régional à proposer une offre permanente de carburants d’aviation durables (CAD) depuis 2022 », ainsi qu’un « acteur déterminé de la création d’une filière régionale de biocarburants ». Ce qui explique les critiques des opposants au projet, parmi lesquels se trouvent… un ancien directeur d’aéroport, celui de Biarritz.
« Les CAD, c’est juste une catastrophe, lâche ainsi Didier Riché. Le bilan carbone ne sera pas meilleur à la fin, au contraire : selon les estimations du Shift Project, si on intègre la disparition de puits de carbone ainsi causée, il sera négatif de 100 à 400000 tonnes de gaz à effet de serre. Avec des risques sur la biodiversité des forêts, donc la vie elle-même, tout ça pour faire voler une minorité de privilégiés. »
Greenwashing
« Bordeaux se positionne comme un aéroport écolo [NDLR : il affirme par exemple vouloir « réduire de 40% ses émissions de CO2 » d’ici 2027] mais c’est du pur greenwashing », estime donc Solal Bordenave, de Forêts Vivantes Pyrénées. Il énumère les données alarmantes sur le projet E-CHO : l’usine consommera autant d’électricité que tout le département des Pyrénées-Atlantique et utilisera autant d’eau qu’une ville de 60000 habitants.
Il nécessitera 500000 tonnes de biomasse par an, dont un tiers d’arbres abattus exprès – le double de la surface des coupe-rases dans les Landes -, et deux tiers de sous-produits des filières bois et agricoles, collectés à 200 kilomètres à la ronde, soit l’ensemble du massif, Gironde comprise.

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