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Ces cinq polémiques qui ont clivé Bordeaux et la Gironde en 2025

De la suspension du jumelage de Bordeaux avec Ahsdod à la Nuit du bien commun, en passant par les avancées déterminantes de deux projets contestés, les usines de EMME et deux Flying Whales, retour sur les grands sujets qui ont divisé cette année.

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Ces cinq polémiques qui ont clivé Bordeaux et la Gironde en 2025
Projet Emme sur le bord de la Garonne

1- Flying Whales, des dirigeables toujours gonflés

L’enquête publique menée en plein été avait révélé une profonde division et de nombreux doutes sur le choix de l’emplacement de l’usine de Flying Whales, son impact en terme de CO2 voire sur la faisabilité technologique et la viabilité de ses dirigeables. Mais la Région Nouvelle-Aquitaine et l’Etat sont financièrement trop engagés dans ce projet privé.

Aussi, l‘avis des commissaires enquêteurs s’est, sans surprise, avéré positif, soulignant l’intérêt de la relance d’une telle filière pour la décarbonation des transports. Et la préfecture de la Gironde a, dans la foulée, signé la déclaration d’utilité publique pour la zone d’activité, et l’autorisation environnementale de destruction d’habitats et d’espèces protégées.

La Sepanso (société pour l’étude, la protection et l’aménagement de la nature dans le Sud-Ouest), va attaquer ces deux arrêtés en justice, a appris Rue89 Bordeaux.

« On va utiliser tous les moyens légaux pour faire échec à ce projet farfelu et ubuesque », déclare son président Philippe Barbedienne.

Flying Whales va occuper un site de 75 ha à Laruscade Photo : crédit Flying Whales

Celui-ci estime que ses promoteurs « ont choisi le pire emplacement possible », à cheval sur une zone Natura 2000 possiblement fréquentée par le Vison d’Europe, espèce en voie d’extinction, et malgré « un gros doute sur le fait que le projet pourra aller à son terme ». En attendant, le chantier pourrait démarrer dans les prochains mois.

2- Bordeaux-Ashdod, un jumelage qui a fait jaser

Dans un courrier adressé le 26 juin à Yechiel Lasry, et dévoilé par Rue89 Bordeaux, Pierre Hurmic informait le maire d’Ashdod de la suspension de l’accord de coopération entre Bordeaux et cette ville israélienne « tant qu’un cessez-le-feu durable et un processus de paix ne seront pas engagés ».

« Je déplore, comme beaucoup, que la riposte israélienne dans la bande de Gaza engendre tant de souffrances inadmissibles touchant les populations civiles palestiniennes dont des enfants privés de toute aide humanitaire, justifiait le maire de Bordeaux. Les opérations militaires et les crimes intolérables qui y sont associés choquent de très nombreux Bordelais tout comme l’ensemble de mon équipe municipale. »

21 mois après le début de la guerre de Gaza, Pierre Hurmic a suspendu les coopérations avec Ashdod Photo : MB/Rue89 Bordeaux

Manifestant à l’élu israélien son « soutien à la suite des attaques terroristes lancées par le Hamas le 7 octobre 2023 », Pierre Hurmic jugeait que « l’escalade et la violence aveugle de cette agression infligée par le gouvernement de M. Netanyahu violait non seulement le droit international mais aussi les valeurs et exigences humanistes » que doit incarner le jumelage entre la capitale girondine et Ashdod.

Entre deux feux

Le maire écologiste se refusait ainsi à couper purement et simplement les ponts avec la cinquième ville et premier port d’Israël, ce que réclamaient les militants pro-palestiniens, dont certains ont mené une grève de la faim. La décision a néanmoins été très critiquée par l’opposition de droite au conseil municipal. Thomas Cazenave, candidat macroniste à la mairie, a regretté en conseil municipal que Bordeaux soit « embarqué malgré elle dans le conflit israélo-palestinien ».

Dans un courrier adressé fin octobre à Pierre Hurmic, Nathalie Delattre, sénatrice (Parti radical) et alors toujours candidate à la mairie, avait également demandé la reprise du partenariat. Elle estimait que « l’esprit même d’un jumelage est le dialogue, l’amitié et la coopération entre les peuples, quelles que soient les tensions politiques », et jugeait que la libération des otages israéliens par le Hamas et « l’amorce d’une dynamique de détente » justifiaient « l’envoi d’un signal fort ». La majorité municipale lui a adressé une fin de non recevoir :

« Il apparaît évident que nous ne pouvons pas envoyer des jeunes Bordelais en Israël dans une logique de réciprocité, estime l’adjointe au maire Céline Papin, citée par The Times of Israël. Il me semble prématuré de reprendre des activités de coopération avec Ashdod, dont le pays est engagé dans un conflit armé. »

Parallèlement, l’association Bordeaux – Ashdod – Israël, à l’origine du jumelage, a été relancée.

3- EMME, le projet d’usine au port de Bordeaux qui plombe l’ambiance

L’enquête publique sur le projet EMME se traduit pour l’instant par un ras-de-marée d’opinions négatives. A la date du 29 décembre, sur 300 avis déposés en 15 jours dans le registre, seulement 33 sont pour la construction de cette raffinerie de sulfates de nickel et de cobalt, destinés à la fabrication de batteries de voitures électriques.

La plupart, à l’instar de la CGT du Grand Port Martitime de Bordeaux ou d’ACD Nouvelle-Aquitaine (cluster régional des entreprises de chimie) avancent les arguments en faveur de la création d’emploi ou de la souveraineté industrielle de la France. Et soutiennent donc ce projet porté par une start-up localisée en Suisse, mais soutenue financièrement par l’Etat français.

L’enquête publique sur le projet EMME a démarré le 15 décembre 2025 Photo : JDS Architectes/DR

260 avis défavorables

Parmi les autres contributions, sept ne se prononcent pas et toutes les autres – dont quelques unes signées des mêmes contributeurs – se déclarent contre l’implantation de cette usine classée Seveso seuil haut à Grattequina, terminal du port de Bordeaux à Blanquefort et Parempuyre. Les risques pour l’environnement d’une telle installation dans une zone inondable et les incertitudes économiques et technologiques sur la filière batterie sont les raisons les plus fréquemment citées.

Elles alimentent également le recours déposé par la Sepanso devant le Conseil d’Etat contre l’arrêté ministériel déclarant ce projet d’intérêt national majeur, publié par le gouvernement Bayrou juste avant la motion de défiance visant l’ex Premier ministre, comme l’avait révélé Rue89 Bordeaux.

Avant le démarrage de l’enquête publique, la plupart des collectivités locales concernées appelées à se prononcer sur le projet avait également émis de fortes réserves, dont Bordeaux Métropole, sans toutefois voter contre. Saint-Louis-de-Monferrand et Ludon-Médoc s’étaient en revanché prononcé contre. Le Conseil national de protection de la nature a également émis un avis défavorable.

4- Le milliardaire d’extrême droite Pierre-Edouard Stérin, une influence qui interpelle

300 personnes environ à la Nuit du bien commun pour lever 393 600 € Photo : MB/Rue89 Bordeaux

Depuis la révélation de son projet PERICLES (patriotes, enracinés, résistants, identitaires, chrétiens, libéraux, européens, souverainistes) et de sa volonté affichée de financer l’accession au pouvoir de l’extrême droite en France, tout ce que touche de près ou de loin Pierre-Edouard Stérin prend une odeur de souffre.

Il en va ainsi du label « Les plus belles fêtes de France », auquel ont préféré renoncer plusieurs communes du Sud Ouest, dont les Bœufs gras de Bazas. Et surtout des Nuits du bien commun, initiées il y a 10 ans par le milliardaire, et dont la dimension la plus polémique le concernant jusque là était son exil fiscal en Belgique. Dans toutes les villes de France où elles sont organisées, ces soirées caritatives sont désormais l’objet d’appels au boycott et au blocage contre leur tenue.

Plaintes

Celle qui s’est récemment tenue à Bordeaux n’a pas dérogé à la règle. Ainsi que l’avait révélé Rue89 Bordeaux, une des 10 associations retenues par les organisateurs pour cette levée de fonds a préféré jeter l’éponge, après avoir été alertée par mails sur les liens présumés entre la Nuit du bien commun et Pierre-Edouard Stérin.

D’autres ont contre-attaqué, portant plainte contre ce qu’ils ont estimé être des menaces, notamment la CCI Bordeaux Gironde, qui loue chaque année le Palais de la Bourse à la société organisatrice, Obole. La soirée caritative a bien eu lieu, sans faire le plein, tandis que quelques dizaines de personnes ont manifesté à l’extérieur.

5- Quand Arc-en-rêve vire au cauchemar

Après un déficit abyssal de 800000€, révélé en 2023 et provoqué notamment par les irrégularités d’un ancien gestionnaire, le centre d’architecture bordelais a été sévèrement ébranlé par un récent rapport de la Chambre régionale des comptes. Ses principaux financeurs – dont la mairie de Bordeaux et la Métropole – se sont émus d’avoir appris par son truchement les dérives toujours en cours dans l’association.

Arc-en-rêve recherche une nouvelle tête Photo : WS/Rue89 Bordeaux

Outre le fastueux pot de départ (45000€) de ses fondateurs, Francine Fort et Michel Jacques, les magistrats financiers ont pointé les frais de déplacement de Fabrizio Gallanti, pour ses fréquents voyages à caractère personnel à Montréal, où réside sa famille. Le tout sans contrôle interne, ni justificatifs détaillés. Malgré le soutien d’une partie du conseil d’administration, la position devenait intenable pour le directeur nommé en 2021, qui a aussitôt été débarqué.

En pleine période de disette budgétaire pour les collectivités, qui affecte par exemple le fonctionnement des CAUE (conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement), tous les scénarios sont sur la table pour Arc-en-rêve, dotée d’un budget de 1,5 million d’euros. A commencer par un possible ménage dans sa gouvernance.


#Gavé polémique

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Photo : Wavegarden/DR

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